Un débat qui vire au fiasco provoque la panique dans le Parti démocrate

Le débat de jeudi soir entre le président démocrate Joe Biden et l'ex-président républicain Donald Trump a donné lieu à un spectacle totalement dégradant. L'un des candidats pouvait à peine terminer une phrase, tout en réitérant son engagement en faveur de la suprématie militaire des États-Unis et de la guerre contre la Russie. L'autre a ouvertement défendu la tentative de coup d'État fasciste du 6 janvier 2021 par laquelle il a tenté d'instaurer une dictature présidentielle.

Le candidat républicain à la présidence, l'ancien président Donald Trump, à gauche, et le président Joe Biden lors d'un débat présidentiel organisé par CNN, le jeudi 27 juin 2024, à Atlanta [AP Photo/Gerald Herbert]

La prestation désastreuse de Biden a déjà déclenché une véritable crise au sein du Parti démocrate. Avant même la fin de la session de 90 minutes, des appels téléphoniques paniqués ont été passés entre les dirigeants du parti et leurs apologistes dans les médias, déclarant que Biden devait se retirer de la course et permettre à la Convention nationale du Parti démocrate, qui se tiendra en août, de désigner un candidat plus crédible. Le processus de mise en œuvre d'un tel changement est toutefois très controversé et problématique, car il n'y a pas de remplaçant évident à portée de main.

La principale préoccupation des sections dominantes de l'establishment politique américain est que la performance catastrophique de Biden lors du débat, qui a consolidé Trump en tant que favori de l'élection, a mis en péril les plans de grande envergure visant à intensifier massivement la guerre en Ukraine, à l'égard desquels Trump a exprimé des réserves. Tous leurs efforts pour orchestrer le remplacement de Biden visent à mettre en place un président capable de superviser l'escalade massive de la violence impérialiste américaine à l'échelle mondiale.

Si Biden ne s'était pas si visiblement effondré sur scène, la prestation de Trump aurait été largement considérée comme très préjudiciable, voire suffisante pour le disqualifier. L'ex-président fasciste de 78 ans a fréquemment refusé de répondre aux questions, a semblé faire une fixation sur les migrants comme cause de tous les maux sociaux de la vie américaine, et a été incapable de reconnaître des faits élémentaires ou de discuter de questions politiques sans mentir de manière éhontée et évidente.

Cela dit, la crise politique va bien au-delà de la débilité et de la désorientation des deux candidats. Les modérateurs de CNN ne sont ni séniles ni délirants, mais leurs questions ne valaient pas mieux, d'un point de vue intellectuel, que les réponses erratiques et les sophismes des candidats démocrate et républicain. L'ensemble de l'événement était une manifestation de la dégénérescence profonde qui caractérise la politique officielle dans la nation capitaliste la plus riche et la plus puissante.

Même si les deux candidats avaient été lucides et cohérents, le système qu'ils représentent est de plus en plus irrationnel, en proie à des contradictions sociales et à des conflits, au coeur des États-nations et entre ceux-ci, qui explosent en guerre. Si l'on fait abstraction de la question des deux personnalités décrépites et détestables sur la scène, quel est le «choix» que l'élite dirigeante capitaliste offre au peuple américain ?

L'un des candidats représente l'important courant fasciste et suprématiste chrétien du Parti républicain, qui cherche à établir un État fondé sur la religion qui ferait reculer un siècle d'acquis sociaux pour les travailleurs, les femmes et les minorités raciales. Si Trump n'était pas le candidat, son remplaçant serait inévitablement un défenseur plus jeune et peut-être moins connu du militarisme, de la dictature et de la réaction sociale.

L'autre candidat représente l'appareil de renseignement militaire qui contrôle le Parti démocrate et qui est principalement intéressé par la poursuite des politiques étrangères et de sécurité nationale nécessaires au maintien de la domination mondiale de l'impérialisme américain. Tout remplaçant de Biden poursuivrait la guerre en Ukraine, soutiendrait le génocide israélien à Gaza et intensifierait la confrontation militaire et économique des États-Unis avec la Chine.

Les deux partis sont fondamentalement opposés aux intérêts sociaux et démocratiques du peuple américain. Ils sont tous deux irrémédiablement engagés dans la défense de Wall Street et de l'hégémonie mondiale des États-Unis, contre la Russie et la Chine, et contre les puissances impérialistes rivales telles que le Japon, l'Allemagne et la France.

La consternation qui règne au sein de l'establishment démocrate et médiatique découle de ces considérations. La performance de Biden a mis en péril les politiques de guerre auxquelles ils sont pleinement attachés. De plus, elle survient à la veille d'autres changements politiques majeurs dans la politique mondiale : les élections françaises et britanniques au cours des deux prochaines semaines, suivies du sommet de l'OTAN à Washington, que Biden est censé présider.

Dans le même temps, des événements tels que le soulèvement de masse au Kenya, le coup d'État militaire manqué en Bolivie, la résurgence du COVID-19 et l'apparition de la «grippe aviaire» H5N1, ainsi que les incendies, les inondations et les ouragans exacerbés par le changement climatique, témoignent de l'instabilité croissante du capitalisme en tant que système mondial.

Joseph Kishore, candidat à la présidence du Parti de l'égalité socialiste, a fait cette évaluation du débat :

La crise politique explosive aux États-Unis, centre de l'impérialisme mondial, est l'expression la plus concentrée de la crise capitaliste mondiale. Bien qu'il soit impossible de prédire le cours exact des événements, une chose est absolument certaine. Il n'y aura pas de résolution progressiste de cette crise tant que la classe ouvrière, à l'échelle mondiale, ne se rassemblera pas en tant que force internationale sur la base d'un programme socialiste.

Le problème n'est pas Biden ou Trump – ou Poutine, Xi Jinping, Macron, Scholz ou tout autre politicien capitaliste individuel. Le problème, c'est le mode de production capitaliste et le système des États-nations auquel il est indissolublement lié.

Les ressources existent pour abolir la pauvreté et offrir une vie décente et épanouissante à chaque être humain. Mais ces ressources, produites par le travail de la population mondiale, sont accaparées par une poignée de grands exploiteurs et de milliardaires, qui subordonnent l'ensemble de la société à leur quête de plus en plus déréglée de richesse.

Face à la débâcle de Biden et à la menace d'un retour de Trump à la Maison-Blanche, les tiers partis susciteront un intérêt croissant. Les partis démocrate et républicain sont tous deux considérés avec hostilité par une majorité du public américain. Les sondages montrent déjà que le nombre de personnes indiquant leur désir de voter pour un candidat tiers a doublé depuis l'élection de 2020.

(Article paru en anglais le 28 juin 2024)

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