Les révélations du journaliste du Washington Post, Bob Woodward, documentant comment le président américain Donald Trump a menti au peuple américain sur le danger posé par la COVID-19, ont également servi à exposer davantage la réponse insensible et désastreuse de l'élite dirigeante du Canada à la pandémie.
Trump a été informé par son conseiller à la sécurité nationale Robert O'Brien le 28 janvier que le coronavirus était le plus grand défi de sécurité nationale de sa présidence à ce jour. Ce n'était que l'un d'une série de briefings de haut niveau dans lesquels la gravité de la menace du nouveau coronavirus a été portée à plusieurs reprises à l'attention de Trump.
Puis, le 7 février, Trump a déclaré à Woodward, dans un échange enregistré, que le président chinois Xi Jinping l'avait informé que la maladie était transmise par voie aérienne et pourrait avoir un taux de mortalité de 5%. Trump dira plus tard à Woodward qu'il a néanmoins continué à «minimiser» la COVID-19 parce qu'il ne voulait pas déclencher une «panique», c'est-à-dire un effondrement de Wall Street et des marchés financiers. Dans cette entreprise criminelle, qui a entraîné la mort de centaines de milliers de personnes, les dirigeants du Parti démocrate sont complices, puisqu'ils ont reçu essentiellement les mêmes renseignements lors de séances d'information sur la sécurité, mais n'ont rien fait pour alerter le public.
Le Canada est le partenaire militaire et sécuritaire le plus proche de Washington, lié au Pentagone et aux agences américaines de renseignement et de sécurité intérieure par le biais d'un vaste réseau d'alliances et d’affiliations, dont l'OTAN, le NORAD et les Five Eyes. Compte tenu de l'ampleur de ce partenariat, que les politiciens de tous les grands partis ne se lassent jamais de vanter lorsque la question est de soutenir la guerre et les intrigues à l'étranger ou d'augmenter les dépenses militaires, il est inconcevable que l'appareil de sécurité nationale du Canada et le gouvernement libéral n'aient pas été au courant des avertissements du renseignement reçu par Trump et les démocrates en janvier et début février.
De plus, la seule raison plausible qui peut expliquer le fait que les autorités canadiennes n’ont pas alerté le public et engagé immédiatement des mesures préventives à grande échelle est qu'elles étaient motivées par les mêmes préoccupations mercenaires – c'est-à-dire les intérêts de classe – que l'establishment politique américain. Ils ne voulaient pas ébranler les marchés financiers ou entraver les profits des grandes entreprises; avec la motivation supplémentaire possible de la part d'Ottawa de ne pas vouloir faire quoi que ce soit qui énerverait Trump et nuirait aux relations avec Washington.
Le ministre de la Défense, Harjit Sajjan, a admis que l'unité de renseignement médical de l'armée recueillait des informations sur le nouveau virus et son impact en Chine pendant plusieurs semaines avant de lui fournir un briefing à la mi-janvier. Les informations contenues dans cette note d'information ont ensuite été largement diffusées dans l'ensemble du gouvernement.
Cependant, le groupe d'intervention du gouvernement en cas d'incident ne s'est réuni pour discuter du coronavirus que le 27 janvier. Un jour plus tard, la ministre de la Santé Patty Hajdu a répondu à une question à savoir savoir si le gouvernement fédéral fournirait des ressources supplémentaires aux provinces pour renforcer leurs systèmes de santé en disant: «Je pense qu'il est très prématuré de dire que des ressources supplémentaires seront nécessaires au niveau des hôpitaux. Tout indique que nous ne le ferons pas à ce stade.»
Les premiers cas canadiens de COVID-19 ont été signalés la même semaine, et le 28 janvier, l'Organisation mondiale de la santé (OMS) a averti que la transmission était «élevée au niveau mondial», indiquant que la transmission communautaire était déjà en cours dans de nombreux pays. Trois jours plus tard, l'OMS a déclaré une urgence sanitaire mondiale.
Pourtant, au cours des cinq semaines suivantes, le gouvernement Trudeau n'a pas pris de mesures de fond, telles que l'obtention de ressources accrues, informer le public sur l'étendue de la menace et ses plans pour arrêter la propagation du virus ou l'instauration de lignes directrices de distanciation. Ce n'est que le 10 mars, plus de deux mois après avoir appris l'existence du virus, que le gouvernement libéral de Trudeau a même écrit aux provinces pour s'enquérir de leurs stocks d'équipements de protection individuelle (EPI) et d'autres fournitures médicales essentielles. Le temps vital qui aurait pu être utilisé pour préparer un système de santé déjà en train de céder en raison de décennies de compressions budgétaires et de la privatisation d'une grande partie des soins aux personnes âgées a ainsi été gaspillé.
En Ontario, le gouvernement très à droite de Doug Ford a aussi systématiquement minimisé la pandémie. Le 8 mars, le ministère provincial de la Santé a déclaré que le risque pour les Ontariens restait faible et Ford a conseillé aux Ontariens de sortir et de profiter des vacances du printemps. À ce stade, les hôpitaux étaient déjà aux prises avec un afflux de patients. Après que les efforts pour faire discrètement pression sur le gouvernement pour qu'il prenne des mesures drastiques ont été ignorés, l'Association des hôpitaux de l'Ontario a rédigé une pétition demandant au premier ministre de déclarer l'état d'urgence.
Les mois qui ont suivi ont mis au jour des documents soulignant comment le gouvernement fédéral a ignoré les avertissements et n'a pas pris les mesures préparatoires les plus élémentaires en février. Des documents obtenus par le radiodiffuseur public CBC indiquent que les représentants du gouvernement ont mis en garde au début de février sur une pénurie imminente d'EPI dans le stock national d'urgence (NESS). Dans une présentation interne le 13 février, l'Agence de la santé publique du Canada a signalé que le stock fédéral ne contenait qu'une «quantité modeste d'équipement de protection individuelle, notamment des masques chirurgicaux, des respirateurs, des gants, des blouses et des combinaisons», et a averti que les approvisionnements mondiaux seraient bientôt diminués face à un énorme pic de la demande.
À moins que le gouvernement n'agisse rapidement pour acquérir ces produits, ont fait valoir des responsables, la vie des travailleurs de la santé à travers le pays serait en danger une fois qu'ils seraient appelés à traiter les personnes atteintes du coronavirus. Pourtant, selon le rapport de la CBC, tous les contrats que le gouvernement a attribués pour les EPI dans les jours qui ont suivi ont totalisé moins de 300.000 $.
Les premières commandes de fournitures supplémentaires importantes d'EPI et de respirateurs n'ont été émises que le 14 mars, date à laquelle la crise battait déjà son plein et une grande partie du pays était en confinement. L'achat de masques N95 a été rendu encore plus difficile en raison du fait que le gouvernement avait un contrat avec un seul laboratoire aux États-Unis pour les valider.
Le manque d'EPI a été un facteur majeur de propagation du virus, contribuant au décès des patients et des agents de la santé. En juillet, Statistique Canada a signalé que les travailleurs de la santé de première ligne représentaient plus de 21% de tous les cas de COVID-19 à l'échelle nationale.
Jusqu’à mardi, le Canada avait enregistré plus de 139.000 infections et 9188 décès, dont la grande majorité est survenue parmi les résidents des établissements de soins de longue durée des maisons de soins infirmiers et autres établissements de soins de longue durée.
La réponse dilatoire et négligente du gouvernement face à ce que l'OMS et le principal partenaire du renseignement intérieur du Canada identifiaient comme une urgence de santé publique colossale contraste fortement avec la réponse officielle à l'impact économique de la pandémie sur les investisseurs et les grandes entreprises. À peine la pandémie a-t-elle fait trembler les marchés financiers et forcé les gouvernements provinciaux de tout le pays à annoncer tardivement des mesures de confinement que le gouvernement Trudeau et la Banque du Canada sont intervenus avec un sauvetage massif des investisseurs, des banques et des sociétés canadiennes.
À l'instar de Trump et des démocrates aux États-Unis, le gouvernement libéral, la banque centrale du Canada et d'autres agences d'État sont venus à la rescousse de l'élite financière, injectant 650 milliards de dollars dans leurs coffres à la fin du mois de mars. Ce vol massif de fonds publics a été aidé et encouragé par le NPD et la bureaucratie syndicale. Ils sont restés silencieux sur l'énorme transfert de richesse à l'élite capitaliste, tout en louant le gouvernement Trudeau pour avoir fourni un maigre 2000 $ par mois à travers la bientôt défunte Prestation canadienne d'urgence (PCU) aux millions de travailleurs qui ont perdu leur emploi et leur revenu.
Conformément à leur rôle d'alliés corporatistes du gouvernement libéral et des grandes entreprises, les syndicats ont soutenu la campagne de retour au travail, y compris la campagne de réouverture des écoles afin que les parents puissent être forcés de reprendre le travail en pleine pandémie. Les syndicats se sont opposés à une grève contre ce qu'ils reconnaissent être des conditions dangereuses, au motif qu'une telle action serait «illégale» (voir: «Un dirigeant d’un syndicat des enseignants de l'Ontario s'oppose à toute mobilisation visant à mettre fin à la réouverture imprudente des écoles»).
La couverture médiatique canadienne des révélations de Woodward et de la manière qu'elles impliquent le gouvernement Trudeau et l'appareil de sécurité militaire généreusement financé par le Canada dans un complot visant à dissimuler la menace posée par la COVID-19 a été extrêmement discrète.
L'un des quelques reportages publiés dans une grande publication médiatique suggère même que les révélations de Woodward et les partenariats intimes entre le Canada et les États-Unis en matière de renseignement de sécurité soulèvent la question «que savait le gouvernement fédéral» au sujet de la pandémie de COVID-19 en développement «et quand ?» était un article de CBC publié lundi. Il s'intitulait «Les révélations de Woodward sur Trump soulèvent des questions sur la réponse du Canada à la COVID-19.»
Cependant, l'article est largement consacré à la promotion d'affirmations peu convaincantes selon lesquelles Ottawa n'aurait pas eu accès aux mêmes renseignements que Trump. Sa principale critique à l'encontre du gouvernement Trudeau n'est pas qu'il a délibérément minimisé la menace posée par la pandémie de concert avec le président et l'establishment politique américains, mais qu'il s'est trop appuyé sur les informations de la Chine et de l'Organisation mondiale de la santé en janvier et février. Cela fait écho à la campagne belliqueuse à motivation géopolitique menée par l'opposition officielle conservatrice, le National Post, le Toronto Sun et d'autres médias de droite pour blâmer la Chine pour la pandémie, et expliquer la réponse désastreuse du gouvernement libéral à la pandémie en affirmant qu’il était un prétendu lèche-bottes de la Chine.
La CBC et d'autres médias ont commodément occulté le fait que Trump avait été informé le 7 février par le président chinois Xi de la gravité de la maladie, après quoi il a livré sa sombre évaluation en privé à Woodward.
(Article paru en anglais le 16 septembre 2020)
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