Environ 200.000 personnes ont marché pour la Palestine à Londres samedi, à l’occasion de la 12e manifestation nationale. Les manifestants se sont rassemblés sur Parliament Square et ont remonté Whitehall, passé Downing Street et traversé le centre de Londres jusqu’à un rassemblement à Hyde Park.
Les manifestants étaient enthousiasmés et encouragés par les manifestations étudiantes et les occupations aux États-Unis, qui se sont étendues au monde entier. Lorsqu’il a été fait référence, depuis la tribune, aux manifestations étudiantes dans le monde, y compris à l’université de Warwick au Royaume-Uni, la foule les a applaudies et acclamées.
Les participants étaient avant tout déterminés à manifester leur opposition aux plans avancés d'assaut sur Rafah, où vivent 1,2 million de réfugiés venus du nord de la bande de Gaza.
L’hebdomadaire Socialist Worker a publié les résultats d’une enquête qu’il mène lors des manifestations nationales, extrapolant qu’étaient présentes des milliers de nouvelles forces mobilisées par les horreurs du génocide soutenu par l’impérialisme. Il rapporte que «16.000 personnes ont participé à leur première marche nationale samedi. Et il y a aussi un large noyau de manifestants très réguliers qui participent aux marches depuis le début et qui y sont restés. Près d’un tiers d’entre eux ont déclaré avoir participé à toutes les manifestations ou à toutes sauf une ».
Cette détermination à se battre de la part de millions de personnes contraste avec la neutralisation politique du mouvement de masse par les leaders des manifestations de la Stop the War Coalition (STWC), de la Palestine Solidarity Campaign (PSC) et des groupes de la pseudo-gauche tels que le Socialist Workers Party, qui publie le Socialist Worker.
Dans la mesure où sont présentées depuis la tribune des revendications autres que celle de continuer à manifester dans la rue, celles-ci exigent de s’appuyer sur les syndicats pour mener la lutte d’opposition au génocide et de convaincre des travaillistes de gauche en constante diminution de rompre leur alliance avec Washington et Tel Aviv et de soutenir un cessez-le-feu permanent.
La seule députée actuelle du Parti travailliste à avoir pris la parole lors de la manifestation de samedi était Apsana Begum. Une fois de plus, elle s’est appliquée à refuser de mentionner le soutien au génocide du chef de file travailliste Sir Keir Starmer.
Jeremy Corbyn, l’ex-leader travailliste expulsé du groupe travailliste au parlement par Starmer il y a plus de quatre ans, a prononcé un discours où il n’y avait quasiment pas de politique. Le prêtre du mouvement anti-guerre officiel, qui ne peut critiquer personne, a déclaré: «Notre mouvement est né de toutes les nuances d’opinion, de toutes les parties de ce pays et de tous les autres pays. Nous sommes un mouvement pour la paix et la justice dans le monde, qui s’oppose au commerce des armes et aux décisions cyniques qui coûtent la vie à des dizaines de milliers de Palestiniens».
L'une des caractéristiques de la couverture du rassemblement par la Coalition Stop the War a été d'affirmer que les syndicats s'engageaient désormais dans la lutte. Les messages postés sur son compte X samedi comprenaient l'affirmation d'une «participation massive dans le bloc syndical d'aujourd'hui avant le #MayDay4Palestine de mercredi».
Un autre message, de Sean Vernell, membre de premier plan du Socialist Workers Party et haut bureaucrate de l’University and College Union — posté par le STWC — disait: «Le mouvement pour une Palestine libre continue de croître, tout comme le soutien du mouvement syndical. Prochaine étape: la journée d’action du 1er mai sur le lieu de travail: Solidarité avec la Palestine — Défense du droit de grève et de manifestation.
Il n’existe pas de mouvement de masse organisé par les syndicats. Le «bloc syndical» des dernières marches était composé de membres d’unions locales où la pseudo-gauche a une certaine influence, avec quelques banderoles. Il n’y avait pas de banderole nationale des deux plus grands syndicats britanniques (Unison et Unite) sur la manifestation, juste une de Unite représentant Londres et la région Est. Au lieu d’une banderole nationale de Unite, la tête du bloc syndical était occupée par une banderole disant « Les Membres de Unite disent halte à la guerre».
Il le fallait car la secrétaire générale de Unite, Sharon Graham, refuse de soutenir les manifestations. Au début du mois, Graham a écrit aux responsables syndicaux pour s'opposer aux groupes impliqués dans des tentatives d'interruption de livraisons d'armes du Royaume-Uni à Israël et pour déclarer que Unite n'aurait rien à voir avec tout ce qui menace de «saper l'industrie de la défense ou d'exiger le démantèlement de l’OTAN et d’AUKUS [l’alliance militaire anti-Chine australienne, britannique et américaine]».
Bien loin que les syndicats rallient leurs plus de 5 millions de membres, le Trades Union Congress ne soutient pas les marches, son dirigeant Paul Nowak n’apparaissant à aucune des manifestations. Aucun dirigeant syndical national n’a pris la parole lors de la manifestation de cette semaine.
Libby Nolan, présidente d’Unison, a même dénoncé à la tribune l’affirmation que les syndicats étaient prêts à agir: «Il s’agit d’un moment syndical que les syndicats devraient saisir. C’est le moment pour nos syndicats de faire pression sur notre gouvernement et sur le futur gouvernement fantôme [travailliste] pour qu’ils fassent quelque chose afin d’appeler à un cessez-le-feu maintenant». Rappelant que près de trois mois se sont écoulés depuis que la Cour internationale de justice a «jugé plausible» qu'Israël ait commis un génocide, elle a insisté pour dire que «le mouvement syndical doit faire davantage pression, il doit faire plus».
Le fait que les syndicats n’organisent rien est tacitement reconnu dans l’appel à l’action lancé par la coalition Stop the War pour le 1er mai, qui est centré sur l’organisation d’événements par des travailleurs individuels. Aucun syndicat n’organise de grève pour défendre les Palestiniens, la STWC ne recensant que huit événements au niveau national, dont quatre dans la capitale.
Les manifestations londoniennes sont: une «Journée d’action pour la Palestine sur le lieu de travail d’Unison de la municipalité de Hammersmith et Fulham, de 1 à 2 heures»; un «débrayage à l'heure du déjeuner à l'hôpital St. George, à Tooting»; un rassemblement à confirmer, qui se tiendra après le travail à 17 heures au campus Guy's, au King's College de Londres ; et un autre rassemblement à 17 heures à l'hôpital King's College.
La promotion de la journée d’action du 1er mai par le STWC ne formule aucune critique à l’égard de la bureaucratie syndicale, invitant seulement les travailleurs à «évaluer l’action qui correspond le mieux à leur situation», comme un éventuel arrêt de travail de 30 minutes à l’extérieur du lieu de travail, un rassemblement à l'heure du déjeuner ou «si vous ne travaillez pas dans un secteur où il y a des pauses déjeuner désignées, découvrez quand la plupart des gens sont libres après le travail...».
Ben Jamal, leader de PSC, a conclu le rassemblement en faisant référence à la première manifestation londonienne de soutien aux Palestiniens, qui s’est également tenue à Hyde Park en 1921. Il a déclaré que le mouvement était un succès parce qu’il «rassemblait le peuple avec nous et mettait la pression sur l'establishment politique».
Beaucoup de ceux qui manifestent le font en dépit, et non à cause, de la politique pourrie des dirigeants de STWC. Ils savent également que la revendication centrale de «Halte à l’armement d’Israël» ne peut aboutir que si elle s’adresse aux travailleurs de l’industrie de l’armement, du transport, des ports et des aéroports. Mais la pseudo-gauche et les groupes staliniens du STWC sabotent une telle lutte en insistant pour que les syndicats et leurs dirigeants corrompus, pro-capitalistes et pro-guerre soient autorisés à déterminer ce qui se passe sans aucune contestation.
Tous les travailleurs et les jeunes opposés au génocide, ainsi que les nombreux étudiants qui retournent actuellement sur les campus, doivent mener une lutte indépendante de la bureaucratie syndicale et de tous ceux qui font appel à «l'establishment politique», et contre eux.
Ceux qui comprennent le besoin urgent d'un tournant politique vers la classe ouvrière devraient contacter et rejoindre le Parti de l'égalité socialiste et l'Internationale des jeunes et des étudiants pour l'égalité sociale. Pour comprendre la perspective politique sur laquelle doit se fonder un nouveau mouvement anti-guerre socialiste de masse, inscrivez-vous au rassemblement en ligne du Comité international de la Quatrième Internationale, le 4 mai.
(Article paru en anglais le 29 avril 2024)