Résolution du Congrès 2024 du SGP

La lutte contre la guerre et les tâches du Sozialistische Gleichheitspartei

Le Sozialistische Gleichheitspartei (SGP – Parti de l’égalité socialiste), section allemande du Comité international de la Quatrième Internationale, a tenu son congrès du 12 au 15 avril. Nous publions ici la résolution adoptée à l’unanimité par les délégués. Elle a défini la ligne politique et les tâches du SGP pour la campagne électorale européenne et pour cette nouvelle période de guerre et de révolution qui s’intensifie.

Le nouveau comité exécutif du parti a élu Christoph Vandreier président et Dietmar Gaisenkersting vice-président du SGP. Le comité exécutif du parti a confirmé la nomination de Johannes Stern au poste de rédacteur en chef de l'édition allemande du World Socialist Web Site.

Le congrès du parti a été un événement international fort avec la participation de délégations importantes du Royaume-Uni, de France et de Turquie, et des salutations de la part de représentants importants du CI du Sri Lanka, d’Australie et des États-Unis. Des salutations importantes ont également été adressées par la Jeune Garde des Bolcheviks-Léninistes, qui compte des membres en Russie, en Ukraine et dans d'autres pays de l'ex-Union soviétique.

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1. Le capitalisme mondial traverse la crise la plus profonde de son histoire. La classe dirigeante ne connaît qu’une seule réponse à cette situation: la guerre, la guerre de classe et la dictature. Quatre-vingts ans après la guerre d’anéantissement menée contre l’Union soviétique, les chars allemands sont à nouveau lancés contre la Russie. À Gaza, l’impérialisme allemand revient aux méthodes du génocide.

2. Mais les contradictions mêmes qui conduisent à la guerre mondiale créent aussi la base pour vaincre le capitalisme. La lutte révolutionnaire de la classe ouvrière se développe comme un mouvement mondial interdépendant. Le Comité international de la Quatrième Internationale et le Parti de l’égalité socialiste se construisent comme la direction politique consciente de ce processus objectif. Ils opposent à la politique capitaliste de guerre impérialiste, au démantèlement des droits sociaux et démocratiques de la classe ouvrière et à la dictature la stratégie à base de classe de la révolution socialiste mondiale. L’ensemble du travail du Sozialistische Gleichheitspartei est subordonné à cette tâche stratégique générale. Toutes ses initiatives politiques, tactiques et pratiques en découlent.

3. Nous opposons au nationalisme de la pseudo-gauche, de tous les partis bourgeois social-démocratie comprise, des syndicats et des fascistes, l’unité internationale des travailleurs. Le SGP soutient la campagne électorale du Socialist Equality Party [SEP – Parti de l’égalité socialiste] aux États-Unis et considère ses propres initiatives comme faisant partie de cette offensive internationale en faveur du trotskysme. Le SEP est le seul parti qui mobilise l’énorme potentiel révolutionnaire de la classe ouvrière américaine contre la puissance impérialiste la plus puissante et la plus brutale du monde et qui lutte à la fois contre le fasciste Donald Trump et le belliciste ‘Genocide Joe’ Biden. La campagne présidentielle du SEP a une portée mondiale.

4. Le SGP place la lutte contre la guerre et la dévastation sociale au centre de sa campagne électorale européenne et, avec ses organisations sœurs, se bat pour l’unité de la classe ouvrière européenne dans la lutte pour le socialisme. L’Union européenne a toujours été une conspiration des trusts et des banques les plus puissants contre la classe ouvrière. Aujourd’hui, elle devient le point focal du militarisme, de l’accroissement des pouvoirs étatiques et du chauvinisme. La guerre de l’OTAN contre la Russie et les conflits croissants avec les États-Unis ne soudent pas les puissances impérialistes d’Europe, mais intensifient les antagonismes historiques entre elles.

5. Nous sommes des adversaires irréconciliables de l’Union européenne et nous nous opposons à la politique guerrière de la classe dirigeante avec la perspective des États socialistes unis d’Europe. Les travailleurs ukrainiens, russes, allemands et tous les autres travailleurs européens doivent s’unir au-delà de toutes les frontières ethniques, religieuses et nationales dans une lutte commune contre la guerre impérialiste et sa cause profonde, le capitalisme. Cela nécessite la création de sections du Comité international de la Quatrième Internationale dans toute l’Europe.

6. Notre but est de combler le fossé entre la gravité de la situation objective et la conscience des travailleurs. Toute l’expérience historique prouve que dans une situation révolutionnaire, la question de la direction est décisive. La révolution se développe comme un processus objectif; elle est la conséquence de l’incompatibilité des intérêts vitaux de vastes masses avec les rapports de propriété capitalistes et les rapports de pouvoir fondés sur eux. Mais la conscience socialiste ne se développe pas spontanément. Elle exige la construction d’un parti basé sur les enseignements théoriques du marxisme et sur l’expérience historique de plus d’un siècle de lutte de l’Opposition de gauche, de la Quatrième Internationale et du Comité international pour la perspective de la révolution socialiste mondiale.

7. Les tâches les plus importantes du SGP sont l’extension systématique et la formation des cadres, l’intervention dans la lutte des classes dans le but de renforcer l’indépendance politique de la classe ouvrière et sa conscience politique, et la construction de l’Internationale des Jeunes et Étudiants pour l’égalité sociale (IYSSE) en tant que mouvement de jeunesse trotskyste.

8. Le World Socialist Web Site est au centre de ce travail. Il analyse chaque jour les événements mondiaux du point de vue indépendant de la classe ouvrière internationale et fournit une direction à ses luttes. La polémique constante contre la pseudo-gauche et le développement de la perspective marxiste au plus haut niveau revêtent une importance particulière. Cela exige une lutte constante contre toutes les formes d'idéologie bourgeoise.

La lutte contre la guerre et le retour du militarisme allemand

9. Le militarisme et la guerre dominent de plus en plus tous les domaines de la vie économique et politique. Le capitalisme est dans une impasse dont la classe dirigeante ne connaît pas d’autre issue que par diverses formes de meurtre social. «La guerre nucléaire est ‘normalisée’; le génocide est ‘normalisé’; les pandémies et l’élimination délibérée des infirmes et des personnes âgées sont ‘normalisées’; l’incroyable degré de concentration des richesses et les stupéfiantes inégalités sociales sont ‘normalisés’; la suppression de la démocratie et le recours à l’autoritarisme et au fascisme sont ‘normalisés’», déclare la perspective du Nouvel An du WSWS.

10. La faillite du capitalisme trouve sa manifestation la plus aiguë dans la menace croissante d’une destruction nucléaire de la planète. Les États-Unis tentent depuis plus de trente ans de stopper leur déclin économique et d’asseoir leur hégémonie mondiale à travers des guerres brutales. Les débâcles vécues en Irak, en Afghanistan et en Syrie poussent Washington à une brutalité toujours plus grande. L’OTAN a provoqué l’invasion russe de l’Ukraine et intensifie la guerre de plus en plus. Elle accepte par là une confrontation nucléaire et envisage même le déploiement de troupes terrestres et d’armes nucléaires de l’OTAN.

11. La guerre en Ukraine s’inscrit dans la lutte globale des puissances impérialistes pour le partage du monde. Elles considèrent la Chine comme leur principal adversaire, qu’elles veulent éliminer et soumettre en tant que concurrent. Le génocide des Palestiniens de Gaza aux mains d’Israël, soutenu par les États-Unis et l’Allemagne en prévision d’une guerre totale dans toute la région, en particulier contre l’Iran, montre avec quelle cruauté et quelle brutalité elles agissent.

12. Il ne s’agit pas d’un épisode passager résultant de la politique erronée de tel ou tel homme politique. Les racines du développement de la guerre se trouvent dans la crise profonde du système capitaliste. Après des décennies d’une orgie d’enrichissement sur les marchés boursiers, d’appauvrissement de larges couches de la population et de conflits économiques croissants, le capitalisme replonge dans la barbarie.

13. Dans ces conditions, le militarisme allemand est lui aussi réapparu sur la scène internationale avec toute son agressivité. Lorsque Trotsky analysait les forces objectives qui avaient conduit à l’ascension d’Hitler en 1932, il décrivait l’Allemagne comme «le système capitaliste le plus avancé dans les conditions de l’impasse européenne». «Plus grande est la dynamique interne des forces productives de l’Allemagne, écrit-il, plus elles se trouvent étranglées par le système étatique européen, qui ressemble au système de cages étriqué d’une ménagerie de province.»

14. La tentative d’Hitler de détruire ce système de cages par des moyens militaires et de soumettre toute l’Europe à l’Allemagne a laissé le continent en ruines et, avec l’Holocauste et la guerre d’annihilation contre l’Union soviétique, a conduit aux pires crimes de l’histoire de l’humanité. La défaite militaire totale de l’Allemagne n’a cependant résolu aucun des problèmes qui ont conduit à l’explosion du militarisme allemand et à la guerre mondiale.

15. Pendant la guerre froide, l’impérialisme allemand a été contraint d’accepter l’hégémonie américaine. Il est devenu la première puissance économique d’Europe et s’est concentré sur le commerce international dans le sillage des États-Unis. L’Ostpolitik de Willy Brandt a ouvert la voie à l’industrie allemande vers l’Est et lui a fourni des matières premières bon marché.

16. La réunification allemande de 1991, à laquelle s’opposèrent initialement la Grande-Bretagne et la France, fit resurgir les vieux antagonismes impérialistes en Europe et avec les États-Unis. Ces derniers furent d’abord masqués par les nouvelles possibilités d’expansion offertes par la restauration du capitalisme en Europe de l’Est, en Union soviétique et en Chine. L’Allemagne s’étendit vers l’Est et développa ses relations économiques avec la Chine. Les pays de l’ancien bloc oriental furent intégrés à l’OTAN et à l’UE, offrant de nouveaux marchés et une main-d’œuvre bon marché.

17. Mais avec l’élection de George W. Bush à la présidence des États-Unis et les guerres qui ont suivi au Moyen-Orient, les antagonismes sont revenus au premier plan. L’Allemagne a d’abord cherché à maintenir ses relations commerciales étroites avec la Russie, mais Washington a systématiquement contrarié ses efforts. Ces relations ont été presque complètement interrompues par la destruction des gazoducs Nord Stream. N’étant pas encore en mesure de tenir tête aux Etats-Unis, la classe dirigeante allemande a basculé en faveur de la guerre menée par les États-Unis contre la Russie.

18. La classe dirigeante a réagi à l’affaiblissement de l’économie allemande en redoublant d’agressivité pour défendre ses objectifs stratégiques à long terme. Rétrospectivement, elle a conclu qu’Hitler avait commis une erreur en décembre 1941 lorsqu’il avait déclaré la guerre aux États-Unis tout en menant une guerre d’anéantissement contre l’Union soviétique. Cette fois, elle a jugé plus efficace – du moins pour le moment – d’agir en alliance avec les États-Unis contre la Russie afin de s’assurer une part des énormes réserves de matières premières.

19. Début 2013, les principaux représentants de l’État et du gouvernement ont annoncé la «fin de la retenue militaire». Ils avaient décidé de recourir à nouveau à la force militaire pour sécuriser l’approvisionnement en matières premières et les débouchés de l’industrie allemande. Depuis lors, cette politique a été mise en œuvre de manière agressive. En février 2014, Berlin a joué un rôle central dans le coup d’État pro-occidental en Ukraine. Les accords de Minsk qui ont suivi ont servi à gagner du temps pour armer l’armée ukrainienne et se préparer à la guerre qui a été provoquée en février 2022. L’Allemagne est désormais le deuxième fournisseur d’armes de l’Ukraine.

20. La classe dirigeante allemande renoue ainsi directement avec sa vieille politique de guerre mondiale. Pendant la Première Guerre mondiale déjà, l’un des objectifs de la guerre avait été de créer un État ukrainien vassal dominé par Berlin. Hitler a continué cette politique pendant la Seconde Guerre mondiale: la soumission de l’Ukraine fut un élément central de la guerre d’anéantissement contre l’Union soviétique. Aujourd’hui, les chars allemands sont à nouveau lancés contre la Russie et la Bundeswehr (l’armée allemande) travaille main dans la main avec les héritiers des collaborateurs nazis ukrainiens pour imposer les intérêts prédateurs de l’impérialisme allemand.

21. La guerre en Ukraine est aussi une bataille pour les matières premières. Le pays possède «d’importants gisements de fer, de titane et de lithium, dont certains sont désormais contrôlés par la Russie», selon un document stratégique de l’agence gouvernementale pour le commerce extérieur Germany Trade and Invest (GTAI). Sous couvert de «reconstruction», les grandes entreprises allemandes tentent de prendre le contrôle de l’Ukraine. Les mêmes projets existent pour une Russie «après Poutine».

22. La réalisation de ces objectifs impérialistes insensés nécessite de recourir aux anciennes méthodes barbares. À Gaza, la classe dirigeante allemande revient ouvertement aux méthodes du génocide et de la guerre d’extermination. Elle soutient sans réserve les bombardements d’hommes, de femmes et d’enfants et la mort par la famine de toute la population civile aux mains du régime d’extrême droite de Netanyahou. Il ne s’agit pas de «protéger la vie des Juifs», qui serait mise en danger par une guerre totale dans la région, mais des intérêts impérialistes de l’Allemagne. Pour s’assurer des matières premières, des marchés et des avantages géostratégiques, la classe dirigeante est une fois de plus prête à commettre n’importe quel crime.

23. Les discussions sur un armement nucléaire de l’Allemagne et l’escalade constante de la guerre contre la puissance nucléaire qu’est la Russie le montrent de façon extrêmement claire. Si, il y a 80 ans, l’impérialisme allemand a détruit l’Europe, ses calculs aujourd’hui incluent l’annihilation nucléaire de toute la planète.

24. L’un des objectifs principaux de la classe dirigeante allemande est de devenir le «maître de discipline» de l’Europe et de dominer à nouveau le continent. L’Union européenne, qui a toujours été une conspiration des trusts et banques les plus puissants contre la classe ouvrière, lui est en cela un instrument important. Elle devient le point focal du militarisme, de l’accroissement des pouvoirs de l’État et du chauvinisme. Mais loin de permettre que l’Allemagne impose sa domination de manière pacifique, les antagonismes en Europe s’exacerbent aussi face aux conflits croissants avec les États-Unis.

25. Le retour du militarisme allemand va de pair avec la guerre de classe contre la propre classe ouvrière. La «nouvelle ère» du chancelier Scholz et le plan du ministre de la Défense Pistorius pour rendre l’Allemagne «bonne à la guerre» signifient à nouveau la militarisation de l’ensemble de la société. On veut réintroduire le service militaire obligatoire, les cours de guerre dans les écoles et les universités et instaurer une Journée des anciens combattants qui rappelle les commémorations de héros des nazis.

26. Pour financer le réarmement, les salaires réels sont décimés et les budgets de la Santé, du Logement et de l’Éducation sont sabrés. Pour cette seule année, les dépenses liées à la guerre en Ukraine s’élèveront à 7,4 milliards d’euros, tandis que le budget de la Guerre s’élèvera à 85,5 milliards d’euros. L’objectif de porter les dépenses de guerre à 4 pour cent du PIB, un chiffre que même l’Allemagne nazie n’avait atteint qu’après deux années de réarmement intensif en 1935, est envisagé depuis longtemps.

27. Dans le même temps, l’orgie d’enrichissement au sommet de la société se poursuit sans relâche. Les aides financières se comptant en milliards d’euros versées aux trusts et aux riches ont augmenté la richesse totale des cinq Allemands les plus riches d’environ trois quarts depuis 2020 ; elle est passée de 89 à 155 milliards de dollars, en tenant compte de l’inflation. Dans le même temps, plus de 14 millions de personnes en Allemagne vivent dans la pauvreté, selon le rapport sur la pauvreté de l’organisation caritative Paritätischer Wohlfahrtsverband.

28. Alors que les cours des actions sont en hausse constante – l’indice DAX des principales valeurs allemandes a dépassé les 18.500 points fin mars pour la première fois, soit cinq fois plus qu’il y a vingt ans – un massacre des emplois est en cours. Des centaines de milliers d’emplois, dont certains hautement qualifiés, sont détruits en raison d’une crise économique exacerbée par la politique pro-guerre. La dévastation se concentre dans les secteurs de l’automobile et des sous-traitants, où jusqu’à 400.000 emplois sont menacés. Mais sont également touchés, les industries chimique, sidérurgique, de la construction, de l’électroménager et des logiciels, le commerce de détail, la santé et le transport ferroviaire de marchandises.

29. Avec sa politique de taux d’intérêt élevés en pleine stagnation économique, la Banque centrale européenne fait délibérément grimper le chômage. Une armée de chômeurs doit servir de levier pour réduire les salaires et démanteler les droits restants des travailleurs. De cette façon doivent être extraits de la classe ouvrière les milliers de milliards de capitaux fictifs accumulés par la spéculation en bourse et sur les marchés immobiliers.

30. Un enjeu important dans cette guerre contre les travailleurs est le contrôle de l’automatisation et l’utilisation des technologies modernes comme l’IA (intelligence artificielle). La modernisation de la production ne peut servir le progrès social que si les travailleurs en arrachent le contrôle à l’oligarchie capitaliste et s’en emparent eux-mêmes.

La Pandémie de coronavirus démontre particulièrement clairement la cruauté de la classe dirigeante envers la classe ouvrière. Pour maintenir les profits, les travailleurs ont été et sont encore exposés à un virus mortel qui tue des milliers de personnes et en affecte gravement des millions d’autres en Allemagne. Selon les chiffres officiels, près de 200.000 personnes ont été victimes de cette politique jusqu’à présent dans le pays. Ce chiffre fut de près de 20.000 l’an dernier, où la pandémie était censée prendre fin. La pandémie a fait baisser l’espérance de vie en Allemagne pour la première fois depuis plus de 50 ans. La classe ouvrière en particulier en pâtit. Alors que l’espérance de vie des hommes dans les tranches de revenus les plus élevées a atteint 80 ans en 2019, elle n’était que de 71 ans dans les tranches de revenus les plus basses. Cette tendance s’est aggravée depuis.

32. Le changement climatique, dont les effets menacent de vastes régions du globe, constitue une menace existentielle pour l’avenir de l’humanité. Ces dernières années et ces derniers mois, de nouveaux records de température et des phénomènes météorologiques de plus en plus extrêmes ont été enregistrés. Des études montrent également que la déstabilisation des écosystèmes due au changement climatique et à l’urbanisation non planifiée accroît la probabilité de sauts d’espèce et de futures pandémies.

33. La politique de guerre et de dévastation sociale est poursuivie par tous les partis représentés au parlement. Lorsque le Bundestag a soutenu le génocide à Gaza, tous les députés sans exception ont voté pour, du parti d’extrême droite Alternative pour l’Allemagne (AfD) au Parti de gauche (Die Linke), en passant par la scission de celui-ci, le BSW de Sarah Wagenknecht. Tous les partis de l’establishment subordonnent également la politique sanitaire et climatique à la course meurtrière aux profits des banques et des grands trusts.

34. Le front uni de tous ces partis montre que la folie de la guerre, le déclin social et la menace de destruction de la planète ne peuvent être stoppés par la pression exercée sur le gouvernement ou par l’espoir qu’un parti bourgeois change de cap. Comme la lutte contre la guerre, la lutte contre la pandémie et le changement climatique nécessite la construction d’un mouvement socialiste international de la classe ouvrière.

35. Même le remplacement de l’hégémonie américaine par un ordre mondial «multipolaire» ne peut empêcher une guerre mondiale. Au contraire, les efforts faits pour créer un tel ordre mondial multipolaire est l’une des formes à travers lesquelles s’intensifient les tensions entre puissances impérialistes. La lutte contre la guerre impérialiste ne peut être gagnée en restructurant le système des États-nations, mais seulement en le détruisant.

36. La lutte contre la guerre exige donc aussi une résistance irréconciliable à la politique réactionnaire, nationaliste et capitaliste du régime de Poutine, qui représente les intérêts d’une aile de l’oligarchie russe issue de la dissolution de l’Union soviétique et de la restauration du capitalisme par la bureaucratie stalinienne. Elle réagit à la politique de guerre croissante de l’OTAN par un mélange réactionnaire de complaisance servile et de menaces de guerre nucléaire.

37. Comme le soulignait Rosa Luxembourg à la veille de la Première Guerre mondiale, la classe ouvrière doit «tirer la conclusion que l’impérialisme, la guerre, le vol de territoires, le pillage des nations, la violation des droits et la politique de la violence ne peuvent être combattus qu’en combattant le capitalisme, en opposant au génocide politique mondial la révolution sociale».

38. Dès 2014, le Comité international a décidé, lors de son plénum de juin, de placer «la lutte contre la guerre au centre de son travail politique» et de faire du CIQI «le centre international de l’opposition révolutionnaire à la résurgence de la violence impérialiste et du militarisme». Depuis, les efforts de guerre de la classe dirigeante ont progressé de plus en plus, et le SGP et le CIQI ont développé la lutte contre le militarisme et la guerre sur le plan politique, théorique et pratique.

39. La base de cela est constituée par les perspectives historiques du Comité international, qui s’appuient sur la vaste expérience de la lutte révolutionnaire à l’époque impérialiste. «Le CIQI représente à lui seul la continuité du marxisme tel qu’il a été défendu et développé par le mouvement trotskyste depuis sa fondation en 1923, contre le stalinisme, la social-démocratie, le révisionnisme pabliste, le nationalisme bourgeois et le radicalisme petit-bourgeois dans toutes ses variantes réactionnaires», explique la perspective publiée au Nouvel An.

40. Cette continuité historique du marxisme constitue la base pour élever la conscience de classe de la classe ouvrière et lui permettre d'adapter sa pratique aux nécessités résultant de la crise objective du capitalisme mondial. Le développement révolutionnaire de la classe ouvrière n'est pas un processus automatique, il exige la construction et la formation d’un cadre et l'intervention du parti dans les luttes de la classe ouvrière et de la jeunesse.

Le virage à droite du SPD, des Verts, du Parti de gauche et de la pseudo-gauche

41. La révolution est une polémique qui a pris les armes, expliquait Trotsky. Le développement du marxisme et le tournant vers la classe ouvrière se déroulent dans une polémique constante contre la politique et l’idéologie bourgeoise et petite-bourgeoise – surtout contre les positions des partis bourgeois nominalement de gauche et de leurs appendices pseudo-de gauche. Ceux-ci peuvent bien, pour des raisons historiques, se donner le nom de sociaux-démocrates, de verts, de gauche ou même de socialistes, mais au fond, ce sont des forces bourgeoises de droite qui représentent les intérêts de l’État et des couches aisées de la classe moyenne supérieure. Ils sont à l’avant-garde de l’offensive militariste et du tournant de la classe dirigeante vers le fascisme et la dictature.

42. C’est là l’aboutissement d’un processus prolongé. La mondialisation de la production qui a débuté dans les années 1980 a non seulement privé de son fondement le programme du «socialisme dans un seul pays» de la bureaucratie stalinienne, qui a réagi en restaurant le capitalisme, mais encore le programme national réformiste de la social-démocratie et des syndicats. Ces derniers se transformèrent d’organisations ouvrières bourgeoises qui assuraient une équité sociale limitée dans le cadre du capitalisme en adversaires acharnés de la classe ouvrière.

43. En tant que parti du chancelier, le Parti social-démocrate (SPD) joue un rôle central dans la mise en œuvre du programme militariste et anti-ouvrier du gouvernement de coalition qu’il dirige avec les Libéraux-démocrates (FDP) et les Verts. Il n’a plus rien à voir avec ses origines marxistes et n’est plus un parti ouvrier bourgeois, mais un parti d’État droitier qui défend sans réserve les intérêts du capital allemand, de l’armée et de l’appareil répressif de l’État contre la classe ouvrière. Les deux années d’Olaf Scholz à la chancellerie ont été entièrement marquées par l’offensive guerrière de l’OTAN contre la Russie et l’attaque massive des droits sociaux et démocratiques qu’elle a entraînée. En matière de politique des réfugiés, le SPD et les autres partis au pouvoir mettent en œuvre le programme anti-réfugiés de l’AfD. Le chancelier Scholz est favorable à l’expulsion «à grande échelle» des réfugiés et des immigrés.

44. Les Verts, parti de la classe moyenne supérieure aisée des villes, sont aujourd’hui les bellicistes les plus agressifs. Cela révèle la faillite du pacifisme, qui sépare la lutte contre la guerre de la lutte pour le socialisme et répand l’illusion qu’il peut y avoir un capitalisme pacifique. Les Verts ont été pacifistes tant que cette politique a servi les intérêts du patronat allemand. Avec la crise capitaliste, ils ont basculé complètement dans le camp du militarisme. Depuis qu’il y a vingt ans le ministre des Affaires étrangères vert de l’époque, Joschka Fischer, a organisé la première mission de combat allemande depuis la Seconde Guerre mondiale au Kosovo, ils soutiennent avec enthousiasme chaque déploiement de la Bundeswehr à l’étranger. Ils sont maintenant à la pointe de l’offensive militaire contre la Russie et exigent – selon les termes du ministre de l’Economie Habeck – que l’Allemagne se prépare à une «guerre terrestre», c’est-à-dire à une guerre totale contre cette puissance nucléaire.

45. Le Parti de gauche soutient pleinement la politique de guerre et les attaques qui en découlent contre les droits sociaux et démocratiques. Il soutient l’offensive de guerre de l’OTAN contre la Russie en Ukraine et le génocide israélien contre les Palestiniens, et partout où il a des fonctions gouvernementales il met en œuvre une politique de casse sociale, du renforcement des pouvoirs d’État policier et d’attaque des réfugiés et des immigrés. Il en va de même pour la politique officielle de laisser sévir le virus dans la pandémie de coronavirus.

46. De son côté, l’Alliance Sahra Wagenknecht (BSW), issue d’une scission du Parti de gauche, prône une politique extrêmement nationaliste et xénophobe. Wagenknecht s’est déclarée prête à former un gouvernement avec l’Union chrétienne-démocrate (CDU) et à collaborer avec l’AfD. Bien que le BSW critique la guerre contre la Russie, qu’il considère comme une guerre américaine, il soutient le réarmement de la Bundeswehr dans l’intérêt de l’impérialisme allemand.

47. Le caractère anti-ouvrier du Parti de gauche et du BSW a ses racines dans leur orientation sociale et politique ainsi que dans leur histoire. Le Parti de gauche a toujours été une force bourgeoise qui articulait les intérêts de l’État capitaliste et des sections aisées de la classe moyenne qui en dépendaient. L’organisation qui l’a précédé, le SED, n’a pas représenté pendant 40 ans le socialisme dans l’ex-Allemagne de l’Est, comme il le prétendait, mais bien plutôt la bureaucratie stalinienne au pouvoir. Pour défendre ses privilèges, il a opprimé la classe ouvrière est-allemande. Le SED et son successeur immédiat, le PDS, ont joué un rôle central dans le démantèlement des rapports de propriété nationalisées et les attaques sociales qui en ont résulté en Allemagne de l’Est. L’affirmation que le stalinisme équivalait au socialisme, le mensonge central du XXe siècle, a désorienté la classe ouvrière, l’a aliénée du marxisme et l’a désarmée contre les attaques des capitalistes, créant ainsi les conditions de la résurgence du militarisme et du fascisme.

48. Les groupes pseudo-de gauche comme Marx21 (ex-section allemande de la Tendance socialiste internationale), le SAV (ex-section allemande du Comité pour une Internationale ouvrière), RIO et leurs diverses ramifications dissidentes, qui sont actives au sein et autour du Parti de gauche, jouent un rôle particulièrement réactionnaire. Ils soutiennent essentiellement la politique de l’organisation-mère et en fournissent même le personnel dirigeant, comme la coprésidente Janine Wissler, membre de longue date de Marx21. Leur phraséologie pseudo-trotskyste sert avant tout à couvrir la politique de droite de la classe dirigeante et à réprimer un mouvement socialiste indépendant de la classe ouvrière contre le capitalisme, le fascisme et la guerre.

La lutte contre le fascisme

49. A la lumière des expériences de la guerre mondiale et de l’Holocauste, l’opposition à la guerre et à la dévastation sociale est énorme et profondément ancrée dans la conscience des travailleurs allemands. Le gouvernement de coalition est le plus détesté de l’histoire de la République fédérale d’Allemagne. Le parti du chancelier, le SPD, obtient moins de 15 % des voix dans les sondages et le FDP menace d’échouer au seuil de 5 % requis pour entrer au parlement.

50. La classe dirigeante ne réagit pas en faisant des concessions à l’opinion publique, mais en intensifiant sa propagande de guerre assourdissante et en adoptant des mesures dictatoriales. Partout en Europe et dans le monde, les partis d’extrême droite se développent et les gouvernements recourent à des méthodes de répression politique de plus en plus brutales. À cet égard, les gouvernements d’extrême droite, comme ceux de Meloni en Italie ou de Milei en Argentine, ne diffèrent pas sensiblement des gouvernements «démocratiques» d’un Joe Biden ou d’un Olaf Scholz: ils prennent tous des mesures brutales contre les réfugiés, s’arment pour des guerres majeures et répriment la liberté d’expression.

51. La terreur contre les réfugiés et l’escalade de la guerre sont directement liées. Plus la classe dirigeante intensifie la guerre et les coupes sociales, plus elle s’appuie sur la dictature et le fascisme pour réprimer la montée de l’opposition sociale et politique. Par leur agitation contre les immigrés, les politiciens et les médias tentent de faire d’eux les boucs émissaires de la crise sociale et de renforcer l’extrême droite. Les attaques contre les réfugiés sont le fer de lance d’une attaque globale contre les droits démocratiques de tous les travailleurs.

52. En Allemagne, cette politique prend des formes particulièrement agressives. De même que tous les partis bourgeois soutiennent le génocide à Gaza, ils soutiennent également l’interdiction des manifestations, l’arrestation des juifs qui expriment des critiques et la menace d’expulsion de millions d’immigrés. Avec la nouvelle loi sur la citoyenneté, seuls ceux qui soutiennent la politique génocidaire de l’État ont droit à la citoyenneté allemande. L’appareil d’État est infesté de réseaux terroristes d’extrême droite qui sont couverts et promus aux plus hauts échelons. La bourgeoisie allemande recourt une fois de plus au fascisme et à la guerre pour réaliser ses objectifs impérialistes et réprimer toute résistance contre eux.

53. L’AfD fasciste a été créée à dessein dans ce but précis. Elle n’est pas un corps étranger dans un organisme par ailleurs sain, mais le pire symptôme d’un système malade de part en part. Tous les autres partis capitalistes l’ont courtisée, mettent en œuvre son programme et se préparent depuis longtemps à l’accueillir au gouvernement. Dans les Lands de Brandebourg, de Saxe et de Thuringe, on prévoit même que l’AfD sortira en tête des élections de l’automne, ce qui signifie que l’un de ses membres pourrait devenir ministre-président. Il n’existe pas d’opposition sérieuse aux fascistes au sein des partis bourgeois, car ils défendent tous un système social qui ne peut être maintenu que par des méthodes fascistes.

54. C’est l’une des leçons essentielles de 1933, où une conspiration des représentants de l’armée, du grand capital et des médias fit d’Hitler le chancelier du Reich malgré sa défaite électorale en novembre 1932. Deux mois plus tard, tous les partis bourgeois lui accordèrent des pouvoirs dictatoriaux. Les élites étaient convaincues que seul Hitler pouvait réprimer la résistance aux inégalités croissantes et aux préparatifs de guerre. Elles considéraient la destruction du SPD, du KPD (Parti communiste) et des syndicats comme une condition préalable essentielle au renvoi des travailleurs au front après les horreurs de la Première Guerre mondiale. Elles n’ont pu y parvenir que grâce à la trahison des dirigeants du SPD et du KPD, qui ont saboté la lutte contre Hitler.

55. Aujourd’hui, il n’existe pas de partis ouvriers de masse, pas plus que les fascistes ne disposent d’un mouvement de masse de vétérans de la Seconde Guerre mondiale et de petits bourgeois marginaux. Le fait que des partis d’extrême droite comme l’AfD, les Républicains de Trump ou le Rassemblement national de Le Pen puissent remporter de forts pourcentages de voix et se présenter comme des forces anti-establishment est avant tout le résultat de la faillite complète de la prétendue «gauche». De Syriza en Grèce à Bernie Sanders aux États-Unis en passant par le Parti de gauche en Allemagne, les partis de la pseudo-gauche se sont révélés être des organisations de droite qui soutiennent ouvertement la dévastation sociale et la politique de guerre, bloquent et répriment toute opposition de gauche dans la classe ouvrière.

56. La lutte contre le fascisme et contre l’évolution droitière permanente de la politique officielle, qui gangrène tous les partis capitalistes comme un cancer, est donc directement liée à la construction d’une alternative socialiste indépendante, c’est-à-dire du SGP et du CIQI. Un mouvement indépendant de la classe ouvrière avec une direction socialiste consciente est la seule façon de stopper le danger fasciste et le virage de toute la classe dirigeante vers l’autoritarisme et la dictature. Il existe pour cela une base objective solide, mais comme la lutte contre la guerre, la lutte contre le fascisme exige l’intervention active de notre parti.

57. La classe ouvrière se déplace vers la gauche. Cela se reflète dans le nombre croissant des grèves, dans les manifestations de masse contre le génocide à Gaza et dans les grandes manifestations contre l’AfD qui ont lieu depuis des semaines dans tout le pays. Ces manifestations s’inscrivent dans une mobilisation internationale contre la guerre et la dévastation sociale et sont donc en contradiction avec la politique de droite du gouvernement et de tous les partis au Bundestag.

58. Dans le même temps, leurs organisateurs, étroitement liés au gouvernement, font tout ce qu’ils peuvent pour réprimer ces points de vue et rallier les manifestants derrière le gouvernement sous le slogan de l’«Unité de tous les démocrates». L’opposition s’intensifiant, ils ont annulé d’autres manifestations et tentent depuis lors de démobiliser le mouvement.

59. Le SGP intervient dans ce mouvement et lutte pour le transformer en mouvement conscient de la classe ouvrière contre le gouvernement et le capitalisme, car la lutte contre le fascisme et la dictature ne peut réussir que si elle est basée sur la classe ouvrière et dirigée contre le système capitaliste et ses partis. L’article de perspective publié au Nouvel An déclare: «Prétendre que les formes démocratiques de gouvernement peuvent être défendues en dehors d’un assaut frontal contre la richesse de l’élite dirigeante et sa domination sur l’économie est le summum du charlatanisme politique et intellectuel.»

60. C’est le comble du cynisme quand la classe dirigeante allemande justifie son retour au fascisme et à la guerre en invoquant la responsabilité dans l’Holocauste. Dans un langage orwellien, elle qualifie d’«antisémites» tous ceux qui dénoncent le militarisme allemand et le génocide de Gaza, alors qu’elle-même collabore avec les antisémites et les fascistes d’Ukraine pour déclencher une nouvelle guerre contre la Russie, qui fut la cible de la guerre d’extermination des nazis il y a 80 ans.

61. L’assimilation de la critique du sionisme à l’antisémitisme est fondée sur le racisme et la mythologie. Elle ne sert pas à «protéger les Juifs» mais seulement les intérêts du régime d’extrême droite de Netanyahou et des puissances impérialistes. L’objectif de cette campagne n’est cependant pas juste de discréditer les opposants au militarisme allemand; elle fait partie des tentatives de réécrire l’histoire et de blanchir l’impérialisme allemand de ses crimes historiques.

62. Le SGP s’oppose à cette campagne mensongère ainsi qu’aux tentatives précédentes de falsification de l’histoire dans l’intérêt de l’impérialisme allemand. Nous étendons le travail de l’IYSSE à de nombreuses universités et nous nous opposons à la guerre idéologique et à l’idéologie de droite à tous les niveaux. L’IYSSE mène une lutte intense contre l’irrationalisme, la politique identitaire et d’autres formes d’idéologie bourgeoise et oriente les étudiants vers la classe ouvrière en tant que seule force révolutionnaire de la société. Elle intensifie son travail dans toutes les couches de la jeunesse ouvrière, qui se radicalise mais a besoin d’une perspective et d’une direction claires. Bien que l’IYSSE intervienne avec ses propres initiatives, elle fonctionne comme le mouvement de jeunesse trotskyste de la Quatrième Internationale sous la guidance politique de la direction du parti.

63. Le procès intenté par le SGP contre le service de renseignement intérieur allemand prend désormais une grande importance. Avec ce procès, nous avons déclaré la guerre à la conspiration d’extrême droite au sein du gouvernement et de l’État. Nous avons déclaré que l’action de l’État contre le SGP visait à «faire taire quiconque s’exprime contre cette politique de classe agressive ou même l’appelle par son nom». Cela a été plus que confirmé aujourd’hui par l’interdiction des manifestations contre la guerre, l’arrestation des opposants à la guerre et l’extension de l’État policier. La Cour suprême repousse sa décision dans notre procès depuis deux ans, mais nous ne faisons pas dépendre des tribunaux notre campagne pour défendre le SGP et les droits démocratiques, nous mobilisons bien plutôt la classe ouvrière contre le fascisme et la guerre.

L'importance de l'alliance internationale des travailleurs IWA-RFC

64. Le fascisme et la guerre ne peuvent être stoppés que par la mobilisation indépendante de la classe ouvrière contre le capitalisme et pour la transformation socialiste de la société. Un tel mouvement n’est pas un rêve irréaliste, mais trouve sa base objective dans l’intensification considérable de la lutte des classes dans le monde entier.

65. La perspective du Nouvel An constate un développement quantitatif et qualitatif de la lutte des classes.

Le développement quantitatif consiste dans la croissance incontestable du nombre de travailleurs ayant participé à des grèves et à d’autres formes de protestation contre l’exploitation, la baisse du niveau de vie, l’attaque des droits démocratiques et le militarisme. Le développement qualitatif consiste dans l’échelle mondiale des luttes de classe, la tendance du mouvement de la classe ouvrière à dépasser les frontières nationales et à acquérir un caractère international.

66. Cette situation atteint son paroxysme en Europe. Lorsque des grèves de masse ont éclaté en Allemagne, en Grande-Bretagne et surtout en France en janvier et février de l’année dernière, les sections européennes du CIQI ont déclaré qu’il ne s’agissait pas d’une «série de luttes syndicales nationales pouvant être résolues par des négociations isolées avec l’un ou l’autre gouvernement capitaliste. Il s’agit bien plutôt d’une lutte politique internationale, car les travailleurs posent des revendications similaires dans chaque pays et se heurtent à la répression policière et aux menaces juridiques de la part de gouvernements discrédités et largement méprisés.».

67. Depuis, un puissant mouvement de grève s’est développé, notamment en Allemagne. Les employés des postes, les cheminots, les fonctionnaires fédéraux, régionaux et locaux, les hôtesses de l’air, le personnel au sol de la Lufthansa et les conducteurs de train se sont tous mis en grève. Dans chacune de ces grèves, la volonté de se battre des travailleurs a été énorme. De nombreux travailleurs ont lié leur lutte contre les baisses de salaires réels à la question de la guerre. À cela s’ajoutent les manifestations de masse internationales contre le génocide de Gaza, qui ont également fait descendre des dizaines de milliers de personnes dans les rues en Allemagne malgré la répression et la propagande. Les manifestations de masse contre l’AfD font elles aussi partie de ce mouvement d’opposition croissant.

68. Mais «il reste un immense fossé entre le niveau avancé de la crise objective et la compréhension subjective de cette crise et de ses implications politiques dans la conscience de la classe ouvrière», comme le note la perspective du Nouvel An. «Ce fossé se manifeste, en premier lieu, dans la domination continue des luttes ouvrières par les bureaucraties syndicales réactionnaires pro-impérialistes et leurs alliés dans les organisations sociales-démocrates, ex-staliniennes et diverses formes d’organisations petites-bourgeoises pseudo-de gauche.»

69. Les syndicats font tout ce qu'ils peuvent pour isoler et étrangler les grèves, recourant de plus en plus ouvertement à la fraude et à la répression. Ils répriment surtout toute opposition sérieuse au gouvernement et à sa politique guerrière. Face à la crise capitaliste et à la mondialisation de la production, les syndicats ont dégénéré pour devenir des co-gestionnaires et agissent comme une police d'entreprise. Et ils jouent un rôle central dans la militarisation de la société et le développement d'une économie de guerre. C'est un phénomène international, mais il y a peu de pays où le corporatisme est aussi sophistiqué et légalement enraciné qu'en Allemagne.

70. Les conséquences sociales sont dévastatrices. Les salaires réels moyens n’ont pas augmenté depuis la réunification allemande il y a 35 ans. Un vaste secteur à bas salaires s’est développé. Selon les derniers chiffres du Rapport sur la pauvreté établi par la Fédération caritative Paritätischer Gesamtverband, 16,8 pour cent de la population et 21,8 pour cent des enfants vivent dans la pauvreté dans l’un des pays les plus riches du monde. Deux tiers des adultes pauvres travaillent ou sont retraités.

71. «Les lois de l’histoire sont plus fortes que les appareils bureaucratiques», peut-on lire dans le programme fondateur de la Quatrième Internationale. C’est toujours vrai aujourd’hui. Les syndicats perdent rapidement des membres. De près de 12 millions après la réunification allemande, le nombre total de syndiqués du DGB (Fédération syndicale allemande) est tombé à 5,7 millions, soit moins qu’en 1951 en Allemagne de l’Ouest. Le taux d’organisation syndicale est de 17 pour cent, soit la moitié de celui de 1980. Ce n’est que dans les entreprises de l’acier et de l’automobile, où il est impossible d’obtenir un emploi sans bénédiction du syndicat, que le taux d’organisation dépasse encore 90 pour cent. Mais l’IG Metall et son armée de 10.000 représentants des comités d’entreprise et délégués syndicaux, y fait office de police d’entreprise.

72. Dans ces conditions, l'Alliance ouvrière internationale des comités de base (IWA-RFC) revêt une importance cruciale. Elle permet aux travailleurs de briser le carcan syndical, de s’unir au niveau international et d’entamer une lutte sérieuse. Ce n’est là pas un processus spontané. Il nécessite l’intervention consciente du SGP. Le CIQI a lancé l’IWA-RFC le 1er mai 2021 pour aider les travailleurs à franchir ce pas. Sa déclaration fondatrice explique: «Pour que la classe ouvrière puisse riposter, il faut frayer une voie pour coordonner ses luttes dans divers usines, industries et pays contre la classe dirigeante et les syndicats corporatistes.»

73. Depuis, le CIQI a réussi à créer des comités de base dans plusieurs pays. En Allemagne, nous avons fait des progrès importants parmi les travailleurs des Postes et des chemins de fer et avons également créé les premiers comités d’action de base parmi les travailleurs de l’automobile et des transports. Ce travail doit être poursuivi et renforcé. Les comités d’action doivent créer les conditions d’une véritable démocratie ouvrière, faciliter la libre discussion entre les travailleurs, coordonner l’échange d’informations et organiser des actions communes de larges sections de la classe ouvrière. Ils doivent partir du principe que les besoins de la classe ouvrière sont plus importants que les intérêts lucratifs des entreprises.

74. L’IWA-RFC n’est pas un substitut du parti révolutionnaire, mais elle est plus qu’un simple instrument dans la lutte contre les syndicats. Elle doit contribuer au développement d’un mouvement qui brise l’emprise des syndicats et libère l’énorme pouvoir de la classe ouvrière. Elle fournit la forme d’organisation nécessaire pour faire avancer un tel mouvement. La construction de comités d’action ne signifie pas que le SGP n’intervient pas dans les syndicats quand il peut y atteindre les travailleurs. Mais il ne le fait pas dans la perspective de réformer les syndicats – ce qui est impossible – ou de s’installer dans leur appareil, mais de déclencher une rébellion contre eux.

75. Les comités d’action accueillent les travailleurs ayant des opinions politiques différentes et prêts à lutter ensemble pour faire avancer la lutte de classe. Mais les comités d’action ne sont pas apolitiques ou politiquement neutres. Une rébellion contre la bureaucratie syndicale soulève inévitablement des questions politiques et historiques qui doivent être discutées et clarifiées. Le SGP prend aussi dans les comités d’actions fait et cause pour l’élévation du niveau politique et culturel de toute la classe et pour le développement de la conscience socialiste.

76. La candidature de Will Lehman à la présidence du syndicat de l’automobile UAW aux États-Unis est exemplaire à cet égard. Lehman s’est présenté sous le mot d’ordre «Tout le pouvoir à la base» et a appelé à l’abolition de la bureaucratie et à la création de comités de base. Il a ouvertement fait campagne en tant que socialiste et adversaire du système capitaliste, et a appelé à mettre fin à la propriété privée dans l’industrie automobile. Malgré les tentatives de la bureaucratie de l’UAW pour empêcher l’élection, il a reçu le soutien de 5.000 travailleurs de l’automobile.

77. Sa campagne a clairement montré deux choses: le CIQI a dirigé une opposition dans la classe ouvrière déterminée à se battre; et l'Alliance ouvrière internationale des comités de base se développe sous cette direction en véritable mouvement de travailleurs en lutte dans les usines et sur les lieux de travail.

L'ancrage du SGP comme nouvelle direction politique dans la classe ouvrière

78. La construction de l’IWA-RFC est inextricablement liée à la lutte pour une perspective internationaliste et à l’ancrage de notre parti dans la classe ouvrière. Le SGP doit intervenir dans toutes les parties de la classe ouvrière et établir des contacts étroits et des relations politiques avec les travailleurs, former au socialisme les travailleurs les plus avancés et les plus sérieux et les gagner au parti.

79. Cela nécessite un développement systématique des cadres. «La croissance du mouvement de masse de la classe ouvrière impose des exigences toujours plus grandes aux membres du parti», a expliqué David North dans son introduction à l’Université d’été 2023 du SEP. «Relever ces défis nécessite de porter une plus grande attention à l’éducation des membres du parti. L’élément le plus important de cette éducation est d’améliorer la connaissance et la compréhension qu’ont les cadres de l’histoire du mouvement trotskyste.»

80. Cela inclut les événements historiques centraux, les expériences stratégiques et les réalisations de toutes les phases du mouvement trotskyste. La première phase s’étend sur une période de quinze ans qui va de la fondation de l’Opposition de gauche en octobre 1923 au congrès fondateur de la Quatrième Internationale à Paris en septembre 1938. Dans la lutte contre la bureaucratie stalinienne et sa perspective nationaliste du ‘socialisme dans un seul pays’, Trotsky a posé les bases théoriques et politiques de la nouvelle Internationale, dont la fondation était devenue nécessaire après la catastrophe allemande.

81. La seconde phase s’étendit sur une période de quinze ans allant la fondation de la Quatrième Internationale à la scission d’avec la direction pabliste du Secrétariat international et à la fondation du Comité international en novembre 1953. Au cours de cette phase, les trotskystes orthodoxes défendirent les principes marxistes contre une série de tendances petites-bourgeoises qui rompirent avec le trotskysme et virèrent rapidement à droite. Parmi celles-ci figuraient la tendance Burnham-Shachtman, le «Groupe des trois thèses» et aussi les pablistes, qui exprimaient en fin de compte le pessimisme des couches démoralisées de la petite bourgeoisie et se détournèrent de la classe ouvrière et de la perspective de la révolution socialiste.

82. La troisième phase a consisté en une lutte de 33 ans au sein du Comité international, qui a débuté avec la publication de la Lettre ouverte au mouvement trotskyste mondial de James P. Cannon. Cette lutte s’est achevée avec la suspension du Workers Revolutionary Party en décembre 1985 et la rupture définitive d’avec les renégats nationalistes-opportunistes en février 1986. Ce fut une période que nous avons décrite comme une guerre civile prolongée au sein du Comité international, caractérisée par une série de conflits politiques intenses avec des tendances pablistes à l’extérieur et à l’intérieur du CIQI.

83. La quatrième phase du CIQI, qui va de la scission d’avec le WRP jusqu’en 2019, est l’une des périodes les plus importantes de tout le mouvement marxiste. Cela devient de plus en plus évident avec le recul. Le Comité international est sorti énormément renforcé de la scission. La victoire décisive sur l’opportunisme pabliste a constitué la base d’une énorme avancée théorique, politique et organisationnelle du CIQI. Nous avons qualifié à juste titre la clarification et le développement théoriques et politiques après l’expulsion des opportunistes de «renaissance du trotskysme».

84. Les réalisations les plus importantes de la quatrième phase ont été résumées par David North dans son rapport à l’École d’été 2019 du SEP, pendant laquelle il a déclaré:

Le travail préparatoire crucial consistant à éliminer les pablistes, à reconstruire le parti mondial sur une base internationaliste, à élaborer la stratégie internationale du CIQI, à défendre l’héritage historique de la Quatrième Internationale, à convertir les ligues du Comité international en partis et à établir le World Socialist Web Site ont été les principales réalisations de la quatrième étape.

85. Sur cette base, le CIQI a pu étendre considérablement son influence politique et entrer dans la cinquième phase. David North a caractérisé celle-ci comme suit:

C’est l’étape qui verra une vaste croissance du CIQI en tant que Parti mondial de la révolution socialiste. Les processus objectifs de mondialisation économique, identifiés par le Comité international il y a plus de trente ans, ont connu un développement colossal. Combinés à l’émergence de nouvelles technologies qui ont révolutionné les communications, ces processus ont internationalisé la lutte des classes à un degré qu’il aurait été difficile d’imaginer il y a seulement vingt-cinq ans. La lutte révolutionnaire de la classe ouvrière se développera comme un mouvement mondial interconnecté et unifié. Le Comité international de la Quatrième Internationale sera construit comme la direction politique consciente de ce processus socio-économique objectif. Il opposera à la politique capitaliste de la guerre impérialiste la stratégie de classe de la révolution socialiste mondiale. Telle est la tâche historique essentielle de la nouvelle étape de l’histoire de la Quatrième Internationale.

86. Pour accomplir cette tâche historique, il est nécessaire de poursuivre et d’intensifier le travail éducatif et, sur cette base, d’impliquer tout le parti dans le travail politique et de développer constamment la ligne politique et les initiatives politiques. «Pour le mouvement marxiste, la connaissance historique a toujours été la base de la pratique révolutionnaire. L’assimilation de l’expérience historique est la base d’une pratique guidée par la théorie», a déclaré North.

87. Cela est particulièrement vrai dans cette nouvelle période de guerre et de révolution, qui atteint rapidement son point culminant. La crise croissante du capitalisme mondial et la lutte des classes créent les conditions objectives de la révolution socialiste. «Mais, pour paraphraser Trotsky, la grande tâche historique ne sera pas résolue tant que le SGP et le CIQI ne seront pas à la tête du prolétariat.»

(Article paru en anglais le 24 mai 2024)

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