Alors qu’Israël poursuit ses bombardements et le nettoyage ethnique de la population de Gaza, la faim atteint des proportions épidémiques. Selon le Programme alimentaire mondial des Nations unies, neuf habitants de Gaza sur dix disent se coucher le ventre vide.
Plus de la moitié de la population – plus de 63 pour cent – a déclaré être restée plusieurs jours sans manger. «La faim guette tout le monde», a écrit l’UNRWA (Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine), l’organisme des Nations unies chargé des réfugiés palestiniens, dans un communiqué publié sur Twitter. «Trop de gens n’ont pas mangé depuis deux ou trois jours dans la bande de Gaza.»
Le rapporteur spécial des Nations unies sur l’alimentation, Michael Fakhri, a déclaré à Al Jazeera Arabic: «Chaque Palestinien de Gaza a faim», lors d’une interview dans laquelle il a qualifié de «génocide» le massacre de la population de Gaza.
Ces informations font suite au veto opposé vendredi par les États-Unis à une résolution des Nations unies appelant à un cessez-le-feu. Cette semaine, une résolution non contraignante sur le cessez-le-feu devrait être adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies. Les États-Unis, quant à eux, ont réitéré leur appel à une solution «militaire» à la crise, donnant ainsi ouvertement leur appui au génocide.
«Nous pensons qu’il peut y avoir une solution militaire pour éliminer les dirigeants du Hamas qui ont planifié et mené les attaques du 7 octobre, pour éliminer les militants qui sont entrés en Israël et ont mené ces attaques», a déclaré le porte-parole du département d’État américain, Matthew Miller, lors d’une réunion d’information.
Cette déclaration fait suite à celle faite dimanche par le secrétaire d’État américain Antony Blinken: «Considérer un cessez-le-feu en ce moment, avec le Hamas toujours vivant, toujours intact, et encore une fois, avec l’intention déclarée de répéter le 7 octobre encore et encore et encore, cela ne ferait que perpétuer le problème».
Lundi, le Washington Post a rapporté qu’Israël avait utilisé des munitions au phosphore blanc fournies par les États-Unis pour mener des attaques au Liban, en violation des lois internationales interdisant l’utilisation de cette arme incendiaire dans les zones densément peuplées. Depuis des semaines, des vidéos montrent Israël déversant une pluie de phosphore blanc sur des zones peuplées. Ce reportage fait suite à l’annonce faite vendredi par la Maison-Blanche, selon laquelle elle court-circuiterait le Congrès pour envoyer à Israël des munitions pour chars d’assaut d’une valeur de 100 millions de dollars.
Lundi, le bilan des bombardements sur la bande de Gaza s’est alourdi à 18.205 morts, auxquels s’ajoutent environ 7.000 disparus, probablement ensevelis sous les décombres. Le ministère palestinien de la Santé a indiqué qu’il suivait 325.000 cas de maladies infectieuses, ce qui signifie qu’une personne sur six à Gaza est atteinte d’une telle maladie, alors que toutes les infrastructures nécessaires à la vie ont été détruites.
Nicholas Papachrysostomou, coordinateur des urgences à Gaza pour Médecins sans frontières, a déclaré à Al Jazeera: «Un patient sur deux à Rafah souffre d’une infection respiratoire, dans des conditions de pluie et de froid. Dans certains abris, 600 personnes partagent les mêmes toilettes. Nous constatons déjà de nombreux cas de diarrhée. Les enfants sont souvent les plus touchés», a-t-il ajouté.
Les Nations Unies ont rapporté que «le 11 décembre, le service de maternité de l’hôpital Kamal Adwan à Beit Lahiya, au nord de Gaza, a été touché. Deux mères auraient été tuées et plusieurs personnes blessées».
Le Conseil exécutif de l’Organisation mondiale de la santé a publié une déclaration mettant en garde contre l’effondrement total du système de santé de Gaza. «Le système de santé de Gaza est à genoux et s’effondre, et le risque devrait s’aggraver avec la détérioration de la situation et l’approche de l’hiver», a déclaré le directeur général de l’OMS.
«Alors que de plus en plus de personnes se déplacent dans un espace de plus en plus restreint, la surpopulation, combinée au manque de nourriture, d’eau, d’abris et d’assainissement adéquats, crée les conditions idéales pour la propagation des maladies», a-t-il ajouté.
L’ONU a rapporté que «Dans le nord et dans la ville de Gaza, les forces israéliennes auraient arrêté des centaines d’hommes et de garçons qui se trouvaient dans des espaces publics, des écoles servant d’abris pour les personnes déplacées à l’intérieur du pays, ainsi que dans des maisons privées. Les détenus auraient été déshabillés jusqu’à leurs sous-vêtements, menottés, et on leur aurait ordonné de s’asseoir à genoux dans des espaces ouverts. Ils auraient été soumis à des coups, à du harcèlement, à des conditions climatiques difficiles, et se seraient vu refuser des produits de première nécessité.»
Dans une déclaration, Omar Shakir, directeur pour Israël et la Palestine à Human Rights Watch, a condamné ce crime de guerre flagrant. «La publication par l’armée israélienne de photos choquantes d’hommes palestiniens détenus à Gaza, déshabillés et les yeux bandés, constitue une atteinte à la dignité personnelle, une forme de traitement inhumain qui équivaut à un crime de guerre», a écrit Omar Shakir lundi. «Les auteurs de ces actes doivent rendre des comptes.»
À ce jour, 81 journalistes palestiniens ont été tués dans des frappes aériennes israéliennes depuis le 7 octobre, et 296 travailleurs médicaux ont été tués. Lundi, le journaliste d’Al Jazeera Anas al-Sharif a été la cible d’un bombardement de sa maison dans le camp de réfugiés de Jabaliya, dans le nord de la bande de Gaza, qui a tué son père. Al Jazeera a déclaré que ce meurtre faisait suite à une série de menaces reçues par [Anas al-Sharif] en novembre dernier dans le but de le dissuader de faire son travail.»
Le Comité de protection des journalistes a réagi à l’attaque en déclarant qu’il était «profondément alarmé par le fait que des journalistes de Gaza reçoivent des menaces et que, par la suite, des membres de leur famille soient tués». Il a ajouté: «L’assassinat des membres de la famille des journalistes à Gaza rend presque impossible la poursuite des reportages, car le risque inclut maintenant leurs proches».
Les massacres commis par Israël s’accompagnent de déplacements massifs. Après avoir ordonné à l’ensemble de la population d’évacuer le nord de la bande de Gaza, l’armée israélienne a rendu obligatoire l’évacuation de 30 pour cent supplémentaires du sud de la bande de Gaza. Des centaines de milliers de personnes sont entassées de plus en plus au sud, dans des camps de réfugiés sordides près du poste-frontière de Rafah avec l’Égypte, par lequel les responsables politiques israéliens ont demandé que les habitants de Gaza soient déplacés.
(Article paru en anglais le 12 décembre 2023)