Le président Volodymyr Zelensky a remplacé le commandant des forces conjointes ukrainiennes, le lieutenant-général Yuriy Sodol, par le général de brigade Andrii Hnatov, à la demande du bataillon néonazi Azov. Sodol était également responsable des forces terrestres le long de la ligne de front dans les régions orientales de Donetsk, Lougansk et Kharkov (Kharkiv), où les forces ukrainiennes ont continué à perdre progressivement du territoire au profit de la Russie au cours de l'année écoulée.
Suite à son limogeage, le média ukrainien Ukrainska Pravda a obtenu une lettre de Bohdan Krotevych, chef d'état-major de la brigade Azov de la Garde nationale, envoyée au Bureau d'enquête d'État d'Ukraine (SBI), et en a publié les points clés.
Dans la lettre, Krotevych a blâmé Sodol pour la perte de Marioupol, un important port d'expédition désormais sous contrôle russe.
En plus d'une mauvaise planification et d'une mauvaise communication attribuées à Sodol, Azov n'avait pas reçu «une seule cartouche supplémentaire avant la défense de Marioupol», selon Krotevych. Il a également reproché à Sodol d'avoir tué « plus d'Ukrainiens que de Russes » en raison de son utilisation de contre-attaques en sous-effectif et sous-armées. Krotevych écrit que «le lieutenant-général commande les troupes de ‘manière inadéquate’».
Pour un officier subalterne comme Krotevych, critiquer publiquement un commandant supérieur en temps de guerre serait très inhabituel et un motif de se faire discipliner, comme le rapporte le Kyiv Post: «Dans la plupart des armées de l'OTAN, un officier faisant des accusations publiques en temps de guerre aurait été arrêté pour insubordination – pour le moins. » Mais à ce jour, Krotevych, un néonazi déclaré, n'a pas été sanctionné. Au contraire, les blogueurs aux centaines de milliers d'abonnés alliés à Zelensky ont répété les accusations de Krotevych, affirmant qu’il faisait là un point très correct, et Zelensky même a répondu à Krotevych en limogeant Sodol.
Le fait que Zelensky s'incline devant le bataillon Azov dans la nomination d'un général clé souligne à la fois la situation très instable et le caractère réactionnaire de son régime. Dans des conditions de sentiments anti-guerre croissants et de débâcle sanglante en cours sur le front, Zelensky s'appuie de plus en plus sur les forces d'extrême droite, leur permettant de prendre les décisions.
Bien que l'Ukraine soit constamment présentée comme un bastion de la «démocratie» par la propagande de guerre de l'OTAN, les forces fascistes comme la brigade Azov ont en réalité reçu des pouvoirs extraordinaires au plus haut niveau de l'État. Les puissances impérialistes, qui ont joué un rôle central dans la promotion et l'armement d'Azov, ont encouragé cette politique.
Plus tôt en juin, les États-Unis ont levé l'interdiction de fournir des armes et de l’entraînement à Azov en vertu de la loi Leahy. Celle-ci interdit au gouvernement américain d'utiliser des fonds pour aider des unités d’armées étrangères susceptibles d'avoir commis des violations des droits humains. « C'est une nouvelle page dans l'histoire de notre unité », a déclaré Azov dans un communiqué après l'annonce qu’elle allait être désormais officiellement aidée par l'impérialisme américain.
« L'éligibilité à l'aide américaine augmentera non seulement l'efficacité au combat d'Azov, mais, plus important encore, aidera à sauver la vie et la santé du personnel de la brigade », a déclaré l'unité. « Azov devient plus professionnel et plus efficace dans la défense de l'Ukraine contre les envahisseurs. »
Le Département d'État a justifié sa décision en blâmant la désinformation russe, qui avait « activement œuvré à discréditer» l'unité. Il a encore déclaré qu’évaluant la demande d’assistance militaire d’Azov, il «n'avait trouvé aucune preuve de violations flagrantes des droits de l'homme » par la 12e brigade des forces spéciales Azov. À peu près au moment où l'interdiction était levée, l'université d'élite de Stanford a accueilli le bataillon Azov dans son département slave et l’avait retiré du site Web de son «Mapping Militants Project», une initiative influente financée par le gouvernement qui traque les groupes extrémistes.
Alors que les médias américains tels que CNN et NBC affirment uniformément qu'Azov a «tourné la page» de son passé néonazi et ont attribué son ancienne stigmatisation à la «désinformation russe», la vérité est que ses dirigeants continuent de soutenir le néonazisme.
L'organisation remonte à la fois au nazisme et aux organisations nationalistes ukrainiennes d'extrême droite, comme l'Organisation des nationalistes ukrainiens (OUN-B) et l'Armée insurrectionnelle ukrainienne (UPA), responsables du massacre de dizaines de milliers de Juifs et de Polonais, ainsi que d'Ukrainiens pendant la Seconde Guerre mondiale. Son fondateur Andriy Biletsky, ancien chef de l'organisation paramilitaire fasciste Patriote d'Ukraine, est un suprémaciste blanc pur et simple qui a déclaré en 2010 que la mission de l'Ukraine était de «mener les races blanches du monde dans une croisade finale... contre les Untermenschen [sous-hommes] dirigés par les Sémites ».
Malgré les assurances du Département d'État sur le bilan prétendument étincelant d'Azov en matière de droits de l'homme en 2015 et 2016, le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l'homme a lié Azov à des crimes de guerre, notamment des pillages de masse, des détentions illégales et des actes de torture.
Quant à Krotevych, qui est personnellement intervenu pour écarter Sodol, l'utilisateur de X et enquêteur sur Azov Moss Robeson a révélé que Krotevych avait recommandé aux nouvelles recrues d'Azov de lire les mémoires de 1953 du criminel de guerre nazi Albert Kesselring, et qu'il n'avait clairement pas «tourné la page» du néonazisme, comme le suggéraient les médias occidentaux pro-OTAN.
Dans le même temps, la destitution de Sodol témoigne également des conflits intenses en cours dans la classe dirigeante ukrainienne et parmi les chefs militaires. Sodol même aurait été un membre de la « vieille école » dans la direction de l’armée ukrainienne et été promu par l'ex-chef d’état-major Valery Zaluzhny. Son remplaçant Hnatov est plus jeune et fait partie des plans de Zelensky de «faire le ménage et remplacer les officiers supérieurs formés par les Soviétiques par une nouvelle génération de généraux plus jeunes », comme le rapporte le Kyiv Post. Zaluzhny, qui aurait refusé d'ordonner des attaques majeures souhaitées par la présidence, a lui-même été démis de ses fonctions en février après des mois de conflits publics avec le président.
Le renforcement de figures néonazies telles que Krotevych et le soutien ouvert au fascisme par l'impérialisme occidental surviennent alors que le régime de Zelensky intensifie la persécution des opposants à la guerre et la suppression des droits démocratiques. Le 25 avril, le socialiste ukrainien Bogdan Syrotiuk, qui s'est battu pour l'unification de la classe ouvrière ukrainienne et russe, a été arrêté sur de fausses accusations par le service secret SBU, infesté de fascistes, et risque maintenant la prison à vie. Quelques semaines plus tard, le gouvernement ukrainien a officiellement interdit le World Socialist Web Site, pour lequel Syrotiuk écrivait.
Les attaques contre les droits démocratiques sont devenues si flagrantes que même le New York Times a dû admettre certaines d'entre elles dans un article récent intitulé «Un grand pas en arrière: en Ukraine, les inquiétudes montent sur le rétrécissement de la liberté de la presse». Article où il fait état de l'espionnage systématique des journalistes par le SBU et de l'interdiction des interviews avec les politiciens de l'opposition. Mais comme le WSWS l'a déjà noté ni l'arrestation de Bogdan ni l'interdiction du WSWS en Ukraine n'ont été mentionnées dans aucun article, même publié quelques jours après la publication d'une lettre ouverte de David North au gouvernement ukrainien et l'organisation de piquets de grève devant les ambassades ukrainiennes dans une demi-douzaine de pays, exigeant la libération de Syrotiuk.
Tout comme le département d'État tente de dissimuler les crimes et l'histoire d'Azov, le New York Times – comme porte-parole officiel de l'appareil militaire et du renseignement américain – est chargé de dissimuler la véritable nature des attaques contre les droits démocratiques en Ukraine, dont les principales cibles sont les opposants de gauche à la guerre tels que Bogdan Syrotiuk.