Des scientifiques appellent à une action urgente face à la menace émanant de la grippe aviaire H5N1

Comment la grippe aviaire s'est propagée aux vaches

Le récent témoignage du Dr Robert Califf, commissaire de la Food and Drug Administration (FDA), sur la propagation de la souche actuelle du virus de la grippe aviaire dans les élevages laitiers américains, met en évidence la menace plus vaste émanant du virus de la grippe aviaire hautement pathogène H5N1 (plus connu sous le nom de grippe aviaire). Califf a comparu le 8 mai devant la commission sénatoriale des crédits.

Actuellement, 42 troupeaux répartis dans neuf États sont touchés. Parmi ces États figurent le Texas, où le virus a été détecté pour la première fois chez des vaches, ainsi que le Colorado, l'Idaho, le Kansas, le Michigan, le Nouveau-Mexique, la Caroline du Nord, l'Ohio et le Dakota du Sud. Du matériel génétique du virus H5N1 a été trouvé dans un échantillon de lait commercial sur cinq vendu aux États-Unis. Au moins une personne a été infectée, ce qui constituerait la première transmission du virus H5N1 d'un mammifère à l'homme.

Califf a commencé son discours devant le comité sénatorial avec prudence en affirmant que la menace posée par le virus pour les humains restait faible (mais plus élevée pour les personnes ayant à faire aux animaux) et a assuré aux sénateurs que les produits laitiers étaient sans danger pour la consommation. Il a toutefois averti: «[Nous] devons procéder à des tests, disposer d’antiviraux et disposer d’un vaccin prêt à être utilisé. Nous nous sommes donc efforcés de nous préparer au cas où le virus muterait d’une manière qui se propagerait aux humains à plus grande échelle.» Le commissaire de la FDA a spécifiquement souligné la menace potentielle pour la santé publique que représenterait le virus si celui-ci devenait «transmissible par [nos] voies respiratoires, ce qui serait vraiment mauvais».

Compte tenu du faible niveau d’immunité contre le virus H5N1 dans la population humaine et de la gravité notable de la maladie chez les personnes infectées par le virus H5N1, les propos du Dr Califf aux sénateurs sont effrayants. La létalité du COVID, qui a tué près de 30 millions de personnes, est bien inférieure à celle observée avec le virus H5N1.

Une grange de vente aux enchères de bétail [Photo: Tri-State Livestock News]

Le commissaire de la FDA a ensuite déclaré: «Si nous mettons en place les contre-mesures maintenant et réduisons la propagation du virus maintenant, nous aurons beaucoup moins de chances de voir une mutation se propager aux humains pour laquelle nous sommes mal préparés.»

Cette déclaration ne tient pas compte du fait crucial que l’état réel de l’infection par le virus H5N1 parmi les vaches laitières et le bétail agricole reste largement inconnu, tandis que le démantèlement par le gouvernement de l’infrastructure sanitaire en réponse à la pandémie de COVID a laissé le pays et la communauté internationale moins préparés à faire face à de futurs agents pathogènes ayant un potentiel pandémique.

Face à cette inaction et à cet échec du gouvernement et des autorités sanitaires, la virologue Marion Koopmans du Centre médical Érasme a déclaré à Science: «La raison pour laquelle ce n’est pas un gros problème de santé humaine est que le virus n’est pas si transmissible. Ce n’est pas dû à nos actions en réponse à cette nouvelle situation.»

Michael Worobey, biologiste évolutionniste à l’université d’Arizona et auteur principal d’études critiques sur les origines du SARS-CoV-2, établissant qu’il s’agit d’une propagation zoonotique du commerce d’animaux sauvages, partage ce sentiment. «Si nous voulons être sérieux aux États-Unis et en tant que communauté mondiale dans notre tentative de prévenir les pandémies que nous pouvons prévenir, alors ce n’est pas la bonne façon de procéder», a-t-il déclaré à Science.

En utilisant des techniques moléculaires pour évaluer l'ancêtre commun le plus récent du génotype B3.13 du clade 2.3.4.4b de l'IAHP H5N1 obtenu à partir de bovins infectés, Worobey et ses collègues ont estimé qu'il y avait eu un seul saut des oiseaux aux bovins au Texas en décembre 2023, au moins quatre mois avant que l'USDA et les Centers for Disease Control and Prevention (CDC) ne signalent pour la première fois la présence du virus parmi les vaches laitières.

Ces dates ont été corroborées par des observations faites fin janvier 2024 par des vétérinaires de production sur des vaches laitières présentant une diminution inexpliquée (à l'époque) de leur production de lait, un épaississement de la qualité du lait et une diminution de la consommation alimentaire. Les membres du National Animal Health Laboratory Network ont effectué des travaux préliminaires d'échantillonnage du lait et des voies nasales des animaux atteints, identifiant la grippe A. Les échantillons ont ensuite été transmis au National Veterinary Services Laboratory, qui a confirmé la présence du virus H5N1 chez les vaches.

Parallèlement à ces observations, une analyse récente des données sur les eaux usées menée par le réseau WastewaterSCAN, une association de scientifiques de Stanford, de l’université Emory et de Verily Life Sciences, a permis de détecter des traces de grippe aviaire dès le 25 février 2024, un mois avant que des tests de confirmation ne soient effectués sur les animaux malades. Cela souligne l’importance des eaux usées comme alerte sentinelle dans le domaine de la santé publique.

Il est significatif de constater que dans les régions où les taux d’infection par le virus H5N1 étaient élevés chez les bovins, on a observé une concentration correspondante élevée de matériel génétique de la grippe A dans les eaux usées. Près d’une station d’épuration au Texas, une région où des cas de grippe aviaire ont été confirmés chez des vaches laitières, les niveaux de matériel génétique de la grippe A dans les eaux usées étaient les plus élevés jamais enregistrés.

Les auteurs concluent: «Nos résultats démontrent que la surveillance des eaux usées peut détecter les contributions de la grippe d’origine animale et soulignent la nécessité de prendre en compte les apports industriels et agricoles dans les eaux usées. Ces travaux illustrent l’intérêt de la surveillance des eaux usées pour une surveillance complète de la grippe pour les maladies à potentiel zoonotique dans les populations humaines et animales.»

Le CDC écarte la réalisation de tests sur les eaux usées

Cependant, le Dr Marc Johnson, virologue à l'Université du Missouri, qui a développé avec ses collègues des tests permettant de détecter spécifiquement le virus H5N1 dans des échantillons d'eaux usées il y a plus d'un an, s'adressant à Reuters, a déclaré que lors de discussions avec le CDC, celui-ci a découragé l'utilisation de ces travaux.

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Amy Kirby, responsable de l’équipe des eaux usées du CDC, lui a expliqué que même si les tests sur les eaux usées pouvaient identifier les sous-types H5N1 de la grippe A, ils n’indiquaient pas la source du virus et pouvaient donc épuiser les ressources, bien qu’il s’agisse de l’outil le plus économique disponible pour mener ce travail de détection. Johnson, déconcerté, a répondu: «Je ne m’inquiète pas pour les vaches. Je ne m’inquiète pas pour le lait. Mais je crains qu’il y ait beaucoup d’autres animaux auxquels le virus peut se propager, et qu’il finisse par trouver une combinaison qui peut se propager aux humains si nous ne faisons pas attention.»

Denis Nash, professeur émérite d’épidémiologie et directeur exécutif de l’Institute for Implementation Science in Population Health de la City University of New York, a évoqué avec le Los Angeles Times la réticence des CDC à déployer des techniques de surveillance des eaux usées pour traquer le virus H5N1. Elle a déclaré: «Il a été démontré à maintes reprises que la surveillance des eaux usées ne fait qu’améliorer la surveillance traditionnelle et la surpasse souvent lorsqu’il s’agit de détecter une épidémie ou une poussée de la maladie de manière précoce et opportune. Dans ce cas, étant donné que la surveillance traditionnelle n’est pas systématique et que la surveillance des eaux usées est relativement peu coûteuse et facile à mettre en œuvre, il me semble tout à fait logique de la déployer de manière stratégique.»

En effet, les analyses des eaux usées, si elles étaient mises en œuvre dans les points de vente agricoles, les hôpitaux et les installations communautaires, permettraient non seulement de localiser l’endroit où le matériel génétique viral est déversé dans les eaux usées, mais aussi de suivre l’évolution du virus en temps réel, ce qui est nécessaire de toute urgence. Il est clair que la réticence du CDC est davantage liée au climat politique qu’à l’ambiguïté et à la confusion que le déploiement de telles mesures créerait. Comme l’a dit succinctement Johnson, «je pense toujours que plus nous avons d’informations, mieux c’est».

La science de la propagation de la grippe aviaire à d’autres espèces

L’une des contributions les plus importantes à la compréhension de la récente propagation de la grippe aviaire aux bovins a peut-être été une collaboration internationale dirigée par Worobey et ses collègues. Parmi ceux-ci, Kristian Andersen de l’Institut Scripps, collaborateur de l’étude sur l’origine du SRAS-CoV-2, Thomas Peacock de l’Institut Pirbright de l’Imperial College de Londres, Angela Rasmussen de l’Université de la Saskatchewan et Andrew Rambaut de l’Institut d’écologie et d’évolution de l’Université d’Édimbourg.

Nombre de ces scientifiques ayant des principes ont joué un rôle déterminant en fournissant des vérités importantes sur les origines de la pandémie de COVID, en opposition à la tentative continue du gouvernement américain d’utiliser le mensonge de la fuite de laboratoire comme arme politique et idéologique contre la Chine.

Diagramme montrant comment «les bovins ont le potentiel d’agir comme un récipient de mélange» pour les nouveaux virus de la grippe.

Dans un article publié en deux parties (partie 1 et partie 2) sur le site virological.org, les auteurs donnent tout d'abord le contexte historique récent de la pandémie de H5N1, soulignant que les génotypes réassortis du virus (produits en mélangeant des segments d'ARN de différentes espèces pour produire une nouvelle forme) ont montré une propension extraordinaire à infecter les mammifères. Il existe des preuves d'une transmission soutenue de mammifère à mammifère, en particulier des épidémies dans les fermes de visons et parmi les lions de mer et les otaries à fourrure d'Amérique du Sud.

Cependant, on pensait que les vaches laitières étaient résistantes aux infections par le virus de la grippe A, ce qui avait laissé perplexe les scientifiques. Dans leur analyse des ensembles de données génomiques (voir la section Méthodes de l'article), l'étude concluait:

1. Un événement de réassortiment au sein des virus aviaires nord-américains H5N1 2.3.4.4b s’est produit peu avant le début de l’épidémie bovine.

2. L’épidémie de grippe bovine avait probablement une origine unique, celle du réservoir aviaire H5N1.

3. L’épidémie de H5N1 chez les bovins est probablement passée inaperçue et non identifiée pendant une période prolongée et remonte maintenant à plusieurs mois.

4. L’épidémie dans le bétail pourrait avoir son origine au Texas.

5. On peut présumer que de multiples substitutions adaptatives sont apparues dans la clade [souche] H5N1 des bovins…

6. L’hémagglutinine (HA) du virus H5N1 bovin d’origine, une protéine qui doit se lier aux résidus d’acide sialique de la surface de l’hôte pour que le virus puisse pénétrer dans l’organisme, n’était pas adaptée à un récepteur de type humain. [Voir explication ci-dessous]

7. Le virus H5N1 se transmet du bétail aux oiseaux sauvages, à la volaille, aux chats et à d’autres espèces.

8. Un virus étroitement lié à ceux prélevés sur les bovins, mais distinct de ceux-ci, a été prélevé sur un individu qui a été ouvrier d’une ferme laitière.

9. Les signatures mutationnelles soutiennent une transmission soutenue chez les bovins.

Dans leurs remarques finales, les scientifiques ont averti qu’il était impératif d’établir une «stratégie globale de surveillance génomique et sérologique» pour cette épidémie et les épidémies futures. Cela comprendrait la transparence et le partage rapide des données. «De telles données intégrées», ont-ils ajouté, «aideraient la communauté scientifique et de santé animale/publique à mieux comprendre la dynamique de ces virus parmi les hôtes, et dans le temps et l’espace, et pourraient ainsi conduire à des interventions opportunes pour atténuer sa propagation, non seulement parmi les bovins et les exploitations d’élevage, mais aussi plus largement.»

Comment le virus H5N1 se concentre dans le lait

Une autre étude importante, une étude microbiologique des tissus bovins, publiée sous forme de prépublication, a tenté de comprendre pourquoi le lait d’une vache infectée contenait des concentrations aussi élevées de virus. En étudiant l’anatomie de la vache, des chercheurs danois ont fait une découverte étonnante: les glandes mammaires des vaches laitières possédaient des récepteurs de surface d’acide sialique comme ceux des humains et des canards.

Le virus de la grippe A (IAV) est un virus à ARN. La surface de la particule virale est composée de deux protéines. L’acide sialique permet au virus de se lier à l’acide sialique et de pénétrer dans la cellule. Les acides sialiques sont largement répandus dans les tissus animaux et font partie des glycoprotéines. Ce sont souvent des protéines membranaires importantes qui régulent les fonctions des cellules. Le type de récepteur d’acide sialique d’un virus détermine le tissu que le virus peut infecter. Lorsque différents animaux ont des récepteurs de surface similaires auxquels un virus peut s’accrocher, cela signifie qu’il est capable de pénétrer dans plusieurs espèces différentes.

Comme le décrivent les auteurs d’une étude de 2021 publiée dans la revue Viruses, «il manque encore une compréhension approfondie des mécanismes d’émergence virale et de propagation zoonotique. Les récepteurs sont des déterminants majeurs de la sensibilité de l’hôte aux virus. Les espèces animales partageant des récepteurs de cellules hôtes qui favorisent la liaison de plusieurs virus peuvent jouer un rôle clé dans la propagation du virus et l’émergence de nouveaux virus et de leurs variants. Les acides sialiques (AS), qui sont liés aux glycoprotéines et aux gangliosides, servent de récepteurs à plusieurs virus humains et animaux. En particulier, la grippe et les coronavirus, qui représentent deux des menaces zoonotiques les plus importantes, utilisent les AS comme récepteurs d’entrée cellulaire.»

En ce qui concerne les vaches laitières infectées, l’infection se situe dans les alvéoles de la partie supérieure des glandes mammaires situées au-dessus du pis. De grandes concentrations de matériel viral sont alors libérées dans le lait cru produit par les vaches infectées. Ces récepteurs spécifiques à l’homme et au canard n’ont pas été trouvés dans le cerveau des vaches et se trouvaient uniquement dans les voies respiratoires profondes. L’étude ne permet pas de déterminer comment l’infection est arrivée aux glandes mammaires et comment se déroule la transmission durable entre les animaux.

Ils écrivent:

Les voies de transmission et la pathogénèse du virus H5N1 chez les vaches restent obscures. On ne sait pas non plus si le virus pénètre dans la glande mammaire par infection ascendante ou par voie systémique via l’apport sanguin. Il est intéressant de noter que ni les récepteurs humains, ni ceux des poulets, ni ceux des canards ne sont exprimés dans les canaux de la glande mammaire, ce qui rend plus difficile une infection ascendante de la glande mammaire. On ne sait pas exactement dans quelle mesure les vaches infectées par le virus HPAIV développent une virémie. Cependant, même un très faible degré de virémie peut suffire à faire pénétrer le virus dans la glande mammaire et à établir une infection, car le débit sanguin pendant la période de lactation est d’environ 400 litres par heure.

Les conclusions les plus inquiétantes qu’ils ont tirées sont peut-être les suivantes:

La coexpression des récepteurs humains et aviaires dans les glandes mammaires indique une sensibilité aux virus d'origine porcine/humaine et aviaire. Cela est inquiétant d'un point de vue zoonotique, car les bovins peuvent servir de récipient de mélange pour de nouveaux virus de la grippe A (IAV) au potentiel zoonotique accru. Des recherches supplémentaires sont absolument nécessaires pour mieux comprendre la pathogénèse et l'épidémiologie des infections par IAV des bovins et d'autres ruminants afin de déterminer si ces espèces peuvent servir de récipient de mélange pour de nouveaux IAV.

L’implication ici est que si la maladie devient endémique chez ces animaux, leur proximité avec les travailleurs agricoles qui ne suivent pas systématiquement les pratiques de contrôle des infections et n’utilisent pas d’équipement de protection individuelle présente un risque considérable pour le développement évolutif du virus vers de nouvelles formes qui pourraient infecter directement les humains ou même développer la capacité de transmission interhumaine par voie aérienne, comme l’a fait le virus SARS-CoV-2.

Cela représenterait une menace existentielle réelle à laquelle aucun gouvernement dans sa forme actuelle n’est prêt à répondre. L’urgence d’agir que prônent les scientifiques sérieux et les sombres conclusions auxquelles ils parviennent exigent une réponse immédiate pour éviter le risque d’une nouvelle catastrophe mondiale.

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