Les ministres des affaires étrangères des pays membres de l'Union européenne (UE) se sont réunis le lundi à Kiev pour un sommet au cours duquel ils se sont engagés à continuer de soutenir la guerre de l'OTAN contre la Russie en Ukraine.
Le sommet intervient après l'échec sanglant de la contre-offensive ukrainienne et sur fond de conflits dans la classe dirigeante sur comment financer la guerre. Mais les grandes puissances de l'UE ont néanmoins promis d'intensifier la guerre.
«Je convoque aujourd'hui les ministres des affaires étrangères de l'UE à Kiev, la première réunion des 27 États membres en dehors de l'UE», a dit Josep Borrell, chef de la politique étrangère de l'UE, sur X/Twitter. Il a ajouté : «L'avenir de l'Ukraine est au sein de l'UE». Il a annoncé que le sommet avait consacré 5 milliards d'euros supplémentaires à la guerre.
Le ministre ukrainien des affaires étrangères, Dmytro Kuleba, a tweeté: «Heureux d'accueillir les ministres des affaires étrangères de l'UE lors de la réunion historique en Ukraine... Pour la première fois, en dehors des frontières actuelles de l'UE. Mais à l'intérieur de ses futures frontières».
L’armée ukrainienne est détruite, entre 300 000 et 400 000 soldats ukrainiens morts, et de telles déclarations annoncent une escalade militaire téméraire visant la Russie, une puissance nucléaire. Avant le sommet, des responsables britanniques ont dit que les troupes britanniques pourraient aller directement en Ukraine, apparemment pour conseiller les soldats ukrainiens. Les pays de l’UE préparent sans doute leurs propres déclarations qui vont dans ce sens.
Selon l'Institut de Kiel pour l'économie mondiale, l'UE est le premier financier de la guerre, ayant donné à Kiev 84,8 milliards d'euros, dont 5,6 milliards en armes, fin juillet 2023. Ceci s'ajoute aux dépenses des États: Allemagne (20,87 milliards d'euros), Royaume-Uni (13,77 milliards), Norvège (7,45 milliards), Pologne (4,27 milliards d'euros), Pays-Bas (4,08 milliards d'euros). Ceci comprend 17 milliards d'euros d'armes d'Allemagne, 6,6 milliards de Grande-Bretagne, 3,7 milliards de Norvège, 3 milliards d'euros de Pologne, 2,5 milliards d'euros des Pays-Bas.
À Kiev, la ministre allemande de la Défense, Annalena Baerbock, a appelé à armer l'Ukraine: «Nous devons à présent intensifier nos efforts pour préparer l'Ukraine pour hiver. Lorsque j'étais ici en septembre, j'avais déjà indiqué que l'Ukraine a besoin d'un bouclier protecteur pour l'hiver … une défense aérienne, mais aussi des générateurs et un de l'approvisionnement renforcé en énergie».
Les divisions montent dans les milieux dirigeants sur le financement et la planification de la guerre. Les ministres des affaires étrangères de la Hongrie et de la Pologne n'ont pas participé au sommet à Koev, Varsovie ayant annoncé qu'elle ne livrerait pas d'armes supplémentaires à l'Ukraine.
Lors du sommet , les grandes puissances impérialistes de l'UE ont signalé qu'elles ne permettraient aucun recul surla guerre. Elles ont notamment réagi au porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, qui avait dit que «la lassitude à l'égard de ce conflit, la lassitude à l'égard du soutien totalement absurde du régime de Kiev, va croître dans différents pays, y compris les États-Unis».
Lors d'une conférence de presse à Kiev, la ministre française des Affaires Etrangères, Catherine Colonna, a qualifié le sommet de Kiev de «démonstration de notre soutien résolu et durable à l'Ukraine, jusqu'à ce qu'elle puisse gagner. C'est aussi un message à la Russie pour qu'elle ne compte pas sur notre lassitude. Nous serons là encore longtemps».
Borrell pour sa part a ajouté : «L'UE reste unie dans son soutien à l'Ukraine... Je ne vois aucun État membre renoncer à son engagement».
L'UE a souligné son étroite collaboration avec Washington dans la guerre. Le ministre danois des affaires étrangères, Lars Løkke Rasmussen, a dit que l'UE devait armer l'Ukraine «pour soutenir l'Ukraine, mais aussi pour envoyer un signal transatlantique fort que nous assumerons une grande responsabilité pour quelque chose qui se passe sur notre propre sol.»
L'UE a été fondée en 1992, l'année après la dissolution de l'URSS par la bureaucratie stalinienne, en tant que bloc économique austéritaire et libéral. La guerre OTAN-Russie accélère son émergence en tant qu'alliance militaire affirmant les intérêts impérialistes européens dans le monde. Cela va de pair avec la réhabilitation des partis néo-fascistes et l'émergence de régimes d'État-policier en Europe qui répriment violemment les grèves et les manifestation contre l'austérité et les gels de salaires qui servent à financer la guerre.
Un événement la semaine dernière a mis en lumière le caractère politique de la guerre: le Parlement canadien a applaudi à l'unanimité Yaroslav Hunka, un Ukrainien de 98 ans ex-membre de la Waffen-SS nazie, pour avoir combattu l'URSS pendant la Seconde Guerre mondiale. La Waffen SS a joué un rôle central dans la Shoah des Juifs d'Europe, la guerre d’extermination menée par Hitler contre l'URSS et la répression de la résistance à l'occupation nazie en Europe.
Cela a mis en évidence les liens étroits entre l'OTAN et l’extrême droite ukrainienne, dont la milice Secteur droit qui a mené le coup d'État de 2014 à Kiev et qui a installé l'actuel régime fantoche de l'OTAN à Kiev. Avec d'autres milices d'extrême droite, comme le bataillon Azov, elle joue un rôle central au sein du régime de Kiev. Stepan Bandera, le chef de la collaboration ukrainienne avec le nazisme, est régulièrement salué par les hauts fonctionnaires ukrainiens.
Les applaudissements politiquement criminels du Parlement canadien pour un Waffen-SS démasquent aussi le caractère et des implications politiques de la redéfinition de l'UE en tant que bloc militariste voué à la guerre contre la Russie jusqu'à la victoire totale.
«L'UE a changé. Il n'y a pas de retour en arrière possible. On a éteint les lumières derrière nous et il n'y a qu'une seule voie», a dit Margrethe Vestager, commissaire européenne danoise, lors d'un sommet de l'UE en mai 2023 à Bruxelles. La guerre en Ukraine, a-t-elle ajouté, «est absolument la priorité absolue de l'Europe, et nous continuerons à soutenir l'Ukraine jusqu'à ce que la guerre soit gagnée, que l'Ukraine soit reconstruite et qu’elle devienne membre de l'Union européenne».
Pour commenter les remarques de Vestager, le Guardian a cité les conseillers de Borrell, qui ont affirmé que la guerre en Russie avait surmonté les conflits entre les puissances européennes au 20e siècle. «Le projet européen était avant tout destiné à prévenir un nouveau conflit entre la France et l'Allemagne. Il visait à pacifier les relations intra-européennes par l'échange et la coopération économique», écrit Zaki Laïdi, professeur à Sciences-Po à Paris.
Mais à présent, selon Nicole Gnesotto de l'Institut Jacques Delors, la guerre avec la Russie surmonte les conflits au sein de l'Europe. «En une nuit, la Russie a tué toute la philosophie de l'UE depuis 1956», a-t-elle déclaré.
L’idée que l'UE surmontera les contradictions historiques du capitalisme européen via une guerre avec la Russie témoignent de l’humeur téméraire et fascisante qui s'empare de la classe dirigeante. En réalité, les divisions s'accentuent dans les cercles dirigeants. Il convient de noter que la France, l'Italie et l'Espagne, historiquement plus orientées vers des conquêtes impérialistes en Afrique qu'en Europe de l'Est, dépensent bien moins pour l'Ukraine que leurs alliés dans le Nord (1,69 milliard d'euros, 1,29 milliard d'euros et 900 millions d'euros, respectivement).
La classe ouvrière doit intervenir indépendamment pour stopper la guerre. Les travailleurs ne peuvent pas compter sur les conflits au sein de la bourgeoisie pour éviter la catastrophe. En réalité, la bourgeoisie européenne mise tout sur une guerre de l'OTAN avec la Russie qui menace l'Europe et le monde d'une escalade militaire allant jusqu'à la guerre nucléaire. La bourgeoisie est largement consciente que cela implique de légitimer l'extrême droite.
Ce printemps, de puissantes grèves a éclaté à travers l'Europe contre l'austérité salariale et sociale qui finance la guerre avec la Russie. Lors de la mobilisation en France contre la réforme des retraites de Macron, une majorité de travailleurs ont appelé de leurs vœux une grève de masse pour bloquer l’économie et fare chuter le président Emmanuel Macron. Cette opposition explosive doit être développée consciemment en tant que mouvement international de la classe ouvrière, contre la guerre impérialiste et le système capitaliste qui la nourrit.