Pourquoi l’absence de référendum sur l’AUKUS et le rôle de l’Australie dans les plans de guerre contre la Chine?

La politique officielle australienne est presque entièrement dominée par le référendum du 14 octobre visant à inscrire dans la Constitution un organe consultatif autochtone [appelé Voice (Voix)] auprès du Parlement. Le gouvernement travailliste, qui mène la campagne du Oui, a qualifié le référendum d’historique. La presse établie, de toutes nuances, se concentre de manière obsessionnelle sur les questions raciales.

Comme l’a longuement expliqué le Parti de l’égalité socialiste, le référendum est une imposture. La création de Voice ne contribuerait en rien à résoudre les conditions épouvantables auxquelles sont confrontées les masses autochtones. La campagne du Oui affirme parfois que Voice améliorerait ces conditions, mais elle ne peut pas expliquer comment.

Au lieu de cela, Voice sert à diviser la classe ouvrière selon des critères raciaux et à consolider davantage une élite autochtone privilégiée, connectée aux gouvernements et à l’élite du monde des affaires.

Le camp officiel du Non, dirigé par la Coalition libérale-nationale de droite, fonde sa campagne sur la défense du statu quo et des messages à peine codés destinés à une minorité raciste de la population.

Dans l’ensemble, le référendum est un exercice visant à attiser le racisme et la confusion. Les campagnes officielles du Oui et du Non n’offrent aucune voie aux travailleurs pour aller de l’avant. C’est pourquoi le Socialist Equality Party, SEP (Parti de l’égalité socialiste) appelle à un boycott actif visant à développer un mouvement indépendant de la classe ouvrière contre l’ensemble de l’establishment politique.

Le caractère réactionnaire de l’ensemble du référendum peut être démontré d’une autre manière. La population a le «choix» de modifier ou non la constitution antidémocratique du pays pour créer un organe consultatif autochtone non élu auprès du Parlement.

Mais quel mot les travailleurs et les jeunes ont-ils à dire sur les questions de vie ou de mort qui mettent un point d’interrogation sur l’avenir et l’existence même de l’humanité?

Le Premier ministre Anthony Albanese avec le président américain Joe Biden à la base navale de Point Loma, le 13 mars 2023, à San Diego [AP Photo/Evan Vucci]

Le même gouvernement travailliste qui a déclenché le référendum Voice, s’est engagé en même temps à la militarisation massive de l’Australie, visant à se préparer à un jouer un rôle de première ligne dans une campagne de guerre menée par les États-Unis contre la Chine. Il y a un référendum sur Voice, mais il n’y a pas de référendum sur ces projets de guerre catastrophique qui impliqueraient presque inévitablement l’utilisation d’armes nucléaires.

Voici quelques-uns des éléments clés de la campagne de guerre, qui n’ont jamais été votés par la population, et dans la plupart des cas, même par le Parlement:

  • Les travaillistes étendent le pacte militaire AUKUS avec la Grande-Bretagne et les États-Unis, dont le but explicite est de militariser la région Indo-Pacifique. En mars, le Premier ministre Anthony Albanese a soudainement annoncé que l’Australie achèterait des sous-marins d’attaque à propulsion nucléaire aux États-Unis, pour un coût de 368 milliards de dollars. Cette annonce a été faite à San Diego, avant que la question ne soit soulevée dans le moindre forum public en Australie.

  • En octobre dernier, il a été révélé que le gouvernement travailliste avait donné aux États-Unis la permission de stationner leurs bombardiers B-52 à capacité nucléaire dans le nord de l’Australie. Les États-Unis ne confirment ou ne nie jamais lesquels de leurs moyens nucléaires transportent une charge utile à un moment donné, il faut donc supposer que les bombardiers B-52 sont équipés de missiles nucléaires. Le gouvernement travailliste a ainsi renversé le statut officiel de l’Australie de puissance non nucléaire. Il l’a fait sans même une annonce publique, le stationnement des bombardiers B-52 n’ayant été découvert que via des documents du Congrès américain.

  • Le gouvernement travailliste a également accepté la «rotation» des sous-marins nucléaires américains via les ports australiens. Les avions de combat et les navires de guerre américains ont essentiellement carte blanche pour accéder aux installations australiennes.

  • En avril, le gouvernement travailliste a approuvé une revue stratégique de la défense (DSR) qu’il avait commandée. La DSR met fin à des décennies de doctrine de défense officielle, théoriquement basée sur la défense du continent australien. Au lieu de cela, elle appelle à une «projection percutante» dans tout l’Indo-Pacifique, centrée sur l’acquisition de capacités importantes de missiles. La DSR déclare que cette campagne de guerre doit être un effort «de la nation entière», impliquant tous les pans de la société.

Les implications de ce programme ont été exposées dans la série Red Alert, publiée par le Sydney Morning Herald et Age plus tôt cette année. Sur la base des déclarations d’«experts» liés aux gouvernements américain et australien, elle a déclaré que d’ici fin 2025, l’Australie devait se préparer à une guerre «inévitable» avec la Chine en stationnant des armes nucléaires américaines dans le pays et en lançant une conscription militaire massive.

Voilà ce qui se discute dans le dos de la population. Compte tenu du niveau de secret qui entoure la politique de défense, il est presque certain que le renforcement militaire et l’engagement de l’Australie envers la machine de guerre américaine sont encore plus avancés que ce qui est dans le domaine public.

Il existe plusieurs liens entre ce programme de guerre et le référendum Voice.

Le renforcement de l’armée souligne la réalité du régime capitaliste. Derrière une façade d’élections, et même de référendums occasionnels, les décisions majeures sont prises dans les couloirs du pouvoir par les généraux militaires, les dirigeants des agences de renseignement et l’élite du monde des affaires. Lorsqu’il s’agit de questions telles que la guerre, la population n’a tout simplement pas son mot à dire.

La marche vers la guerre souligne le caractère purement tactique des conflits entre les campagnes officielles du Oui et du Non lors du référendum Voice. Bien qu’ils puissent être en désaccord sur la création d’un organe consultatif autochtone auprès du Parlement, tous les partis officiels, du Parti travailliste à la Coalition en passant par les Verts, ne font qu’un lorsqu’il s’agit d’aligner l’Australie sur les politiques militaristes menées par les États-Unis qui risquent de déclencher la guerre nucléaire mondiale.

L’état avancé de la campagne de guerre démontre le caractère intense de diversion du référendum. Alors que la population est inondée de la politique raciale et que le débat politique se concentre sur la création éventuelle d’un organe consultatif autochtone, des décisions majeures qui façonneront l’avenir du monde sont prises sans discussion.

Le renforcement de l’armée montre le caractère frauduleux des affirmations selon lesquelles Voice donnerait le droit de parole à la plupart des peuples autochtones. La zone centrale de ce développement est le Territoire du Nord, qui compte la plus grande population autochtone par habitant. Des jeux de guerre sont menés dans des zones historiquement autochtones, des bombardiers américains y sont stationnés, sans que les communautés locales pauvres aient leur mot à dire. Dans le même temps, les élites aborigènes, véritables bénéficiaires du projet Voice, n’ont jamais exprimé la moindre opposition à la transformation du Territoire en terrain de guerre.

Les deux camps au référendum attisent le nationalisme. La campagne du Oui proclame que Voice «unifiera» la nation. Le camp du Non blanchit l’histoire de la colonisation britannique et de la formation de l’État australien. Les hymnes à «l’identité australienne» des deux côtés et leurs tentatives de réprimer les antagonismes de classe fondamentaux sont pleinement compatibles avec l’insistance de la DSR sur la nécessité d’une préparation unifiée «de l’ensemble de la nation» à la guerre.

L’un des objectifs centraux de Voice est de redynamiser l’image du capitalisme australien. Le Parti travailliste craint que l’horrible héritage de la colonisation et de l’oppression des peuples autochtones n’entrave leurs efforts dans tout le Pacifique et en Asie pour poursuivre la campagne anti-Chine menée par les États-Unis. Il espère que Voice fournira un vernis progressiste à ses activités militaristes.

Le contraste entre le soutien unanime à la guerre au sein de l’establishment politique et le référendum Voice montre pourquoi la classe ouvrière doit adopter une position indépendante. Cela signifie rejoindre la campagne de boycott active menée par le Socialist Equality Party.

Le SEP, qui s’oppose à la politique raciale des deux camps officiels lors du référendum, est également le seul parti à lutter contre l’AUKUS et les préparatifs de guerre avec la Chine. Ce n’est pas un hasard. Les deux positions reflètent les intérêts indépendants de la classe ouvrière, qui ne peuvent s’affirmer que dans une lutte acharnée contre l’ensemble de l’establishment politique et le système capitaliste qu’il défend.

Surtout, le SEP avance une perspective internationaliste. La lutte contre la guerre nécessite le rejet de toutes les formes de nationalisme et de politique raciale, ainsi que l’unité de la grande force révolutionnaire de notre époque, la classe ouvrière internationale dans la lutte pour un avenir socialiste.

Remarque: Dans des conditions où le vote est obligatoire, et qui fait de l’appel au boycott du vote même un crime, le SEP appelle les travailleurs et les jeunes à manifester leur opposition en annulant leur bulletin de vote et à se joindre à notre campagne active de boycott jusqu’au 14 octobre, posant ainsi un geste allant bien au-delà du simple fait de voter.

Autorisé par Cheryl Crisp pour le Socialist Equality Party, Suite 906, 185 Elizabeth Street, Sydney, NSW, 2000

(Article paru en anglais le 4 octobre 2023)

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