Mélenchon s’aligne sur la guerre livrée par l’Otan à la Russie en Ukraine

Alors que le conflit entre l’Otan et la Russie en Ukraine s’intensifie, soulevant la menace d'une guerre nucléaire, Jean-Luc Mélenchon, le candidat présidentiel de la France Insoumise, se range derrière l'Otan contre la Russie. Il soutient ainsi l’aide aux milices nationalistes ukrainiennes d'extrême-droite qu’il avait explicitement critiquées il y a à peine trois ans.

Ceci souligne le rôle réactionnaire des organisations que les grands médias font passer pour «l’extrême-gauche». Bien que la grande majorité de la population française (69 pour cent selon un récent sondage) s'oppose à une participation à la guerre, Mélenchon ne mène pas campagne contre la guerre. Il n’a lancé aucun appel à mobiliser les 7 millions d’électeurs qui ont voté pour lui aux présidentielles en 2017. En cela, il s’aligne sur l’appareil de la CGT et le NPA pabliste, qui ont eux aussi appelé à soutenir l’Otan contre la Russie.

Mélenchon accuse Poutine de porter la «totale responsabilité» de la guerre, couvrant la campagne belliciste de l’Otan et son escalade militariste contre la Russie.

Lors de l’émission «Ma France» sur France Bleu vendredi dernier, Mélenchon a déclaré: «Je me suis toujours cramponné à l'idée qu'on ne passe pas les frontières. Les Russes l'ont fait, ils portent la totale responsabilité de la situation et il faut dire que nous sommes continuellement au bord d'une guerre totale».

Loin d’avertir sur le danger de l’anéantissement de l’humanité que poserait une Troisième Guerre mondiale, Mélenchon il applaudit les sanctions économiques imposée par les Etats-Unis et l’Union Européenne à l’encontre de la Russie et du président Vladimir Poutine. Selon Mélenchon, «le déstabiliser en déstabilisant les oligarques, c'est-à-dire les très grands riches qui l'entourent et dont il est l'homme de main, en quelque sorte, je pense que cela sera efficace.»

En fait, les sanctions attaquent non seulement les oligarques russes mais, surtout, les emplois et les niveaux de vie de masses de travailleurs en Russie et autour du monde, y compris en Europe.

Le Parti de l’égalité socialiste s’oppose à l’invasion de l’Ukraine par le régime Poutine qui sert les intérêts de la classe dirigeante capitaliste Russie. L’invasion de l’Ukraine, quelles que soient les justifications données par le régime de Poutine, ne peut que diviser la classe ouvrière russe et ukrainienne. Elle fait le jeu de l’impérialisme américain et européen. Mais si Poutine a lancé la guerre, la principale responsabilité en incombe néanmoins aux puissances de l’Otan, surtout à Washington, qui ont tout fait pour provoquer Moscou à lancer l’invasion.

Ayant approuvé un coup d’État dirigé par l’extrême-droite ukrainienne qui a mis en place un régime pro-Otan à Kiev en 2014, l’Otan a fourni des milliards d’euros pour armer le régime de droite ukrainien contre Moscou. Ils ont refusé de discuter de garanties de sécurité pour Moscou, alors qu’ils armaient Kiev et voulaient installer des missiles sur le sol ukrainien, tout près de la Russie. Après l’invasion de la Russie contre l’Ukraine, l’Otan continue à soutenir l'Ukraine avec des armes, notamment des drones de combat et des systèmes antiaériens de longue portée.

Le positionnement de Mélenchon démontre son cynisme et son alignement conscient sur l’impérialisme, alors qu’il se pose en candidat «de la paix» et évoque Jean Jaurès. Il traite de temps en temps l’Otan d’alliance «inutile» et prône une France «non-alignée». Mais, reprenant son rôle pendant la Guerre froide de l’Otan contre l’Union soviétique, ce n’est pour couvrir de quelques phrases pacifistes son soutien à l’impérialisme.

Cachant son alignement militaire sur Washington avec quelques piques nationalistes antiaméricaines, Mélenchon a fait le commentaire suivant au journal La Croix: «L’Otan est une machine à créer des embrouilles, un instrument de l’empire américain déclinant. Mais je distingue ce sujet de l’Ukraine, car la responsabilité de la guerre repose sur les épaules de M. Poutine. Ce n’est pas l’Otan qui a violé la frontière avec ses chars.»

En réalité, depuis la dissolution de l'Union soviétique en 1991 par la bureaucratie stalinienne, ce sont les puissances impérialistes qui mènent l’offensive. Elles ont attaqué l’Irak, la Somalie, la Yougoslavie, l’Afghanistan, la Libye, la Syrie et le Mali, pour ne mentionner que les guerres les plus connues. De même, les puissances de l'Otan ont systématiquement procédé à l'encerclement de la Russie en Europe de l’est, afin de la menacer.

Mélenchon est d’ailleurs impliqué dans ces guerres, car il était conseiller du président Mitterrand et haut responsable du PS pendant les deux septennats de Mitterrand, de 1981 à 1995. C’est à cette époque que se sont déroulés la première Guerre du Golfe contre l’Irak en 1991, les premières interventions de l’Otan en Somalie et en Yougoslavie, et le génocide mené par le régime soutenu par Mitterrand au Rwanda en 1994.

En février 2014, après avoir absorbé presque toute l’Europe de l’est, l’Otan a accordé son soutien au coup d’État mené par des forces d’extrême-droite comme Svoboda et le Secteur droit contre le gouvernement pro-russe élu du président Viktor Ianoukovitch.

Mélenchon est pleinement conscient du fait que sa position sur l’Ukraine l’aligne sur des milices néonazies. En effet, en 2014, il s’est senti obligé de formuler quelques critiques hypocrites sur la politique étrangère française et de son alignement sur les fascistes ukrainiens.

A propos de l’annexion de la Crimée par la Russie par référendum populaire, Mélenchon a dit: «les ports de Crimée sont vitaux pour la sécurité de la Russie, il est absolument prévisible que les Russes ne se laisseront pas faire, ils sont en train de prendre des mesures de protection contre un pouvoir putschiste aventurier, dans lequel les néonazis ont une influence tout à fait détestable».

En 2018, Mélenchon a même critiqué l’accueil du président de l’assemblé ukrainienne, membre de l'extrême droite Svoboda, par François de Rugy, le président de l'Assemblée nationale. «Demian de Rugy reçoit solennellement le néonazi antisémite ukrainien Svoboda! Voilà où mène l’atlantisme forcené», a écrit Mélenchon sur son compte Twitter.

Aujourd’hui, c’est Mélenchon lui-même qui devient le forcené du soutien à l’Otan et à l’extrême-droite ukrainienne, qu’il avait pourtant critiquées par le passé. Il déclare sans ambages: «je ne suis pas non aligné entre M. Zelensky et M. Poutine. Il est tout à fait clair que je me situe du côté de M. Zelensky contre M. Poutine.»

Mais derrière Zelensky et sa collaboration avec les forces d'extrême droite en Ukraine, il y a l’Otan. Le soutien de Mélenchon à Zelensky va de pair avec son alignement sur la démarche guerrière de l'OTAN contre la Russie.

Mélenchon articule des politiques pour servir l'impérialisme français. Il adopte sa rhétorique cynique et nationaliste en fonction de décisions prises par la classe dirigeante.

Lorsque Trump était au pouvoir, les puissances impérialistes européennes entraient en conflit avec les États-Unis. Elles critiquaient l'annulation par Trump du traité sur l'Iran, en se demandant si l'alliance transatlantique est morte. À l'époque, l'ancienne chancelière allemande Angela Merkel a déclaré que les Européens devraient à l'avenir se battre «pour nous-mêmes», et Trump a même qualifié l'OTAN d’«obsolète.»

À cette époque, critiquant les menaces de Trump contre l'Iran, Mélenchon a appelé à une alliance anti-américaine entre Paris et Moscou. Avant de se rendre à Moscou en 2018 pour des discussions avec le Parti communiste uni (OKP) stalinien, il a dit: «Je suis absolument contre l'alliance américaine, je veux quitter l'OTAN». Il a déclaré aux médias: «Je suis venu ici pour entreprendre un acte militant: dire ‘Les Russes sont nos amis’.»

Aujourd'hui, et depuis l’élection de Joe Biden, Paris se range derrière Washington contre la Russie. Mélenchon s’aligne à nouveau avec la politique de la classe dirigeante.

Mélenchon minimise le danger de la guerre nucléaire, qui peut éclater à tout moment avec l’intensification des tensions, et encourage dangereusement les travailleurs à croire que les grandes puissances risquent pas de déclencher de guerre nucléaire. A propos de Poutine, Mélenchon a dit: «Comme personne ne veut une guerre nucléaire, il nous prend à revers et fait ce qu'il veut. Et on s'aperçoit que plus aucune stratégie n'avait été pensée en dehors d'essayer de lui faire peur.»

En réalité, 60 ans après la crise des missiles de Cuba, la guerre en Ukraine a amené le monde à un point où le recours aux armes nucléaires est une réelle possibilité. Face au danger d’une guerre nucléaire entre la Russie et les puissances de l'OTAN qui peut éclater à tout moment, tuant des millions de personnes en Europe, en Russie, aux Etats-Unis et à travers le monde. Cette possibilité est largement évoquée par les médias et les hauts responsables de l’Otan.

Récemment, Sam Nunn, l’ancien sénateur américain et fondateur de l’«Initiative sur la menace nucléaire», a présenté un «scénario hypothétique illustrant l’une des voies possibles vers une guerre nucléaire mondiale et catastrophique» qui pourrait être déclenchée par la crise ukrainienne.» Suite à une intensification de frappes militaires entre la Russie et l’Otan, écrit Nunn, il y aurait un risque d'échange de frappes nucléaires par les deux parties avec des conséquences catastrophiques:

«au cours de l’heure qui suit, 82 millions d’Américains sont tués et les pays alliés connaissent le même sort. La plupart d’entre eux meurent sur le coup, tandis que d’autres mourront d’irradiation dans les jours et les semaines à venir. Ceux qui survivent auront des problèmes de santé chroniques pour le reste de leur vie écourtée, et leurs enfants naîtront probablement avec des défauts génétiques.»

Avec son alignement sur l'Otan, Mélenchon envoie un signal clair à la classe dirigeante française. Deux semaines avant le premier tour de l'élection présidentielle, il est en hausse dans les sondages (environ 15 %) en troisième position, talonnant l'impopulaire Macron et la néofasciste Marine Le Pen. Sur fond de colère sociale croissante contre l’austérite de Macron, la classe dirigeante considère Mélenchon comme un candidat potentiel pour mettre en œuvre une politique antiouvrière.

Geoffroy Roux de Bézieux, le patron du Medef, a estimé que Jean-Luc Mélenchon est «prêt à gouverner». Lors de l’émission «Elysée 2022» sur France 2, Roux de Bézieux a fait un signe qu’on ne pourrait manquer que le Medef réfléchit à lui en tant que président potentiel, en disant: «Oui, nos désaccords sont profonds. Mais même nos adversaires le reconnaissent: le favori de la gauche pour la présidentielle est prêt à gouverner, avec un programme solide et cohérent».

Le Parti de l’égalité socialiste formule les avertissements les plus sérieux sur le rôle politique de Mélenchon. S’il est élu, il mènera une politique de guerre et d’austérité comme l’ont fait ses alliés, le gouvernement Syriza en Grèce en 2015-2019, et le gouvernement Podemos actuellement au pouvoir en Espagne. Actuellement, ce gouvernement dirige une force de 23.000 gendarmes contre une grève nationale des routiers contre la vie chère et l’explosion des prix du gaz.

Pour les travailleurs et les jeunes, la tâche urgente est de rompre avec des partis petit-bourgeois de pseudo-gauche comme LFI, et de construire un mouvement indépendant dans la classe ouvrière contre la guerre impérialiste et le danger de guerre nucléaire.

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