Le gouvernement du Québec autorise Glencore àcontinuer d’empoisonner la population de Rouyn-Noranda

Le gouvernement provincial de la Coalition Avenir Québec (CAQ) poursuit ses manœuvres pour étouffer la colère populaire après les nouvelles révélationsconcernant la pollution massive et mortelle générée par la Fonderie Horne, propriété de la multinationale Glencore, à Rouyn-Noranda dans le nord-ouest du Québec.

Le gouvernement du premier ministre François Legault a récemment annoncé que le seuil des émissions journalières d'arsenic, établi à 100 nanogrammes par mètre cube pour 2021 par le gouvernement libéral précédent, devrait diminuer progressivement pour atteindre 15 ng/m3 d'ici 2027 – ce qui représente encore 5 fois plus que le plafond provincial de 3 ng/m3.

Il est connu depuis longtemps que l'émission massive d'arsenic et d'autres métaux lourds par la fonderie, l’une des entreprises les plus polluantes du pays, causent de graves problèmes de santé à la population de Rouyn-Noranda. Cela comprend un taux de cancer du poumon nettement plus élevé que la moyenne provinciale, 50 pour cent plus de maladies pulmonaires obstructives chroniques, un nombre beaucoup plus élevé de bébés de faible poids et une espérance de vie allant jusqu'à 5 ans de moins que la moyenne provinciale dans les quartiers proches de la fonderie.

La Fonderie Horne de Rouyn-Noranda (source: wikipedia) [Photo by Clarius29 / CC BY-SA 4.0] [Photo by Clarius29 / CC BY-SA 4.0]

L'annonce du gouvernement Legault ne changera rien à cette catastrophe sanitaire. La politique de la CAQ s’inscrit dans le sillage des libéraux et péquistes qui l'ont précédé au pouvoir et qui connaissaient les conséquences des émissions depuis au moins le milieu des années 1970: hier comme aujourd’hui, il s’agit avant tout de préserver les profits générés par la fonderie Horne.

Premièrement, le nouveau seuil fixé, même s’il est respecté, continue de poser une menace à la santé de la population de Rouyn-Noranda, ainsi qu'à la faune et à la flore à au moins 50 km de la fonderie. Selon la Dre Clodel Naud-Bellavance, qui pratique à Rouyn-Noranda, «ce n'est pas raisonnable d'envisager que... les 5 prochaines années vont se passer en haut de 15 nanogrammes». Elle rappelle les risques accrus pour les enfants, qui sont davantage touchés par les émissions d'arsenic en raison de leur petite taille et parce qu'ils ont tendance à jouer dans le sol contaminé par les retombées des émissions.

Deuxièmement, l'annonce du ministre de l'Environnement a été faite sur mesure pour Glencore, qui vient de reverser 4,5 milliards de dollars supplémentaires à ses actionnaires. La compagnie avait déclaré, avant l'annonce gouvernementale, qu'elle était prête à investir 1,5 milliard sur 10 ans pour réduire ses émissions. Des pourparlers ont lieu entre Glencore et le gouvernement Legault, qui s'est montré ouvert à verser des fonds publics à la compagnie. De plus, la Fonderie Horne avait elle-même proposé l'atteinte d'un seuil relativement similaire, entre 20 et 64 ng/m3.

Troisièmement, ce que la compagnie fera vraiment dans les cinq prochaines années sera, dans une large mesure, gardé secret. Les «exigences» du gouvernement, annoncées en grande pompe dans les médias, sont en fait des recommandations que la compagnie devra inclure dans sa prochaine «attestation d'assainissement» – un nom orwellien pour dire «droit de polluer» – qui doit être renouvelée d'ici la fin de l'année. La fonderie Horne de Glencore, comme 88 autres lieux de production à travers la province, possède un «droit» de polluer au-delà des normes de la province, au prétexte que l'usine existait avant que de nouvelles normes plus strictes ne soient implantées.

L' «attestation d'assainissement», d'une durée de cinq ans, précise la nature et la quantité des contaminants que la compagnie prévoit émettre. Mais, le document n'est pas accessible au public. Anne-Sophie Doré, du Centre québécois du droit de l’environnement, a tweeté: «C’est comme si on dit aux gens: on va porter atteinte à votre droit, mais on ne vous dira pas comment».

La CAQ, tout comme ses prédécesseurs libéraux et péquistes, n'hésite pas à recourir à ces méthodes antidémocratiques pour défendre les intérêts de la grande entreprise. Rappelons que c'est l'ancien directeur national de la santé publique, le Dr Horacio Arruda, qui avait bloqué la publication de données démontrant le caractère hautement toxique des émissions à la Fonderie Horne par une comparaison de l’état de santé à Rouyn-Noranda avec le reste de la province.

Arruda allait superviser quelques mois plus tard la réponse désastreuse du gouvernement caquiste à la pandémie de COVID-19. Comme à Rouyn-Noranda, la CAQ a fait passer les profits avant les vies humaines. Elle a exigé que les usines et la plupart des milieux de travail restent ouverts, ainsi que les écoles, afin que les profits puissent continuer d’être extraits du travail de la classe ouvrière. Elle a abandonné tout effort pour combattre la pandémie au nom de la politique meurtrière du «vivre avec le virus». Le résultat est que la province enregistre maintenant plus de 16.000 décès, des millions de personnes infectées au moins une fois à la COVID-19 et un système de santé qui est en train de s’écrouler.

Québec Solidaire (QS), le parti de la pseudo-gauche au Québec qui représente des couches aisées de la classe moyenne, a joué un rôle clé pour semer des illusions dans le gouvernement Legault et empêcher que les questions politiques essentielles liées à la pollution industrielle ne soient soulevées.

Émilise Lessard-Therrien, députée de QS native de l'Abitibi-Témiscamingue où est située Rouyn-Noranda, critique à l’occasion le gouvernement Legault. Mais elle ponctue ses tweets d’appels futiles pour que ce dernier entende raison. S’adressant au ministre québécois de l’Environnement, elle écrit: «Va-t-il prendre ses responsabilités et exiger la norme québécoise ou continuer d'agir en petit commis de l'économie?»

L'attitude cordiale de Legault envers la haute direction de Glencore n'a rien d'aberrant. C'est un exemple parmi tant d'autres du rôle objectif de l'État bourgeois, «un comité chargé de gérer les affaires communes de toute la bourgeoisie», pour reprendre les mots de Karl Marx et Friedrich Engels, fondateurs du socialisme scientifique.

QS présente la pollution à Rouyn-Noranda comme un problème purement local. «Si c'est 3ng la norme sécuritaire pour le Québec, pourquoi en serait-il autrement chez nous», tweete sa députée Lessard-Therrien. Pourtant il a été révélé que pas moins de 89 entreprises, partout dans la province, peuvent polluer au-delà des normes et ainsi engendrer d'innombrables problèmes de santé.

La crise environnementale, qui provient de l'incompatibilité complète entre les besoins sociaux et un système basé sur le profit privé et la compétition entre États-nations rivaux, ne peut être surmontée sur une base locale, ni même nationale. En tant que promoteur du nationalisme et du régionalisme les plus bornés, QS rejette toute orientation envers la classe ouvrière internationale, la seule force sociale capable de réorganiser la production sur une base rationnelle et respectueuse de l’environnement.

Quant aux syndicats, ils sont venus à la défense de la compagnie en déclarant que la fonderie Horne est parmi «les moins polluantes du genre au monde», dans les mots de Dominic Lemieux, directeur québécois du Syndicat des Métallos censé représenter 1.500 salariés de Glencore dans la province.

En tant que défenseurs invétérés du système de profit, c’est-à-dire du «droit» de la grande entreprise d’accumuler des milliards sur le dos de ses employés tout en sacrifiant la santé et les vies de la population avoisinante, les syndicats adoptent entièrement le discours patronal.

Ajoutant sa voix aux efforts de Glencore pour obtenir de nouvelles subventions gouvernementales, Lemieux a déclaré: «Nous sommes confiants qu’avec l’argent injecté, Glencore sera capable de réduire de façon encore plus significative ses émissions d’arsenic et de carbone. Plus de 3000 emplois directs et indirects en dépendent».

Les travailleurs doivent rejeter l'idée que l'économie peut fonctionner seulement au détriment de leur santé. La pollution massive engendrée depuis des décennies par la fonderie Horne, ainsi que d'innombrables autres usines à travers le monde, soulève des questions cruciales: qui doit diriger la société et organiser la production? La classe capitaliste sur la base du profit privé ? Ou la classe ouvrière sur la base des besoins humains, y compris la préservation de l'environnement?

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