Perspective

Il faut s’opposer à la criminalisation des manifestations de solidarité en faveur de Gaza!

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Des partisans des Palestiniens brandissent des photos d’enfants palestiniens tués par Israël lors de la manifestation de la Marche nationale pour la Palestine au Lincoln Memorial, à Washington, le samedi 29 mai 2021. [AP Photo/Jose Luis Magana]

L’assaut du gouvernement israélien de Benjamin Netanyahou contre le soulèvement palestinien à Gaza a provoqué la colère des travailleurs et des jeunes en Europe et dans le monde. En réponse, les gouvernements impérialistes s’efforcent de criminaliser l’opposition et d’abolir des droits démocratiques fondamentaux.

Alors qu’Israël coupe les vivres et l’eau et prépare une invasion terrestre qui tuera des dizaines de milliers de personnes, les gouvernements d’Europe et des États-Unis interdisent les manifestations contre cet assaut massif.

La police allemande a interdit les manifestations à Berlin et à Francfort, une mesure que la police berlinoise a défendue sur X/Twitter, en affirmant que les manifestations pourraient conduire à des «débordements antisémites, à la glorification de la violence, ainsi qu’à la violence». Les autorités allemandes ont également interdit une manifestation berlinoise contre la violence à l’école, prévue après qu’un enseignant eut agressé physiquement un élève venu à l’école avec un drapeau palestinien. Elles ont affirmé que les protestations contre l’agression de cet élève pourraient conduire à une «incitation» et à des déclarations «antisémites».

Le parti social-démocrate (SPD) au pouvoir en Allemagne réclame le droit d’interdire les manifestations et de criminaliser des organisations. L’interdiction des manifestations, a déclaré Kevin Kühnert, secrétaire général du SPD, «est exactement le signe dont on a besoin aujourd’hui, et avec cette justification précise, à savoir que l’ordre public dans la ville est menacé». Kühnert a également demandé l’interdiction du Réseau de solidarité avec les prisonniers palestiniens, Samidoun, déclarant que «s’il existe une possibilité légale d’interdire ce groupe maintenant aussi, on doit l’utiliser dès que possible».

En France, le ministère de l’Intérieur a interdit les manifestations de solidarité avec Gaza organisées à Paris, Lyon et Marseille, en invoquant «les risques de troubles à l’ordre public» qu’elles sont censées présenter. De plus, le gouvernement français a décrété que faire des déclarations en faveur du soulèvement à Gaza était un délit, ce qui permet de poursuivre les partis politiques qui font de telles déclarations.

Le ministre de la Justice, Eric Dupont-Moretti, a publié une note de trois pages avertissant que la guerre entre Israël et Gaza pourrait conduire non seulement à des attaques terroristes contre des Juifs en France, mais aussi à des «déclarations saluant les attaques, les présentant comme une résistance légitime à Israël». De telles déclarations, a-t-il affirmé, constituent des «crimes antisémites» tels que «l’apologie du terrorisme ou la provocation directe à des actes de terrorisme». De tels actes doivent faire l’objet, a-t-il ajouté, de «poursuites pénales systématiques et fermes, principalement par voie de référé».

Parmi les partis et associations susceptibles d’être poursuivis, a confirmé mercredi le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin, figure le Nouveau Parti anticapitaliste, dont les candidats à l'élection présidentielle ont recueilli des millions de voix au cours des dernières années.

Des menaces similaires sont proférées dans tous les pays impérialistes. En Grande-Bretagne, une manifestation à Londres a été accueillie par un déploiement policier lourdement armé. La ministre de l’Intérieur Suella Braverman a appelé la police à utiliser toute la force de la loi contre les «manifestations de soutien au Hamas». En Australie, le gouvernement travailliste de l’État de Nouvelle-Galles-du-Sud a interdit une marche contre l’agression israélienne ce week-end à Sydney.

Aux États-Unis, des groupes d’étudiants de Harvard qui ont publié une déclaration dénonçant les crimes israéliens et attirant l’attention sur le contexte historique du soulèvement à Gaza ont fait face à des demandes de désaffiliation. Des politiciens démocrates et républicains ont appelé à l’interdiction de manifestations. Le président de l’association du barreau étudiant de l’université de New York a fait l’objet de dénonciations incessantes dans les médias et s’est vu retirer une offre d’emploi pour avoir dénoncé les atrocités israéliennes.

Le World Socialist Web Site et le Comité international de la Quatrième Internationale condamnent sans équivoque ces interdictions de manifester. L’un des droits démocratiques les plus fondamentaux, le droit à la liberté d’expression, est attaqué.

Selon les gouvernements impérialistes, la population doit simplement accepter la ligne officielle des médias. Les personnes impliquées dans les manifestations ne soutiennent peut-être pas les actions du Hamas. Mais ils s’opposent aux mensonges et aux fabrications totalement malhonnêtes des médias et sont consternés par l’incessante propagande atroce qui vise à justifier un crime aux proportions monumentales. De nombreux manifestants soulignent que les atrocités commises par le gouvernement israélien ne sont jamais condamnées.

En même temps, il ne s’agit pas seulement d’interdire les manifestations contre les crimes israéliens. Les élites dirigeantes de tous les grands pays capitalistes sont conscientes qu’elles font face à une opposition intérieure croissante à leurs politiques de guerre et à un mouvement de la classe ouvrière qui se développe contre l’inégalité et l’exploitation. Les conditions sont en train d’être créées pour réprimer toute opposition sociale et politique en armant l’État de pouvoirs dictatoriaux.

Les arguments utilisés pour justifier ces mesures dictatoriales sont un tissu de mensonges politiques et historiques.

Alors que l’élite dirigeante prétend faussement que ceux qui protestent contre les actions d’Israël soutiennent le «terrorisme», le gouvernement israélien prépare un acte de terrorisme d’État à grande échelle.

Lundi, le ministre israélien de la Défense, Yoav Gallant, a ordonné le confinement complet de Gaza: «Il n’y aura pas d’électricité, pas de nourriture, pas de carburant. Nous combattons des animaux humains et nous agirons en conséquence». Depuis lors, cette politique a été mise en pratique. L’armée de l’air israélienne bombarde continuellement la bande de Gaza, densément peuplée, ce qui a déjà coûté la vie à plus d’un millier de civils, dont de nombreuses femmes et de nombreux enfants. Une offensive terrestre imminente de l’armée israélienne menace des dizaines de milliers de vies.

Cela rappelle la rhétorique et les méthodes des nazis pendant la Seconde Guerre mondiale, qui répondaient à la résistance par une punition collective brutale. Dans la Pologne occupée, les forces d’occupation nazies ont écrasé le soulèvement juif du ghetto de Varsovie en 1943 et l’insurrection de Varsovie en 1944, a rasé des quartiers entiers et a tué des dizaines de milliers de personnes. En République tchèque, après l’assassinat du chef du bureau principal de la sécurité du Reich, Reinhard Heydrich, les nazis ont massacré la population du village de Lidice.

Quant à l’antisémitisme, ce ne sont pas les Palestiniens opprimés et les dizaines de millions de personnes dans le monde qui leur sont solidaires qui le promeuvent, mais les gouvernements impérialistes, en essayant d’associer collectivement le peuple juif aux politiques criminelles du régime de Netanyahou.

Les gouvernements impérialistes d’Europe, qui calomnient la solidarité avec Gaza en la qualifiant d’antisémite, s’appuient ouvertement sur les forces d’extrême droite. Darmanin est un proche partisan de l’Action française, notoirement connue pour ses attaques publiques contre la nourriture casher et halal. L’Italie est dirigée par Giorgia Meloni, politicienne fasciste et admiratrice de Mussolini. Et la classe dirigeante en Allemagne construit une fois de plus un parti fasciste, l’Alternative pour l’Allemagne (AfD), et défend des universitaires tels que le professeur Jörg Baberowski, qui banalisent publiquement les crimes d’Hitler et des nazis.

Alors qu’elles font la guerre à la Russie en Ukraine, les principales puissances de l’OTAN soutiennent et arment un régime ukrainien qui célèbre des collaborationnistes nazis comme Stepan Bandera et mobilise des milices néonazies comme le Bataillon Azov. Fin septembre, l’ensemble du parlement canadien, en présence des ambassadeurs de tous les pays du G7, s’est levé pour ovationner le vétéran de la Waffen-SS et criminel de guerre nazi Yaroslav Hunka.

Tous ces gouvernements savent qu’ils sont largement détestés lorsqu’ils imposent des coupes sombres dans le niveau de vie, réduisant les salaires réels et les droits sociaux afin de détourner des centaines de milliards d’euros vers la guerre en Ukraine, le réarmement militaire et les réductions d’impôts pour les riches. Ils sont terrifiés à l’idée que le développement de la lutte des classes puisse remettre en cause toutes leurs politiques réactionnaires.

Au début de l’année, des grèves de masse contre l’inflation ont eu lieu en Allemagne, en Grande-Bretagne et dans toute l’Europe, tandis qu’en France, des millions de travailleurs et de jeunes ont protesté contre les réductions massivement impopulaires des retraites que le président Emmanuel Macron a imposées en défiant ouvertement la volonté de la population française. La classe dirigeante américaine est confrontée à une vague de grèves sans précédent depuis des décennies, que l’appareil syndical cherche désespérément à étouffer.

La tentative des impérialistes d’interdire les manifestations doit être considérée comme un avertissement par les travailleurs et les jeunes. Alors qu’ils s’enfoncent dans des politiques toujours plus téméraires et réactionnaires, ils s’apprêtent à supprimer les droits démocratiques et à imposer un régime dictatorial. Tout comme les Palestiniens ont besoin du soutien des travailleurs en Israël, en Europe et dans le monde pour arrêter l’invasion israélienne et mettre fin à l’occupation, la classe ouvrière doit se mobiliser au niveau international pour défendre les Palestiniens de manière socialiste afin d’arrêter la spirale infernale de l’impérialisme vers la dictature et la guerre.

(Article paru en anglais le 12 octobre 2023)

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