Le Concours Eurovision de cette année a suscité une vague d’opposition au génocide israélien à Gaza. La participation d’Israël au concours a provoqué des manifestations de masse, une campagne de boycottage et des actions menées par les présentateurs et les artistes. Sa candidate Eden Golan a interprété une chanson légitimant les crimes du régime sioniste alors même que le gouvernement Netanyahou prépare l’invasion de Rafah.
L’événement à Malmö, en Suède, a été entouré de dizaines de milliers de manifestants du milieu de la semaine jusqu’à la finale de samedi soir.
Avec plus de 15.000 manifestants rassemblés devant la finale qui s’est déroulée samedi soir à l’arène de Malmö, le 68e événement annuel s’est déroulé sous un régime de censure, d’intimidation et de répression policière pour tenter d’empêcher environ 180 millions de téléspectateurs dans le monde d’être troublés par la réalité de ce que les manifestants ont traité de Concours de chanson génocidaire.
Malmö a été placée sous confinement, le Times of Israel ayant déclaré par des « sources de la défense » que « le chef de l’agence de sécurité israélienne du Shin Bet a dirigé une délégation de responsables du département de protection des VIP à Malmö en Suède la semaine dernière pour coordonner les dispositions de sécurité pour les participants israéliens au Concours Eurovision… »
Chaque déplacement effectué par la vedette israélienne, Eden Golan, au cours de ses deux semaines à Malmö, a été suivi par un convoi de 100 policiers armés, soutenus par les services de sécurité israéliens du Shin Bet.
Les manifestants ont apporté des pancartes et des banderoles maison, dont l’une représentait un enfant mort dans un linceul, allongé sur un cercueil, et sur laquelle on pouvait lire : « Eurovision célèbre le génocide ». Des milliers de policiers armés ont été mobilisés, arrêtant et expulsant de nombreux manifestants des environs de l’arène, notamment la célèbre activiste suédoise contre le changement climatique Greta Thunberg.
L’Union européenne de radio-télévision a refusé les demandes visant à exclure Israël de la compétition, prétendant avoir une position non politique — une prétention contredite par la décision prise il y a deux ans d’interdire la participation de la Russie à cause de la guerre en Ukraine. L’hypocrisie de cette position a été renforcée par la soumission israélienne d’une chanson, October Rain, faisant référence à l’incursion du Hamas du 7 octobre, incursion qu’on laissa se produire, puis utilisée comme casus belli pour une campagne militaire qui a décimé Gaza, tué plus de 35.000 Palestiniens et laissé 80.000 autres blessés.
Toute expression de soutien aux Palestiniens a été interdite à l’intérieur de l’arène Malmö, y compris le drapeau palestinien et le port du keffieh. Malgré cela, chaque apparition de Golan tout au long de la compétition a été bruyamment huée, accompagnée des chants de « Palestine libre ! ».
Eric Saade, un ancien candidat suédois à l’Eurovision dont le père est palestinien, a ouvert mardi les demi-finales de la compétition, apparaissant sur scène avec son poignet enveloppé dans un keffieh. Saade a écrit sur les réseaux sociaux que l’Union européenne de radio-télévision était « honteuse », affirmant qu’elle avait diffusé de la « propagande israélienne ».
Jeudi, alors que plus de 10.000 personnes manifestaient à Malmö, la diffusion de l’Eurovision a été interrompue en Belgique par des membres du syndicat de radiodiffusion qui projetaient à l’écran un message condamnant les « violations des droits de l’homme » par Israël et soutenant les Palestiniens. La transmission de la chaîne VRT a été interrompue par un message de protestation sur l’écran qui disait :
« Ceci est une action syndicale. Nous condamnons les violations des droits de l’homme commises par l’État israélien. Israël détruit également la liberté de la presse. C’est pourquoi nous interrompons temporairement la transmission.
« Nous sommes convaincus que l’État d’Israël commet un génocide et il est donc scandaleux qu’il y ait un candidat israélien au concours Eurovision de la chanson.
« Nous espérons envoyer un signal au gouvernement israélien pour qu’il cesse les combats et les massacres, et permette aux observateurs internationaux et à la presse d’entrer [à Gaza] et de s’asseoir pour une solution négociée. »
La Grande-Bretagne a connu parmi les plus grandes manifestations au monde contre le génocide israélien, avec des centaines de milliers de personnes manifestant régulièrement à Londres. Cela s’est traduit par une réponse massive à l’appel au boycottage de l’événement, qui a vu la BBC perdre près d’un quart de ses téléspectateurs à l’Eurovision par rapport à l’année dernière, soit une moyenne de 7,64 millions de personnes, contre 9,98 millions.
Lors d’une conférence de presse, un journaliste polonais a demandé à Eden : « Avez-vous déjà pensé qu’en étant ici, vous présentiez des risques et des dangers pour les autres participants et le public ? Le modérateur, le présentateur suédois Jovan Radomir, assis aux côtés d’Eden, lui a dit : « tu n’es pas obligée de répondre à cette question, si tu ne veux pas ». À ce moment-là, le participant néerlandais Joost Klein, qui était assis avec sa capuche sur la tête pour protester contre l’implication d’Israël, a demandé : « pourquoi pas » ?
Le concurrent irlandais, Bambie Thug, a révélé sur Instagram : « Après ma première répétition générale, on m’a demandé de retirer de ma tenue le message Palestine libre et cessez-le-feu en Ogham (une ancienne forme du gaélique). » L’artiste a ajouté que l’Union européenne de radio-télévision « a finalement accepté » de laisser le mot cessez-le-feu demeurer, mais « environ une heure avant mon apparition, j’ai été informé qu’ils ont eu une réunion interne et que le cessez-le-feu n’était plus acceptable, et que si je refusais de le retirer, je ne serais pas autorisé à monter sur scène ».
Bambie Thug a déclaré : « J’ai pleuré avec mon équipe » en apprenant qu’Israël participerait à la finale de la compétition. « Je suis projustice et propaix et cela ne changera jamais. J’espère seulement qu’avec une plateforme, je pourrai toucher les oreilles d’un plus grand nombre de personnes. Mon cœur et mes prières vont au peuple palestinien.
“Pour être clair, être propalestinien ne signifie pas que je suis antisémite, cela signifie que je suis contre la guerre, contre l’occupation, contre l’oppression et contre le meurtre de civils et d’enfants innocents !! Toute personne née dans ce monde devrait avoir droit à un logement, à la sécurité, à l’eau, à la nourriture, à la liberté et à la compassion. »
Alessandra Mele, porte-parole de la Norvège pour l’attribution des points, s’est retirée de ce rôle pour la finale. La jeune femme de 21 ans, qui a concouru pour la Norvège l’année dernière, a déclaré qu’elle ne pouvait pas participer tant qu’un « génocide était en cours ». La finaliste de l’année dernière, Kaarija, a refusé de représenter le jury cette année en déclarant : « J’ai décidé de ne pas participer en tant que porte-parole du jury finlandais à la finale de l’Eurovision de ce soir. »
La chanteuse grecque Marina Satti a été vue en train de bâiller et de s’endormir de manière théâtrale lors de la conférence de presse de l’Eurovision alors qu’Eden parlait.
En réponse à un appel au boycottage, neuf participants — le Britannique Olly Alexander, l’irlandais Bambie Thug, le norvégien Gate, le portugais Iolanda, le Saint-Marinais Megara, le Suisse Nemo, le danois Saba, le finlandais Windows95man et le lituanien Silvester Bel — ont publié une déclaration appelant à un cessez-le-feu à Gaza et déclarant qu’ils ne se sentaient pas à l’aise de garder le silence.
Lors de la finale samedi soir, des mesures extraordinaires ont été mises en place pour tenter d’épurer l’événement de toute opposition. Eden a été soumis à un torrent de huées, mais le Times of Israel a rapporté que « les huées pendant la performance de Golan ont été atténuées par la technologie anti-huée déployée par l’Union européenne de radio-télévision ».
Il a rapporté que « Pendant le vote du jury pour la remise des récompenses, la représentante d’Israël, Maya Alkulumbre, a été huée bruyamment par certains dans le public, et certains ont même hué chaque fois qu’un pays attribuait des points à Israël. »
Un concours organisé pour promouvoir les apologétiques sionistes a vu la chanson tantôt languissante, tantôt mélodramatique de Golan se classer cinquième, grâce à un vote public important. Le Jerusalem Post, soucieux de contrer l’élan de soutien aux Palestiniens, a décrit cela comme représentant la voix de « la majorité silencieuse ». Il s’agissait en fait d’un vote d’une minorité réactionnaire et animée qui ne voulait rien d’autre que d’exprimer sa sympathie aux auteurs d’un crime horrible.
(Article paru en anglais le 12 mai 2024)