Un affrontement se prépare entre la classe ouvrière et le gouvernement progressiste-conservateur de l'Ontario et son premier ministre populiste de droite, Doug Ford, qui suit le modèle de Donald Trump. À la demande des grandes entreprises, les conservateurs s'attaquent de front aux droits des travailleurs et aux services publics, en dorlotant la police, en attisant l'hostilité envers les réfugiés et en se préparant à criminaliser l'opposition de la classe ouvrière, y compris les menaces de grève des enseignants cet automne.
Déterminés à repousser cette offensive pro-patronale, un nombre croissant de travailleurs et de jeunes participent à des manifestations et à d'autres formes de protestation. Beaucoup d'entre elles ont été organisées sur les médias sociaux, indépendamment des syndicats et du reste de l'establishment politique. La question essentielle est de donner à ce sentiment militant naissant une perspective politique socialiste: une perspective qui oriente la classe ouvrière vers la préparation d'une grève générale politique pour faire tomber le gouvernement Ford, comme une première étape cruciale dans le développement d'un mouvement politique de masse pour la prise du pouvoir par les travailleurs.
Dans la poursuite d'une telle stratégie, les travailleurs et les jeunes doivent comprendre deux points essentiels sur le caractère de leur lutte:
1. En s'opposant à la contre-révolution sociale de Ford, ils contestent le programme non seulement d'un homme d'affaires multimillionnaire particulièrement malveillant et rapace, mais de la classe capitaliste entière. Depuis la crise économique mondiale de 2008, les élites dirigeantes du monde entier se sont déplacées de plus en plus vers la droite dans une lutte acharnée pour faire payer les travailleurs pour la chute du capitalisme. Il s'agit notamment d'une austérité implacable, pour faire en sorte que les profits de l'élite patronale continuent d'augmenter, et d'une augmentation considérable des budgets militaires et de l'agression étrangère. Comme dans les années 1930, les puissances impérialistes, y compris le Canada, sont engagées dans une lutte effrénée pour les marchés, les ressources et l'avantage stratégique qui menace de déclencher la guerre mondiale.
2. L'opposition au programme de droite de Ford s'inscrit dans le cadre d'une recrudescence mondiale de la classe ouvrière contre l'insécurité économique et les inégalités sociales qui ne cessent de s'aggraver. Depuis les grèves des enseignants aux États-Unis et la rébellion des travailleurs de Matamoros au Mexique, jusqu'au mouvement français des gilets jaunes et aux manifestations de masse contre les régimes dictatoriaux d'Algérie et du Soudan, les travailleurs cherchent à faire entendre leurs intérêts de classe. Invariablement, l'impulsion de ces luttes est venue de l'extérieur des appareils syndicaux et des partis de «gauche» de l'establishment. Et elles ne se sont développées que dans la mesure où l'opposition à ces organisations procapitalistes – qui depuis des décennies imposent l'austérité, les reculs et suppressions d'emplois – devient de plus en plus explicite sur le plan organisationnel et politique.
La lutte contre Ford ne peut réussir que si les travailleurs se libèrent du contrôle politique des syndicats et du NPD et s'efforcent d'unir leurs luttes à celles des travailleurs du Canada, des États-Unis et du reste du monde dans une contre-offensive de classe ouvrière mondiale contre l'austérité et la guerre capitalistes.
Le rôle joué par les syndicats doit faire l'objet d'une vive mise en garde. Ils sont déterminés à saboter l'opposition ouvrière à Ford, tout comme ils ont torpillé le mouvement de masse contre Mike Harris et sa révolution thatchérienne du bon sens, il y a deux décennies.
Pendant la plus grande partie de la première année au pouvoir de Ford, les syndicats ont fait le mort. Si, à la fin du mois de mars, ils se sont finalement mobilisés pour lancer une soi-disant campagne anti-Ford sous la bannière «Le pouvoir du plus grand nombre» (Power of Many), c'est parce qu'ils étaient alarmés que les travailleurs et les jeunes aient commencé à organiser leurs propres actions indépendantes de protestation.
Le «Pouvoir du plus grand nombre» de la Fédération des travailleurs de l'Ontario est une fraude cynique. Il vise à enfermer l'opposition ouvrière dans des actions de protestation futiles se limitant à faire pression sur Ford et ses conservateurs «pour qu'ils écoutent le peuple». Le fait que les syndicats s'opposent catégoriquement à la mobilisation de la classe ouvrière pour faire tomber le gouvernement Ford est souligné par l'horloge sur le site web de la FTO qui compte jusqu'à la toute dernière seconde combien de temps les Ontariens doivent attendre avant de pouvoir élire un gouvernement «progressiste» en juin 2022, c'est-à-dire un gouvernement capitaliste de droite, sous l'égide des libéraux ou du NPD.
La fausse opposition des syndicats à Ford va de pair avec leur appui à la réélection du gouvernement libéral fédéral de Justin Trudeau. Par l'entremise de groupes comme Engagement Canada, les syndicats reprennent le rôle qu'ils ont joué lors de l'élection de 2015, lorsqu'ils ont faussement présenté Trudeau comme une alternative «progressiste» aux conservateurs de Stephen Harper.
Au cours des quatre années qui se sont écoulées depuis, Trudeau a enclenché une augmentation de plus de 70 % des dépenses militaires, a élargi le rôle du Canada dans les offensives militaires et stratégiques américaines partout dans le monde, a maintenu une austérité pour les travailleurs et des impôts très bas pour les entreprises et a criminalisé la grève des employés des postes en 2018. Pourtant, les syndicats ont élargi avec empressement leur collaboration avec les libéraux, établissant un partenariat plus étroit avec Trudeau que tout autre gouvernement fédéral depuis des décennies.
Le président du syndicat Unifor, Jerry Dias, a été conseiller semi-officiel auprès de Trudeau et des grandes entreprises canadiennes pendant les négociations de l'Accord de libre-échange nord-américain. Puis, en réponse à la fermeture par GM de cinq usines en Amérique du Nord, il s'est opposé à toute action syndicale, tout en organisant une campagne réactionnaire pour «sauver les emplois canadiens» qui dressait les travailleurs les uns contre les autres et tentait d'attiser l'animosité raciste envers les travailleurs mexicains. Lorsque Trump a imposé des droits de douane sur les produits canadiens de l'acier et de l'aluminium, les Métallos se sont joints au gouvernement Trudeau pour préconiser une politique nord-américaine commune de guerre commerciale contre la Chine, soulignant que l'acier et l'aluminium canadiens étaient essentiels à la fabrication des avions et chars de guerre américains.
Les travailleurs de l'Ontario ne peuvent faire avancer leur lutte contre Ford qu'en formant leurs propres comités d'action dans les lieux de travail, les écoles et les quartiers, entièrement indépendants des syndicats corporatistes et de tous les partis de la bourgeoisie, et en opposition politique à ceux-ci. Ces comités doivent unir et coordonner l'opposition à Ford, organiser des protestations et des grèves contre sa gamme de mesures anti-ouvrières – depuis la réduction du salaire minimum et la suppression de l'aide aux étudiants jusqu'à l'attaque contre l'éducation publique – et jeter les bases d'une grève politique générale pour faire tomber le gouvernement Ford.
Le développement d'un tel mouvement posera inévitablement la question de savoir quelle sera la classe qui doit diriger: la vie socio-économique continuera-t-elle d'être subordonnée à l'impératif du profit des grandes entreprises, qui entraîne la régression sociale, la violence impérialiste et la menace croissante de la guerre, ou les besoins sociaux des travailleurs prévaudront-ils?
Par conséquent, dès le départ, les travailleurs et les jeunes les plus conscients de leur classe doivent se battre pour que le mouvement anti-Ford et les comités de la base deviennent le fer de lance d'une poussée ouvrière à travers le pays visant à amener au pouvoir un gouvernement ouvrier engagé dans des politiques socialistes et à développer une offensive internationale contre le capitalisme.
Ford et l'élite dirigeante canadienne ont déjà démontré qu'ils réagiraient à l'opposition sociale croissante par la répression de l'État. Les gouvernements de toutes allégeances politiques ont systématiquement criminalisé les grèves, tout en érigeant au nom de la fausse «guerre contre le terrorisme» l'infrastructure d'un État policier.
Le passage de la classe dirigeante à des méthodes autoritaires de gouvernement permet de souligner davantage le rôle politique criminel joué par des groupes de la pseudo-gauche tels que La Riposte et la Ligue pour l'Action socialiste. Ils prononcent des phrases militantes sur la nécessité de lutter contre Ford, tout en s'opposant systématiquement à toute contestation de l'autorité politique des syndicats et du NPD. Peu importe que pendant des décennies ces organisations aient réprimé la lutte de classes, imposé l'austérité et fait respecter les lois antigrèves. De plus, le bilan des syndicats du monde entier au cours des trois dernières décennies a démontré que ces organisations nationalistes et procapitalistes ne répondront pas aux pressions d'en bas en se tournant vers la gauche. Au contraire, elles resserreront encore plus résolument leurs rangs avec la bourgeoisie pour contenir politiquement et faire dérailler l'opposition de la classe ouvrière.
Les groupes de pseudo-gauche sont parmi les principaux promoteurs de la politique de la race, du genre et d'autres formes d'identité, où les couches privilégiées cherchent à promouvoir leurs ambitions professionnelles et leur position sociale dans le cadre du capitalisme. Dirigée par les couches supérieures de la classe moyenne et orientée vers elle, la pseudo-gauche a peur que la lutte anti-Ford échappe au contrôle des syndicats et prenne un caractère explicitement anticapitaliste et socialiste internationaliste.
Mais c'est précisément ce dont la classe ouvrière a besoin. Pour vaincre l'assaut capitaliste mondial contre les droits sociaux de la classe ouvrière, défendre les droits démocratiques et s'opposer à la guerre, les travailleurs de l'Ontario et du Canada doivent prendre leur place dans la contre-offensive mondiale de la classe ouvrière et lutter pour lui donner une direction socialiste.
C'est dans cette perspective que luttent le Parti de l'égalité socialiste, ses copenseurs au sein du Comité international de la Quatrième Internationale et son quotidien, le World Socialist Web Site. Nous exhortons tous les travailleurs et les jeunes qui reconnaissent l'urgente nécessité pour la classe ouvrière d'être armée d'une perspective politique socialiste à devenir lecteurs du WSWS, à entamer des discussions avec le PES et à se joindre à la lutte pour sa construction.
(Article paru en anglais le 15 juillet 2019)