Londres : plus de 800 000 manifestants contre le massacre à Gaza, mais les organisateurs n’avancent aucune perspective pour aller de l’avant

Au moins 800 000 personnes ont défilé samedi à Londres pour protester contre la guerre génocidaire menée par Israël contre Gaza. Les manifestations dans la capitale britannique ont pris de l'ampleur chaque semaine, passant de 100 000 à 350 000, voire à un demi-million, pour atteindre le total énorme du week-end dernier, certains estimant même plus d'un million de participants.

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Les participants étaient déterminés à défier la tentative du Premier ministre Rishi Sunak et de la ministre de l'Intérieur Suella Braverman d'interdire la marche (article en anglais), au motif fallacieux qu'elle coïncidait avec le jour de l'Armistice commémorant la fin de la Première Guerre mondiale.

Mais les organisateurs de la manifestation notamment la Coalition Halte à la guerre et le Comité de solidarité avec la Palestine, n'ont proposé aucune stratégie pour mettre fin à l'attaque lancée contre Gaza. Ils insistent depuis des semaines pour dire que la solution consiste à faire pression sur Sunak et sur le chef du Parti travailliste Sir Keir Starmer pour qu'ils appellent à un cessez-le-feu. En fait, alors qu’il y a plus de 11 000 morts à Gaza, dont plus de 4 500 enfants, Sunak et Starmer n’ont fait que redoubler leur insistance pour que le massacre continue.

La manifestation de cette semaine a été dominée par des appels depuis la tribune à la démission de Braverman et aux députés de tous les partis, dont Sunak et Starmer, à signer une motion appelant à un cessez-le-feu qui sera présentée au Parlement mercredi par les députés du Parti national écossais.

Lindsey German, dirigeante de Halte à la guerre, présentée comme «la leader du mouvement anti-guerre», a déclaré: «Nous allons demander des comptes à nos politiciens qui refusent d’accorder un cessez-le-feu et refusent d’appeler à un cessez-le-feu». Parmi eux se trouvaient «Keir Starmer qui a été une honte absolue en tant que leader travailliste, Keir Starmer qui a déclaré [à propos de la motion de cessez-le-feu débattue cette semaine] qu'il disait aux députés travaillistes de ne pas voter pour cette motion. C'est une honte absolue et j'espère que chacun des députés travaillistes défiera son appel, car il est absolument abominable qu’ils n’aient pas été autorisés à appeler à un cessez-le-feu.» German a conclu que Braverman devait être limogée «et s’ils [le gouvernement] ne veulent pas la limoger, ils devraient l’être également», ce qui revient à un appel à mettre au gouvernement le parti pro-guerre et pro-austérité de Starmer.

Lindsey German prenant la parole au rassemblement

Richard Burgon, secrétaire du Groupe de campagne socialiste composé de quelques dizaines de députés travaillistes, a été salué pour avoir rédigé une motion non contraignante présentée au Parlement le 17 octobre et qui ne sera jamais débattue. Elle a été signée par seulement 95 députés issus de l'opposition multipartite, soit moins de 15 pour cent des députés.

Le député travailliste Richard Burgon s'exprimant lors du rassemblement

Dans son discours, Burgon a demandé aux manifestants de faire campagne pour encourager précisément les gouvernements capitalistes qui ont orchestré ou soutenu le génocide. Ceux qui marchaient, a-t-il affirmé, «disaient aux dirigeants politiques du monde entier : faites tout ce que vous pouvez pour aider à sauver des vies, palestiniennes et israéliennes, pour aider à arrêter les bombardements, pour aider à mettre fin aux souffrances, pour aider à libérer les otages, pour mettre fin aux crimes de guerre et pour obtenir l’aide dont Gaza a désespérément besoin. Et cela signifie que notre gouvernement doit appeler à un cessez-le-feu maintenant.» Sunak devait «faire tout son possible pour utiliser la vaste influence diplomatique de la Grande-Bretagne pour aider à obtenir un cessez-le-feu négocié…»

L'ex-leader travailliste Jeremy Corbyn, présenté à l’estrade comme le «Premier ministre du peuple», a résumé la perspective de faillite du rassemblement en disant d’un Parlement rempli de bellicistes que «mercredi prochain, notre parlement, la Chambre des communes, votera sur les amendements au débat sur le discours du roi. A ce moment-là des amendements appelant à un cessez-le-feu seront débattus. »

Jeremy Corbyn parlant au rassemblement de Londres

Il a demandé des manifestants: «Vous ne l'avez peut-être pas fait auparavant; envoyez un e-mail à votre député et dites-lui de mettre de côté sa cupidité, ses calculs cyniques sur ce qui fait progresser l'industrie de l'armement, ce qui fait avancer les intérêts de tel ou tel en leur disant simplement ceci: ‘Un cessez-le-feu maintenant à Gaza sauverait des milliers et des milliers de vies’».

Corbyn a été expulsé du groupe parlementaire travailliste par Starmer il y a trois ans, tout en restant membre du parti, mais sa lâcheté politique est telle qu'il a de nouveau refusé de mentionner le chef de son parti, complice de crimes de guerre.

En fait, parmi les nombreux députés et membres du Parti travailliste présents sur l’estrade, seule Jess Barnard, membre non-députée du comité exécutif national du parti, a mentionné le nom de Starmer. Son discours visait néanmoins à convaincre des politiciens bourgeois criminels d'agir, Barnard affirmant qu'il était du devoir de Starmer d’appuyer l'appel cynique du «président des riches» français Emmanuel Macron à un cessez-le-feu.

Imran Hussain, député travailliste membre du Groupe de campagne socialiste ayant démissionné de la direction parlementaire travailliste la semaine dernière afin de faire campagne pour un cessez-le-feu, n'a pas non plus mentionné Starmer. Bien qu'il ait dit de la guerre d'anéantissement d'Israël qu’elle allait «au-delà d'une crise humanitaire, c'est une violation du droit international et un crime de guerre », Hussain n'a mentionné sa démission qu'en termes opaques. Il n'a pas expliqué pourquoi il restait député d'un parti soutenant ces crimes.

Il en va de même pour les prises de position des députés travaillistes Apsana Begum et Zara Sultana.

Le dirigeant du syndicat RMT (Rail, Mer, Transports) Mick Lynch, et celui du syndicat des conducteurs de train ASLEF Mick Whelan, dont les membres jouent un rôle essentiel dans le transport et la logistique, ont de nouveau pris la parole au rassemblement. Ni Lynch, ni Whelan, ni aucune section de la bureaucratie syndicale n'ont fait quoi que ce soit pour organiser les actions anti-guerres les plus élémentaires, comme d’empêcher les livraisons d'armes et autres aides matérielles au régime de criminels de guerre de Netanyahou.

Le leader du RMT, Mick Lynch, au rassemblement londonien

Lynch – qui vient de proposer que ses membres acceptent un accord au rabais pour mettre fin à une dure lutte de 18 mois – met en évidence le rôle de la bureaucratie syndicale. Il a même reconnu que ses propres membres avaient été invités à continuer à apporter un soutien essentiel aux navires de guerre britanniques aidant Israël. Il a déclaré au rassemblement: «Il est important, en cette semaine du Souvenir [de la Première Guerre mondiale] quand le RMT a des membres servant dans la Royal Navy Fleet Auxiliary – sur des navires dans la région [du Moyen-Orient]…[que] nous appelions le gouvernement britannique à cesser son soutien aux hostilités».

Une partie du public écoutant les discours au rassemblement du 11 novembre 2023 [Photo: SEP-Britain/WSWS]

Les membres du Parti de l'égalité socialiste ont distribué des milliers d'exemplaires de la déclaration de la rédaction internationale du WSWS, «Comment lutter contre le génocide à Gaza». Elle explique que «la base sociale pour s'opposer aux crimes de guerre d'Israël, et à la guerre impérialiste plus large dont ils sont une partie, c’est la classe ouvrière, la grande majorité de la population mondiale. Ce n'est pas par des appels aux États capitalistes et aux partis de la classe dirigeante que le génocide pourra être stoppé, mais par la mobilisation de la force sociale qui produit toute la richesse de la société.»

Elle conclut: «Les manifestations de masse à travers le monde expriment la collision grandissante entre les élites dirigeantes capitalistes et la classe ouvrière internationale. La transformation de ce processus objectif en mouvement conscient pour le socialisme nécessite la construction d’une direction politique ayant pour objectif la conquête du pouvoir par la classe ouvrière, le renversement du capitalisme et de l’impérialisme, et l’établissement du socialisme à l’échelle mondiale.»

(Article paru en anglais le 13 novembre 2023)

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