Les travailleurs du port de Barcelone refusent d’expédier des armes à Israël

Lundi, 1200 dockers de l’Organisation des travailleurs portuaires de Barcelone (Organización de Estibadores Portuarios de Barcelona – OEPB) ont annoncé qu’ils refuseraient de desservir tout navire transportant du matériel de guerre à destination d’Israël et de tout autre pays afin de protéger les droits de l’homme.

L’initiative prise par les dockers de Barcelone s’inscrit dans un mouvement international de protestation contre la guerre israélienne à Gaza. Elle montre que la classe ouvrière peut organiser sa propre intervention, politiquement indépendante, dans la crise pour mettre fin à la guerre et au génocide des Palestiniens à Gaza.

La colère des travailleurs éclate dans toute l’Europe. En Belgique, les syndicats du personnel au sol des aéroports ont appelé leurs membres à cesser de manipuler les cargaisons d’armes destinées à Israël. En Grèce, des travailleurs ont manifesté à l’aéroport international d’Athènes, tandis qu’au Danemark, des manifestants ont bloqué toutes les entrées de l’usine de Søborg de l’entreprise d’armement danoise Terma, pour protester contre la vente d’armes et d’équipements pour les avions de chasse F-16 et F-35 aux forces de défense israéliennes. Au Royaume-Uni, des manifestants ont bloqué la route menant au siège d’Elbit Systems à Bristol, qui fabrique des pièces pour les drones israéliens.

Aux États-Unis, où 300.000 personnes ont manifesté dans les rues de la capitale, Washington DC, les habitants de Tacoma ont empêché le Cape Orlando, un navire de ravitaillement militaire, d’embarquer du matériel militaire destiné à Israël. En Californie, des manifestants ont bloqué le Cape Orlando pendant plusieurs heures dans le port d’Oakland.

Will Lehman, candidat socialiste à la présidence de l’United Auto Workers (UAW), a publié une déclaration demandant à l’UAW de cesser de produire des équipements ou des munitions utilisés par l’armée israélienne.

Toutes ces protestations et initiatives puissantes se sont rapidement répandues sur les médias sociaux, recueillant un soutien mondial parmi les travailleurs et les jeunes.

Dans la déclaration publiée par l’OEPB, les dockers de Barcelone affirment qu’il est de leur devoir d’adhérer à la Déclaration universelle des droits de l’homme et à la Magna Carta et de les défendre, car les pays signataires les ont oubliées, et ces droits fondamentaux sont systématiquement violés en Palestine.

La déclaration se poursuit: «Nous avons décidé au sein de l’association de ne pas autoriser les navires contenant du matériel de guerre à opérer dans notre port, dans le seul but de protéger toute population, quel que soit l’endroit où elle se trouve, car rien ne justifie le sacrifice de civils».

La déclaration appelle à un cessez-le-feu immédiat à Gaza, à la recherche de solutions pacifiques aux conflits et à ce que l’ONU «mette fin à son comportement complice et négligent» pour maintenir la paix et la sécurité internationales et défendre le droit international.

Les travailleurs ont déclaré au portail d’information portuaire en ligne El Mercantil que la décision avait été prise par les dockers. Ils ont également souligné qu’ils souhaitaient que leur initiative s’étende, déclarant à El Mercantil: «Nous transmettrons la proposition à d’autres ports afin qu’ils puissent évaluer s’ils souhaitent se joindre à l’initiative ou non».

Sebastián Huguet, porte-parole de l’OEPB, a déclaré mardi à El País que l’initiative était née après avoir été témoin du massacre des Palestiniens à Gaza. Des milliers de soldats israéliens soutenus par des chars, de l’artillerie, des avions et des navires de guerre ont encerclé la ville de Gaza, la partie la plus densément peuplée de la bande de Gaza, préparant un massacre à une échelle encore plus grande que ce qui s’est déjà produit. Le nombre de morts a dépassé les 10.000 à Gaza et 150 en Cisjordanie. «Nous pensions que la tension allait baisser, mais c’est l’inverse qui s’est produit», a déclaré Huguet.

Il a ajouté que les travailleurs ne voulaient pas «partager la responsabilité» de la mort de civils. Entre 2020 et 2022, Israël a importé 140 millions d’euros d’armes d’Espagne sous le gouvernement du Parti socialiste (PSOE)-Podemos, tandis que Madrid a dépensé des centaines de millions pour acheter à Israël des armes portant la marque «testée au combat». Cela signifie que leur utilisation contre les Palestiniens les rend plus précieuses et plus fiables pour des armées comme celle de l’Espagne.

«Nous n’avons aucune preuve que le port de Barcelone est utilisé pour les armes, mais si c’était le cas, nous ne laisserons personne s’occuper des navires. Nous n’arrêterons pas la guerre, mais si nous pouvons encourager d’autres ports à nous rejoindre, nous le ferons volontiers», a déclaré le porte-parole.

L’initiative de lundi n’est pas la première fois que les dockers de Barcelone utilisent leur force industrielle contre la violence militaro-policière. En 2017, le gouvernement de droite du Parti populaire (PP), soutenu par le PSOE, a utilisé trois grands navires de croisière touristique pour abriter plus de 4.000 policiers afin d’écraser le référendum d’indépendance catalan.

Les dockers de Barcelone et de Tarragone ont réagi en refusant de fournir des services aux navires transportant la police antiémeute et la Garde civile paramilitaire. Les travailleurs de l’OEPB ont approuvé à l’unanimité cette action «pour la défense des droits civils» et contre ce qu’ils ont appelé les «navires de répression».

La position courageuse et de principe des dockers contre le génocide mené par Israël, qui est soutenu par toutes les puissances impérialistes de l’OTAN, révèle la radicalisation croissante de la classe ouvrière. Une confrontation politique émerge entre la classe ouvrière européenne et internationale, d’une part, et le régime sioniste en Israël et ses maitres impérialistes, d’autre part.

Un soutien plus large doit être mobilisé parmi les travailleurs au niveau international, afin de défendre les travailleurs qui répondent à l’appel à refuser de manipuler les cargaisons d’armes destinées à Israël. Ils seront inévitablement confrontés à des représailles de la part des employeurs ainsi que du gouvernement socialiste-Podemos en exercice, qui n’a pas apporté son soutien total au régime israélien. Cette situation est également liée aux intérêts financiers de Madrid, septième exportateur mondial d’armes, qui tire 3,6 milliards d’euros par an de la vente d’armes.

Les travailleurs ne peuvent toutefois pas attendre que les bureaucraties syndicales organisent des grèves contre la guerre. Les principales confédérations nationales aux États-Unis, au Royaume-Uni, en Allemagne, en France et en Espagne n’ont organisé aucune grève contre le génocide. Ce n’est qu’en Belgique et à Barcelone que certaines sections syndicales d’industries stratégiquement situées ont proposé une forme d’action concrète.

En fin de compte, un mouvement plus large de la classe ouvrière internationale capable d’arrêter la guerre contre Gaza ne peut être construit que dans une rébellion de la base contre les bureaucraties syndicales nationales. Cela apparaît particulièrement clairement en Espagne, où le dirigeant de l’Union générale des travailleurs (UGT), social-démocrate, Pepe Alvarez, a rejoint un rassemblement devant l’ambassade d’Israël appelé par des groupes prosionistes et soutenu par le parti néofasciste, VOX. Le dirigeant de l’UGT a ensuite rencontré l’ambassadeur d’Israël à Madrid.

Les initiatives cruciales telles que celles des travailleurs de Barcelone et de Belgique et les manifestations dans les ports américains ne peuvent se transformer en un mouvement international plus large pour arrêter la guerre que si les travailleurs de la base construisent leurs propres organisations et prennent la direction de leurs luttes en la retirant des mains de personnalités telles qu’Alvarez. C’est la seule façon de permettre à la classe ouvrière de libérer pleinement sa puissance industrielle contre la guerre et le génocide de Gaza. Cela nécessite de mener une lutte politique contre les gouvernements de l’OTAN, y compris le gouvernement PSOE-Podemos en Espagne qui soutient l’effort de guerre israélien.

(Article paru en anglais le 8 novembre 2023)

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