Dans un scénario répété sans cesse depuis le début de la guerre en Ukraine en février 2022, les États-Unis s'apprêtent à envoyer à l'Ukraine une nouvelle série d'armes qu'ils avaient précédemment exclues.
Jeudi, le Wall Street Journal a rapporté que «Kiev avait reçu des signes positifs ces dernières semaines, indiquant que les États-Unis avaient changé d’avis sur le système ATACMS», un système de missiles à longue portée capable de frapper profondément à l’intérieur du territoire russe.
L’ATACMS a une portée de plus de 306 kilomètres et est tiré à partir du système de lance-missiles HIMARS.
Le Journal écrit que «les responsables ont déclaré que l’affaire est en attente d’approbation au plus haut niveau». En d’autres termes, la décision d’envoyer le système d’armes a déjà été prise, et il ne reste plus qu’à décider de la meilleure façon d’annoncer cette escalade de la guerre au public.
En mai, le président américain Joe Biden a déclaré aux journalistes que les États-Unis «n’allaient pas envoyer à l’Ukraine des systèmes de roquettes pouvant frapper la Russie», ajoutant: «Nous n’encourageons pas l’Ukraine à frapper au-delà de ses frontières et nous ne lui donnons pas les moyens de le faire».
En réalité, les États-Unis ont déjà fourni à l'Ukraine des bombes de petit diamètre lancées depuis le sol (GLSDB) d'une portée de 150 kilomètres, tandis que la Grande-Bretagne, alliée des États-Unis au sein de l'OTAN, a envoyé à l'Ukraine des missiles Storm Shadow, d'une portée de plus de 290 kilomètres.
Les États-Unis ont autorisé en privé les frappes ukrainiennes à l’intérieur de la Russie continentale et ont soutenu publiquement les frappes ukrainiennes à l’intérieur de la Crimée. «Ce sont des cibles légitimes», a déclaré la sous-secrétaire d’État Victoria Nuland. «L’Ukraine les frappe. Nous la soutenons».
Le Journal explique que l’un des facteurs de l’annonce attendue est la crise politique intérieure en Russie, qui, selon les stratèges militaires américains, est la preuve que leurs efforts pour affaiblir la Russie portent leurs fruits. «Au milieu des troubles intérieurs en Russie, où le week-end dernier, le fondateur de la force mercenaire Wagner a organisé une mutinerie avortée, les responsables américains et européens ont indiqué que le moment était peut-être venu de fournir des armes plus perfectionnées», écrit le Journal.
Le 21 juin, la commission des affaires étrangères de la Chambre des représentants a adopté une résolution qui demande à la Maison-Blanche d’envoyer le système de missiles ATACMS à l’Ukraine.
La résolution «appelle les États-Unis à fournir immédiatement à l’Ukraine des systèmes de missiles tactiques de l’armée, cela, en quantité suffisante pour accélérer la victoire de l’Ukraine contre la guerre d’agression non provoquée de la Russie, tout en maintenant l’état de préparation militaire des États-Unis».
Le projet de la commission «exprime la conviction que la fourniture rapide de ce système d’armement critique fournira à l’armée ukrainienne une capacité critique de frappe en profondeur qui lui fait actuellement défaut, perturbera la capacité de guerre de la Russie et pourrait hâter la victoire de l’Ukraine».
En même temps, CNN et Politico rapportent que les États-Unis se rapprochent de l’annonce d’une décision d’envoyer des armes à sous-munitions à l’Ukraine. Celles-ci sont connues pour disperser des bombes non explosées qui tuent des civils pendant des décennies. Elles sont tristement célèbres pour avoir mutilé et tué des enfants qui tentaient de jouer avec elles.
Politico rapporte que «le gouvernement Biden envisage activement d’envoyer des bombes à sous-munitions en Ukraine pour aider la contre-offensive de Kiev à percer les défenses de la Russie, selon deux fonctionnaires américains et une personne au fait du débat».
CNN a rapporté qu’«une décision finale est attendue prochainement de la Maison-Blanche, et que si elle est approuvée, les armes pourraient être incluses dans un nouveau paquet d’aide militaire à l’Ukraine dès le mois prochain».
Ces systèmes violent la Convention sur les armes à sous-munitions mais les États-Unis, qui ont tué des milliers de personnes avec des armes à sous-munitions dans des guerres partout dans le monde, ne respectent pas ce traité.
Plus de 100 pays ont signé La Convention de 2010 sur les armes à sous-munitions et le Congrès a limité la capacité de la Maison-Blanche à transférer des bombes à sous-munitions vers d’autres pays, en invoquant les immenses dangers qu’elles représentent pour la population civile.
En mai, le sénateur Lindsey Graham, qui avait déjà fait pression sur la Maison-Blanche pour qu’elle fournisse des missiles HIMARS, des chars Abrams et des chasseurs F-16 – qui ont tous été envoyés par la suite – a appelé les États-Unis à expédier des armes à sous-munitions à l’Ukraine.
«Plus tôt les missiles ATACMS à longue portée et les armes à sous-munitions seront fournis, plus les forces gouvernementales ukrainiennes seront en mesure de reprendre du terrain et moins il y aura de pertes de vies humaines», a déclaré Graham.
Lors d’une récente audition devant la commission des affaires étrangères de la Chambre des représentants, Laura Cooper, responsable du Pentagone pour l’Europe, a souligné la valeur de ces munitions. Elle a déclaré qu’elles «seraient utiles, en particulier contre les positions russes retranchées sur le champ de bataille».
Alors que les États-Unis s'apprêtent à envoyer de plus en plus d'armes intensificatrices en Ukraine, les dirigeants de l'OTAN ont clairement indiqué qu'ils cherchaient à intensifier massivement leur implication dans le conflit lors du prochain sommet de l'OTAN qui se tiendra les 11 et 12 juillet à Vilnius, en Lituanie.
Lors d'un briefing jeudi, le secrétaire général de l'OTAN Jens Stoltenberg a déclaré : « Au sommet, je m'attends à de nouvelles annonces de soutien militaire à l'Ukraine. Nous aurons également un programme pluriannuel pour aider l'Ukraine à se rapprocher de l'OTAN et à être pleinement interopérable avec elle ».
Il a ajouté: «Au sommet de l’OTAN, nous aborderons les aspirations de l’Ukraine à l’adhésion. Je suis absolument convaincu que les alliés de l’OTAN enverront un message de soutien très fort à l’Ukraine. Nous devons également nous rappeler que tous les alliés de l’OTAN sont d’accord pour dire que la porte de l’OTAN est ouverte».
Le même jour, lors d’une conférence de presse, le porte-parole du Département d’État, Matthew Miller, a déclaré: «Nous nous attendons à ce que le sommet de l’OTAN apporte un soutien significatif, à la fois politique et pratique, à l’Ukraine».
On lui a ensuite demandé, à brûle-pourpoint, si l’OTAN se préparait à «envoyer ses troupes sur le terrain en Ukraine». Miller a répondu que Biden avait dit que l’OTAN ne le ferait pas. (Pour mémoire, Biden avait également affirmé que les États-Unis n’enverraient pas de chars et de F-16 en Ukraine).
Cette question faisait suite à la publication dans Politico, mercredi, d’un article d’Ivo Daalder, ancien ambassadeur des États-Unis auprès de l’OTAN, qui évoquait la possibilité de déployer des troupes américaines en Ukraine.
«En cas d’incident nucléaire délibéré, les États-Unis et les principaux alliés de l’OTAN doivent intervenir directement. Ils doivent mettre fin rapidement et complètement à la guerre en aidant l’Ukraine à rétablir le contrôle sur l’ensemble de son territoire», écrit-il.
Les mesures prises par les États-Unis pour accroître l'engagement de l'OTAN dans la guerre avec la Russie s'inscrivent dans le contexte de la crise politique qui a éclaté en Russie avec la tentative de coup d'État du chef du groupe Wagner, Evgeniy Prigozhin, le week-end dernier.
Dans un article retweeté par l’ancien ambassadeur américain en Russie Michael McFaul, le site le Daily Beast écrit que «les États-Unis et l’Ukraine devraient profiter de l’affaiblissement de Poutine».
Le Daily Beast conclut: «La position militaire de la Russie en Ukraine s’est affaiblie par la perte des troupes de Wagner. L’insurrection a porté un coup au moral des Russes. Potentiellement, il y aura des changements au sommet de la structure de commandement russe (comme l’arrestation de Surovikin, selon les rumeurs). La Russie semble plus vulnérable qu’auparavant».
Argumentant en faveur d’un abandon effectif de toutes les contraintes restantes sur l’engagement direct des États-Unis dans la guerre, l’article déclare: «Les lignes rouges de Poutine ont été pour la plupart illusoires».
(Article paru d’abord en anglais 30 juin 2023)