Après l'attaque au couteau d'Annecy, les politiciens français attisent la haine anti-immigrés

Jeudi dernier, un homme de 31 ans armé d'un couteau a attaqué une aire de jeux dans la ville française d'Annecy. Il a poignardé quatre enfants âgés de 2 à 4 ans, ainsi que deux adultes. L'agresseur, identifié comme le réfugié syrien Abdelmasih Hanoun, a reçu une balle dans la jambe puis a été arrêté par la police. Suite à des interventions chirurgicales d'urgence, toutes les victimes de cet horrible attentat ont survécu et sont sorties des soins intensifs.

Des roses déposées sur l'aire de jeux après l’attaque au couteau du jeudi 8 juin 2023 à Annecy, dans les Alpes françaises. [AP Photo/Laurent Cipriani]

Selon des témoignages, Hanoun a crié durant l'attaque les noms de sa femme, de son enfant et de Jésus-Christ. Dans sa demande d'asile aux autorités françaises, il s’était identifié comme chrétien syrien. Samedi dernier, il a été inculpé de « tentative d’assassinat » et de « rébellion avec arme ».

Le chef du parti de droite Les Républicains (LR), Éric Ciotti, s'est exprimé à l'Assemblée nationale quelques minutes après l'attentat et a déclaré selon la presse: « Il semble que l'auteur ait le même profil que l'on retrouve souvent dans ces attentats, il faudra en tirer toutes les conséquences, sans naïveté, avec force et en lucidité. »

Bien que les motifs précis de l'attaque ne soient pas clairs, au moment où elle eut lieu Hanoun était clairement un individu extrêmement dérangé. En 2013, il avait fui la guerre en syrie, au cours de laquelle la France et ses alliés de l'OTAN soutinrent les milices islamistes face aux troupes gouvernementales syriennes. Après avoir passé du temps en Turquie, il avait obtenu l'asile en Suède. Après plusieurs tentatives infructueuses pour obtenir la nationalité suédoise, il quitte ce pays en 2022 et arrive en France. Au début de 2023, il était réduit à l’itinérance; sa demande d'asile en France avait été rejetée quatre jours avant l'attaque.

La classe dirigeante française s’est emparée de l’incident pour attiser la haine anti-immigrés sur fond d’une crise politique explosive. Celle-ci fut provoquée par l'imposition par Macron de coupes dans les retraites auxquelles la grande majorité des Français se sont opposés et contre lesquelles des millions de travailleurs ont fait grève.

Il y a maintenant des efforts croissants dans l'establishment politique pour relancer le projet de loi sur l'immigration du ministre de l'Intérieur d'extrême droite Gérald Darmanin et pour intensifier les attaques contre les migrants et les musulmans. La loi Darmanin a été initialement abandonnée par Macron au milieu de la lutte pour les retraites. Celui-ci craignait qu'une nouvelle série de lois profondément impopulaires et répressives ne conduise à une explosion sociale et politique que les bureaucraties syndicales et leurs partis de pseudo-gauche alliés, comme la France insoumise de Jean-Luc Mélenchon, n’arriveraient pas à contrôler.

Ciotti a déclaré le 9 juin à France2, « derrière cette histoire, il y a un chaos migratoire » et « il y a un lien direct entre la violence et l’immigration », avant de dire sa volonté de « changer les règles françaises et ne plus se soumettre à des règles inadaptées » de l'UE en matière d'immigration.

Après l'attaque, l'ex-Premier ministre de Macron, Edouard Phillippe, qui se positionne pour se présenter aux élections de 2027 avec le soutien de LR contre Macron, a indiqué son soutien à une renégociation de l'accord d'immigration de la France avec l'Algérie. Cet accord est en place depuis 1958 et est le mécanisme par lequel des millions de travailleurs d'origine algérienne sont venus vivre et travailler en France.

La vice-présidente du parti fascisant Reconquête d'Eric Zemmour et nièce de la dirigeante du parti d'extrême droite Rassemblement national, Marine Le Pen, a appelé à la démission de Darmanin pour manque de fermeté envers les immigrés.

En fait, Darmanin, ancien membre du parti d’extrême droite monarchiste Action française, a mis en place les revendications d'immigration de l'extrême droite depuis son arrivée au gouvernement de Macron. Il continue de rédiger les lois réclamées dans les manifestes de Zemmour et Le Pen, dont la loi antimusulmane de 2021.

Ces appels de l'extrême droite à poursuivre une politique d'immigration encore plus ouvertement répressive sont intervenus quelques jours seulement après que le président Emmanuel Macron eut réprimandé la Première ministre Elizabeth Borne pour avoir publiquement reconnu les origines nazies et collaborationnistes du Rassemblement national de Le Pen. Macron avait précédemment qualifié le maréchal Pétain, le dictateur collaborateur des nazis durant le régime de Vichy de « grand soldat ».

Si l'attaque au couteau d'Annecy est sans aucun doute un acte de violence épouvantable et profondément détraqué, l'indignation de l'élite dirigeante française à son sujet pue l'hypocrisie.

Il convient de rappeler la façon dont elle traité un incident presque identique en 2021, où William Manot, un citoyen français aux convictions d'extrême droite, a attaqué des immigrants avec une épée à Paris, en blessant grièvement deux. L’acte fut ignoré des principaux journaux et chaînes d'information et l'agresseur libéré de prison un an plus tard. En décembre 2022, à peine une semaine et demie après sa libération, Manot abattait trois Kurdes dans le quartier Château d'Eau à Paris.

Ni l'attaque initiale, ni le meurtre ultérieur des trois immigrés kurdes n'ont conduit, de la part d’une seule personnalité parmi celles réclamant aujourd'hui un nouveau glissement à droite des lois françaises sur l'immigration, à des appels pour une plus grande protection des immigrés contre la violence d'extrême droite.

Alors qu'il laisse ses alliés parlementaires de droite prendre les devants dans la dénonciation des immigrés, le parti de Macron s’est emparé de l'attaque pour tenter de mettre fin à toute discussion sur la loi largement haïe du président sur les retraites.

Au moment où l'attaque avait lieu, le jeudi matin, les députés débattaient à l'Assemblée nationale de propositions d'amendements à un projet de loi censé permettre d’abolir la réforme des retraites, adoptée sans vote à la chambre en mars. Aurore Bergé, députée de la Renaissance et proche alliée de Macron, a déclaré devant la presse à l'extérieur que le débat à l'Assemblée nationale était une « bataille de chiffonniers sur une recevabilité ou non d’amendements en total décalage par rapport à l'effroi qui submerge notre pays ».

Cette réaction calculée à l'horrible attaque au couteau d’Annecy souligne la détermination de la classe dirigeante française à utiliser tous les leviers disponibles pour promouvoir la xénophobie. À court terme, cela détourne le débat politique de la réforme des retraites tant détestée de Macron.

Plus généralement, cela fait des immigrés des boucs émissaires pour les effets dévastateurs des attaques sociales de plusieurs décennies contre la classe ouvrière française et européenne, qui s'accélèrent à présent alors que les puissances impérialistes sabrent les budgets sociaux pour payer la guerre menée contre la Russie en Ukraine. La classe dirigeante européenne cherche à intensifier sa brutale politique anti-immigrés alors même qu'elle provoque chaque année la noyade de milliers de réfugiés innocents dans la Manche et en Méditerranée.

(Article paru en anglais le 15 juin 2023)

Loading