Les élections françaises sont trop serrées pour que l’on puisse prévoir le résultat, l’extrême droite appelle à un gouvernement d’union nationale

Le premier tour des élections présidentielles françaises de 2022 se déroule ce dimanche dans un contexte de profonde désaffection populaire à l’égard de l’establishment au pouvoir. En même temps, il y a une incertitude quant à savoir qui disputera le second tour le 24 avril. Le président sortant Emmanuel Macron, la candidate néofasciste à la présidentielle de 2017 Marine Le Pen et le chef du parti de la France insoumise (LFI) Jean-Luc Mélenchon pourraient tous atteindre le second tour.

La campagne présidentielle a été largement impopulaire, car tous les candidats ont préconisé des politiques similaires et réactionnaires d’austérité, d’infection massive par le COVID-19 et de menaces militaires contre la Russie. L’électorat se trouve donc privé de ses droits. Les masses de travailleurs et de jeunes se trouvent sans moyen d’éviter le danger que représentent pour leur vie et leur niveau de vie la hausse de l’inflation, la pandémie de COVID-19 et la guerre en Ukraine.

La profonde désillusion populaire à l’égard de l’élite dirigeante se reflète dans le fait que 21 pour cent de l’électorat n’a toujours pas décidé pour qui voter dimanche.

Le grand nombre d’électeurs indécis signifie que, sur la base des sondages actuels, les trois principaux candidats pourraient théoriquement arriver en tête au premier tour, en fonction de celui que les électeurs indécis décideront de soutenir. L’institut de sondage BVA estime que Macron pourrait obtenir 20,5 à 28,5 pour cent des voix, Marine Le Pen 19 à 27 pour cent et Mélenchon 14,5 à 22 pour cent. L’élimination de Macron, largement méprisé par les travailleurs comme le «président des riches», est possible.

L’élection du premier président néo-fasciste de France est également une réelle possibilité. Dans ce qu’on considère comme le second tour le plus probable, un affrontement Macron-Le Pen comme lors des dernières élections présidentielles en 2017, le résultat serait également très serré. On crédite Macron de seulement 52 ou 51 pour cent des voix dans un tel affrontement. L'écart entre les deux candidats se situe dans la marge d’erreur du sondage.

L’examen des événements survenus lors des campagnes des candidats souligne que l’élection, quel que soit son résultat, ne résoudra aucun des problèmes brûlants auxquels font face les travailleurs.

S’exprimant jeudi sur la radio RTL, Le Pen a exposé son projet de «gouvernement d’union nationale» en s’alliant aux forces qui entourent l’ancien ministre de la Défense du Parti socialiste (PS), Jean-Pierre Chevènement. Son but est de se donner une base plus large au sein de l’establishment politique.

«Je gouvernerai, comme je l’ai dit, dans le cadre d’un gouvernement d’union nationale, d’abord avec des gens avec qui je travaille», a déclaré Le Pen, «mais aussi avec des gens qui me rejoindront. Bien sûr, j’ai une liste de personnes, et je pense que mon problème sera de choisir beaucoup plus que de trouver, parce que beaucoup de gens en France, soit dans la vie politique, soit dans la société civile, partagent les grandes lignes de ma politique».

Le Pen a déclaré qu’elle ne «déciderait pas de toutes les positions de manière définitive, pour pouvoir accueillir les personnes qui décideraient de participer au gouvernement d’union nationale».

Elle a souligné qu’elle prévoyait d’inclure des politiciens nominalement «de gauche» dans son gouvernement d’unité nationale. À la question de savoir si elle pourrait travailler avec les partisans du parti de la France insoumise (LFI) de Jean-Luc Mélenchon, elle a répondu prudemment: «Probablement pas». Cependant, elle a ajouté: «Je pourrais très bien avoir des gens qui viennent par exemple de la gauche autour de Jean-Pierre Chevènement, c’est-à-dire une gauche de la souveraineté nationale, une gauche qui défend la réindustrialisation, qui défend nos grandes industries».

Dans une interview accordée à la chaîne d’information en ligne française, Brut, Macron a tenté de vanter son bilan économique. Cela a consisté à encourager les entreprises à s’installer en France en réduisant les salaires et le coût du travail. Après sa présidence, Macron s’est vanté: «Nous construisons plus d’usines que nous n’en fermons, ce qui n’était pas arrivé depuis 30 ans… On a gagné de telles batailles. Elles ont nourri l’extrémisme politique».

Un intervieweur l’a alors interpellé, rappelant sa promesse de réduire en cinq ans le nombre d’électeurs qui votent pour des candidats d’extrême droite. Le journaliste de Brut a souligné que Le Pen et son camarade néo-fasciste Eric Zemmour obtiennent ensemble plus de 30 pour cent des voix — soit plus que ce que Le Pen — seul candidat néo-fasciste en 2017, avait obtenue lors des précédentes élections.

Macron n’a pu que répondre: «Un homme qui est seul ne peut pas tout résoudre, on m’a parfois reproché d’essayer de le faire. Je pense que les sujets sur lesquels nous nous faisions attaquer, nous avons commencé à les résoudre». Sans expliquer comment le président de la République française pourrait être considéré comme étant «seul» s’il essaie de résoudre les problèmes, Macron a fait ensuite un virage à 180 degrés et admis: «Nous n’avons pas réussi à apporter une solution suffisamment crédible pour que les gens se détournent massivement des politiques extrémistes».

Mélenchon gagne le soutien d’artistes et de politiciens de premier plan et espère accélérer sa montée dans les sondages dans les derniers jours de la campagne. Un groupe de 50 artistes, dont la comédienne et humoriste Blanche Gardin, les actrices Anny Duperey et Corinne Masiero, l’acteur Bruno Solo, le musicien Yvan le Bolloc'h et le réalisateur Robert Guédiguian, ont signé une lettre appelant à voter Mélenchon, censé empêcher Le Pen d’accéder au second tour.

Mélenchon avait déjà reçu les éloges de Geoffroy Roux de Bézieux, directeur du MEDEF, en tant que candidat «crédible». Plus récemment, il a reçu le soutien de l’ancienne ministre de la Justice Christiane Taubira et de Sébastien Nadot, qui a été député du parti de Macron, La République en Marche (LRM). Il est évident qu’une faction de l’establishment politique, qui aurait auparavant soutenu Macron, se demande maintenant si elle ne devrait pas soutenir Mélenchon. Cependant, cela ne fait que souligner que Mélenchon, s’il est élu, gouvernera dans l’intérêt des banques et décevra ses partisans.

Aucun de ces candidats n’a quoi que ce soit à offrir aux travailleurs sur les questions les plus urgentes: le danger de guerre avec la Russie, le nombre croissant de mort de la pandémie de COVID-19 et l’appauvrissement des travailleurs du fait de la hausse rapide des prix.

Un sondage réalisé le mois dernier a révélé que 76 pour cent des Français sont préoccupés par le danger d’une guerre nucléaire avec la Russie. Près d’un million de personnes en France sont malades du COVID-19 et 1.000 personnes en meurent chaque semaine. Pourtant, tout ce que l’establishment politique français a à offrir est un nouvel assouplissement des mesures de protection contre le COVID-19 et des déclarations de soutien aux menaces de guerre de l’OTAN contre la Russie.

Les travailleurs se trouvent également de plus en plus préoccupés par la flambée des prix des produits de base. Ceci est dû aux opérations massives d’impression monétaire des banques centrales européennes pendant la pandémie et aux sanctions de l’OTAN contre la Russie. Les prix du gaz naturel réglementés par l’État ont connu une augmentation sans précédent de 12,6 pour cent en octobre dernier. Hier, le distributeur français de gaz naturel, GRDF, a annoncé qu’il prévoyait des coupures tournantes de gaz à ses clients en raison de pénuries d’approvisionnement dues aux sanctions de l’OTAN contre l’énergie russe.

Les Nations unies ont annoncé que les prix mondiaux des denrées alimentaires avaient augmentées de 13 pour cent en mars. Les pénuries alimentaires s’aggravent en raison des difficultés à planter et à exporter les récoltes dans le contexte de la guerre russo-ukrainienne. La Russie et l’Ukraine fournissent 80 pour cent des exportations mondiales de tournesol, et les réserves européennes d’huile de tournesol seront épuisées dans 15 jours, ce qui aura un impact sur une gamme vertigineuse de produits. Cela va de la margarine aux pâtes, en passant par les chips, le poisson pané, les sauces et les biscuits. La pénurie de céréales devrait également faire exploser les prix de la viande et entraîner d’importantes pénuries de poulet et d’œufs.

Aucun des candidats en lice dans les présentes élections ne peut mener la lutte contre la guerre impérialiste, l’indifférence officielle malveillante à l’égard du COVID-19, l’appauvrissement de la classe ouvrière et le danger d’un régime fasciste. Cela dépend de la construction d’une mobilisation révolutionnaire indépendante des travailleurs et de la jeunesse contre tous ces candidats, basée sur une perspective socialiste et internationaliste.

(Article paru d’abord en anglais le 9 avril 2022)

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