«L’UAW agit ouvertement contre les travailleurs»

Des travailleurs outrés par les dernières révélations de corruption de l’UAW

Le président de l'UAW, Shawn Fain, après une conférence de presse à Tuscaloosa, en Alabama, le 17 mai 2024 [AP Photo/Kim Chandler]

La colère et le dégoût montent parmi les travailleurs de la base à la suite des révélations de cette semaine sur la reprise des enquêtes de corruption concernant les hauts responsables du syndicat des travailleurs de l'automobile (United Auto Workers).

Le président de l'UAW, Shawn Fain, et les membres du conseil exécutif de l'UAW font l'objet d'une enquête concernant des allégations de détournement de fonds syndicaux et d'autres formes de mauvaise conduite, selon un rapport explosif déposé lundi par le contrôleur de l'UAW nommé par le tribunal.

Pendant des mois, le bureau de Fain a fait de l'obstruction et s'est ingéré dans l'enquête, retenant des dizaines de milliers de documents demandés par le contrôleur, indique le rapport.

«Le contrôleur a tenté pendant des mois d'obtenir la coopération du syndicat pour rassembler les informations nécessaires à la conduite d'une enquête complète», écrit le contrôleur, «mais le syndicat a effectivement ralenti l'accès du contrôleur aux documents demandés.»

Le dernier rapport du contrôleur de l'UAW marque une rapide escalade de la crise grandissante qui frappe la bureaucratie de l'UAW, érodant encore plus les prétentions de l'administration de Fain à mener des «réformes», à éradiquer la corruption et à obtenir des améliorations majeures pour les travailleurs.

Fain et la bureaucratie qu'il supervise font face à des membres de plus en plus rebelles, se discréditant davantage et discréditant leur rhétorique «militante» à chaque lutte qu'ils répriment et trahissent. Cette semaine, l'appareil de l'UAW a ordonné l'arrêt de la grève de dizaines de milliers de travailleurs universitaires de l'université de Californie, qui ont débrayé pour mettre fin aux violences policières contre les manifestants pro-Gaza. Depuis que l'UAW a mis fin à la grève, se soumettant de manière abjecte à une injonction du tribunal, la police de l'UCLA s'est à nouveau déchaînée contre les manifestants.

«Fain est une honte et devrait être mis à la porte»

Les dernières enquêtes menées par le contrôleur se concentrent ostensiblement sur des allégations concurrentes d'actes répréhensibles de la part de Fain et d'autres hauts responsables de l'UAW, notamment la secrétaire-trésorière Margaret Mock et le vice-président de l'UAW Rich Boyer, qui se sont tous présentés sur la même liste de «réforme» de Members United lors des élections de l'UAW en 2022-23. Un autre membre du conseil exécutif de l'UAW, un directeur régional, fait également l'objet d'une enquête à la suite d'allégations de détournement de fonds, mais il n'a pas été identifié nommément dans le rapport du contrôleur.

De manière absurde, Fain a affirmé dans un communiqué lundi qu'il se félicitait de l'enquête, déclarant : «Nous encourageons le contrôleur à enquêter sur toutes les allégations portées à sa connaissance, car nous savons ce qu'il trouvera : une direction de l'UAW engagée à servir les membres et à diriger un syndicat démocratique.»

Mais de nombreux travailleurs ont de moins en moins de patience pour les affirmations de pieuse innocence de Fain, alors que ses adversaires au sein de la direction sont tout aussi profondément impliqués dans la trahison des intérêts des travailleurs.

Fain et son administration sont entrés en fonction en mars 2023 à l'issue d'une élection syndicale nationale fondamentalement entachée par le musèlement du vote mené par l'appareil de l'UAW, comme l'a expliqué Will Lehman, un ouvrier de Mack Trucks, dans une série de contestations et de poursuites judiciaires concernant les élections. Au second tour, Fain n'a obtenu que 3 % des voix des travailleurs de la base.

«Fain est une honte et devrait être mis à la porte», a déclaré au WSWS un travailleur de Mack Trucks et membre de l'UAW à Macungie, en Pennsylvanie. «Nos frères et sœurs devraient pouvoir voter là-dessus. Il a trahi les familles des membres de l'UAW qui travaillent dur !»

Un ouvrier de l'usine General Motors de Lansing a noté avec sarcasme : «Ce bon vieux UAW. Il va probablement se cacher avec toutes ces enquêtes sur le syndicat et tout le reste.»

Depuis son entrée en fonction, l'administration de Fain a mis en œuvre un contrat de capitulation après l'autre, imposant des augmentations salariales inférieures à l'inflation et facilitant les licenciements massifs parmi les ouvriers des trois grands de l'automobile et les travailleurs du secteur des pièces détachées. Pour présenter et faire accepter ces accords comme «historiques», Fain a élevé des membres de la pseudo-gauche des Socialistes démocrates d'Amérique (DSA), qui occupent aujourd'hui un certain nombre de postes de haut niveau dans l'appareil syndical.

Bien que le contrôleur ait déclaré avoir entamé ses dernières investigations en février, il a cherché à garder le conflit secret et à tenir les travailleurs dans l'ignorance le plus longtemps possible, conscient du mécontentement croissant de la base à l'égard de la direction de l'UAW. Le contrôleur a déposé son rapport de situation auprès du tribunal deux jours après le délai de six mois stipulé dans un décret d'accord fédéral de 2021. Cet accord, conclu entre l'appareil de l'UAW et le ministère américain de la Justice, résulte d'un scandale de corruption qui dure depuis une dizaine d'années et qui a conduit à la condamnation de plus d'une dizaine d'anciens responsables de l'UAW, dont deux anciens présidents du syndicat, pour avoir détourné les cotisations des travailleurs et accepté des pots-de-vin de la part des entreprises.

Un ouvrier de l'usine d'assemblage de General Motors à Flint, dans le Michigan, et membre du comité de base de GM Flint, a déclaré au WSWS :

Le contrôleur était censé superviser les élections de l'UAW et toutes les actions menées au sein de l'UAW, afin d'éviter toute corruption. Cependant, dès le début, à commencer par la campagne de Will Lehman, il est évident que l'entreprise, l'UAW et le contrôleur travaillaient ensemble. Le moniteur n'était qu'une façade destinée à convaincre les travailleurs de l'existence d'un nouveau syndicat, renouvelé et «dédié aux membres». Les résultats de la grève debout montrent que l'UAW ne se préoccupe que de défendre les profits de GM, Ford et Stellantis.

Fain : Du «leader syndical de l'année» à personnalité faisant l'objet d'une enquête

Fain, pratiquement inconnu des travailleurs de la base auparavant, a bénéficié d'un éloge quasi universel de la part des médias bourgeois, qui ont tenté de le dépeindre comme le plus grand dirigeant syndical américain depuis des générations.

Dans le même ordre d'idées, le Detroit News a publié la semaine dernière un article saluant Fain comme l'un des «Michiganiens de l'année».

L'auteur a déclaré : «Sans doute le président de l'UAW le plus influent depuis Walter Reuther, les experts syndicaux estiment que Fain a pratiquement consolidé une victoire.»

L'article cite Fain qui se vante : «Nous avons tiré un trait sur le passé. Nous avons accompli 30 ans de travail en un an. Lorsque vous négociez de bonnes conventions collectives, vous donnez aux gens une raison de vouloir faire partie de quelque chose de plus grand et de meilleur.»

De manière révélatrice, Fain a souligné dans l'article l'importance de l'élévation des membres des DSA (surnommés «outsiders») à des postes de direction, avant d'admettre que l'appareil syndical est resté pratiquement inchangé sous son administration.

L'article note que «la plupart des membres du personnel sont issus de l'ancien régime», citant Fain qui a déclaré : «On leur empêchait d'être inventifs et créatifs, et nous les avons libérés et leur avons dit : “Créez”.»

Ouvrier de Caterpillar : «Fain et l'ensemble de l'Internationale, appelons-les par leur nom, “UAW inc.”»

Un ouvrier d’expérience de Caterpillar dans l'Illinois a déclaré au WSWS : «Fain et l'ensemble de l'Internationale – appelons-les par leur nom, “UAW inc.” – sont une non-entité pour le travailleur de la base, non seulement en termes de perception, mais aussi dans les faits. Il n'est pas ironique de constater que les travailleurs de la base le sont aussi à leurs yeux.

L'UAW est une société. Son activité consiste à agir en tant qu'intermédiaire contractuel entre son employeur, à savoir Caterpillar, et la main-d'œuvre. Cela ne pourrait pas décrire plus précisément la relation des syndicats entre leurs maîtres du patronat et le véritable «producteur de biens», les travailleurs de la production, du commerce de détail, de la médecine, de l'éducation, etc. Le fait que la bureaucratie soit corrompue est inévitable. Son existence entière est une corruption de ce que les syndicats ont été créés pour être et pour faire ce qu'on leur a confié. Ils sont devenus tellement gonflés par la richesse et l'orgueil qu'il n'est surprenant pour personne que le président de l'UAW s'en soit mis plein les poches tout en soutenant Biden, un larbin sénile et sans principes du capitalisme. Ces gens-là s’entendent comme larrons en foire.

Il a ajouté que Fain «semble également ignorer totalement que les personnes qu'il est censé représenter meurent dans les conditions infernales des entreprises auxquelles il est censé résister. Les sections locales ne sont absolument pas différentes en termes de structure, d'objectif ou d'indifférence, à l'instar du silence de la section locale 974 de l'UAW concernant la mort horrible de Daulton Simmers».

«L'UAW et l'administration Biden encouragent les guerres»

Les dernières révélations de corruption sont le reflet d'une crise croissante qui touche non seulement l'UAW, mais aussi le gouvernement Biden.

Biden a de plus en plus tenté d'asseoir son bilan «pro-syndical» sur ses relations étroites avec Fain et l'appareil «de gauche» de l'UAW. Plus fondamentalement, cependant, la Maison-Blanche s'appuie sur Fain et l'UAW, ainsi que sur leurs homologues des autres bureaucraties syndicales, pour étouffer la lutte des classes et l'opposition aux guerres de l'impérialisme américain.

Après une mise en scène consistant à ne pas donner immédiatement son appui électoral à Biden, Fain est devenu le principal porte-parole de sa campagne de réélection et de ses politiques, affirmant lors d'une campagne au début de l'année qu'il était prêt à envoyer les membres de l'UAW «à la guerre» pour le président.

Le travailleur de GM Flint a expliqué :

L'UAW a donné son appui à Biden, qui avait appliqué une loi interdisant aux cheminots de faire grève. Aujourd'hui, ils affirment que la grève est illégale si la production et la sécurité nationale sont perturbées. En outre, l'UAW et le gouvernement Biden encouragent les guerres qui tuent les travailleurs dans le monde entier, de Gaza à l'Ukraine en passant par la Russie.

Il est évident que les travailleurs et les étudiants sont opposés au génocide, mais l'UAW a empêché une grève des travailleurs universitaires de l'université de Californie. Ils se sont mis en grève pour s'opposer à la répression du génocide à Gaza.

L'UAW agit ouvertement contre les souhaits et les demandes des travailleurs ! De plus, il y a une guerre contre les travailleurs. L'économie est pire aujourd'hui qu'elle ne l'a jamais été. Dans le passé, les gens obtenaient des coupons, des offres, des ventes et d'autres avantages pour survivre, mais aujourd'hui, chaque centime est ponctionné par la classe dirigeante et nous, la classe ouvrière, sommes en proie à de sérieuses difficultés.

Will Lehman, l'ouvrier socialiste de Mack Trucks qui s'est présenté à la présidence de l'UAW, a déclaré au WSWS que le rapport du contrôleur était une nouvelle confirmation de ses avertissements concernant le caractère de l'administration de Fain.

«Le mouvement de la base a prédit que le remaniement des dirigeants au sommet de la bureaucratie ne changerait rien», a déclaré Lehman. «Fain est et était une créature de la bureaucratie.»

Le rapport du contrôleur est important non pas tant pour ce qu'il dit de Fain en tant qu'individu que pour ce qu'il révèle de la bureaucratie dans son ensemble. Celle-ci reste un pion des entreprises et de l'État, qui accomplit son sale boulot dans le dos des travailleurs, malgré les sempiternelles déclarations de Fain sur la «transparence».

Nous pouvons être sûrs que le dernier rapport du moniteur n'est que la partie émergée de l'iceberg. J'invite mes frères et sœurs à tirer la conclusion qui s'impose : former des comités de la base pour redonner le pouvoir aux ateliers et abolir la bureaucratie pro-entreprise.

Les travailleurs eux-mêmes doivent construire le mouvement que la bureaucratie de l'UAW et l'État tentent d'étouffer, en associant la lutte pour les intérêts des travailleurs à la lutte contre la guerre et le génocide impérialistes.

(Article paru en anglais le 12 juin 2024)

Loading