Un rapport révèle que près d'un quart des Canadiens vivent dans la pauvreté

Environ un quart des Canadiens vivent dans la pauvreté, selon un nouveau rapport rédigé par plusieurs organisations non gouvernementales. Ce rapport est publié alors que les travailleurs canadiens traversent une crise du coût de la vie sans précédent et que les grandes entreprises, les banques de Bay Street et les profiteurs de guerre engrangent des bénéfices considérables.

L'horizon de la ville de Toronto [Photo by Maksim Sokolov / CC BY-SA 4.0]

Intitulé «Measuring Poverty In Canada Through a Deprivation Lens» (La pauvreté au Canada sous l’angle des privations), le rapport est un projet conjoint de Banques alimentaires Canada, du Maple Leaf Centre for Food Security et de la Maytree Foundation. Il suit de près un rapport de Statistique Canada publié en avril qui révélait que 23 % de la population canadienne avait connu un certain niveau d'insécurité alimentaire en 2022.

Une autre enquête menée par la société immobilière Royal LePage a révélé que plus de la moitié des locataires canadiens consacrent plus de 30 % de leur revenu net au loyer. Sur certains marchés du logement, une grande partie des locataires consacrent plus de 50 % de leur revenu au loyer, notamment en Colombie-Britannique (25 %), dans les provinces de l'Atlantique (24 %) et en Ontario (18 %).

Le rapport Measuring Poverty adopte une nouvelle approche pour définir la pauvreté et déterminer le pourcentage de la population qui en est victime. Plutôt que de s'appuyer sur la traditionnelle mesure du panier de consommation (MPC), un seuil de pauvreté basé sur le revenu, les auteurs du rapport utilisent l'indice de privation matérielle (IDM) pour mesurer l'étendue de la pauvreté au Canada.

Contrairement à la MPC, l'IDM évalue si un ménage est en situation de pauvreté en comptant le nombre de biens et de services, ou d'activités sociales, dont il est privé. Parmi les 11 catégories, on trouve l'accès à une quantité suffisante de protéines dans le régime alimentaire, la possibilité de payer les factures à temps et la capacité de maintenir le logement à une température confortable tout au long de l'année.

Le rapport affirme qu'un ménage privé d'au moins deux de ces éléments est en situation de pauvreté, quel que soit son niveau de revenu. Selon les auteurs du rapport, ce critère de mesure semble être «plus cohérent avec les expériences actuelles des banques alimentaires, l'incidence déclarée de la faim et d'autres symptômes de détresse économique».

À l'aide de l'IDM, les auteurs ont mené une enquête auprès de 4625 résidents canadiens. Ils ont constaté qu'environ 25 % des personnes interrogées étaient confrontées à au moins deux éléments de privation, et que 17 % des personnes interrogées étaient confrontées à trois éléments de privation ou plus. Sur une population d'environ 41 millions d'habitants, cela signifie qu'environ 10,25 millions de Canadiens vivent dans la pauvreté.

Seuls 62,6 % des répondants ont déclaré n'avoir aucune privation. Si l'on extrapole à l'ensemble de la population, 37 % des Canadiens sont privés d'au moins un produit de première nécessité. Il s'agit là d'un indicateur significatif de détresse sociale, qui fait écho aux nombreux reportages publiés au cours des dernières années, qui montrent que la moitié des Canadiens vivent au jour le jour.

À titre de comparaison, les chiffres de la pauvreté de Statistique Canada en 2021 utilisant le modèle de la MPC ont révélé que 7,4 % de la population était en situation de pauvreté. Les chiffres du gouvernement montrent que la prévalence de la pauvreté était de 10,3 % en 2019, tombant à 6,4 % en 2020 en raison de l'aide financière limitée apportée par le gouvernement au cours des premières années de la pandémie de COVID-19, avant d'augmenter à nouveau lorsque l'aide a été réduite et que l'inflation a grimpé.

Les paiements d’aide du gouvernement ont été interrompus le plus tôt possible et sont restés insuffisants pour assurer aux bénéficiaires un niveau de vie décent. Le fait qu'ils aient néanmoins permis de réduire les chiffres officiels de la pauvreté souligne à quel point des millions de Canadiens ont peu de moyens pour vivre dans les meilleures périodes. Les gouvernements à tous les niveaux n'ont pas perdu de temps pour démanteler les mesures de sécurité vitales de lutte à la pandémie, en renvoyant des millions de travailleurs sur leur lieu de travail, où des millions de personnes ont été infectées par le virus mortel du SRAS-CoV-2 et continuent de l'être.

Le rapport Measuring Poverty note que le nombre de visiteurs des banques alimentaires a augmenté de façon spectaculaire pendant la pandémie et continue de grimper, écrivant avec amertume : «Malgré la MPC, un ménage qui n'a pas les moyens de se nourrir peut-il être autre chose que pauvre ?»

Des extraits des conclusions du rapport révèlent que la classe ouvrière canadienne, en particulier ses sections les plus vulnérables et les plus privées de droits, traverse une crise sociale sans précédent depuis la Grande Dépression.

Entre 55 et 60 % des personnes vivant dans la pauvreté ont un revenu d'emploi. Cela souligne à quel point les salaires ont été complètement découplés des gains de productivité au cours des dernières décennies et n'ont pas réussi à suivre le rythme de la montée en flèche du coût de la vie.

Les taux d'incidence de la pauvreté les plus élevés concernent les personnes âgées de 18 à 30 ans (30,2 %), de 31 à 44 ans (29,3 %) et de 45 à 64 ans (27,7 %). Les ménages d'une seule personne de moins de 65 ans ont un taux de pauvreté de 34,6 %.

Les répondants noirs et autochtones sont nettement plus touchés par la pauvreté que le reste de la population (34,4 % et 37,4 %, respectivement). Correspondant à peu près à la classe sociale, la pauvreté frappe plus durement les personnes ayant un niveau d'études secondaires (36 %), ainsi que celles ayant une formation professionnelle ou universitaire partielle (29,3 %).

Alors qu'un nombre croissant de travailleurs tombent dans la pauvreté, les bénéfices des entreprises et la richesse des 10 % les plus riches de la société ont bondi. Les marges bénéficiaires moyennes des entreprises sont passées de 9 % entre 2002 et 2019 à 16 % en 2021. Les 1 % les plus riches ont accaparé 10,4 % de tous les revenus en 2021, pour atteindre 34,5 % de tous les revenus pour les 10 % les plus riches de la société. Les 10 % les plus riches contrôlent 57,6 % de l'ensemble des richesses, tandis que les 90 % les plus pauvres se partagent les 42,4 % restants.

Le profit effréné des entreprises joue un rôle majeur dans la crise du coût de la vie, comme en témoigne l'augmentation de 30 % des bénéfices de la chaîne d'épicerie Loblaws, qui pèse plusieurs milliards de dollars, d'une année sur l'autre, en 2023. De manière plus générale, les pressions exercées par les banques centrales pour augmenter les taux d'intérêt ont fait grimper en flèche le prix des logements et des produits de première nécessité, tout en provoquant des licenciements massifs de dizaines de milliers de travailleurs.

L'augmentation de la pauvreté et les fortunes colossales des entreprises et des riches ne sont pas des processus sans lien entre eux. Ils découlent du fonctionnement interne du système capitaliste et des décisions politiques prises par tous les grands partis du Canada, y compris les libéraux et les néo-démocrates.

Alors que la classe ouvrière canadienne est réduite à la misère, le gouvernement libéral de Trudeau, soutenu par ses alliés syndicaux et le Nouveau Parti démocratique (NPD), a débloqué des dizaines de milliards de dollars pour la guerre et le génocide. Plus de 13,3 milliards de dollars ont été versés au régime fasciste ukrainien depuis l'invasion de l'Ukraine par la Russie, provoquée par les États-Unis, en février 2022, dont 4 milliards de dollars en soutien militaire direct. Le gouvernement libéral fédéral d'Ottawa soutient pleinement le génocide de la population palestinienne de Gaza par le régime sioniste.

Les dépenses militaires du Canada, qui s'élevaient à 36,3 milliards de dollars en 2022-2023, devraient atteindre 51 milliards de dollars en 2026-2027, l'impérialisme canadien se préparant à mener une guerre avec son allié américain contre ses rivaux, principalement la Russie et la Chine. Cela représente 6,1 % des dépenses budgétaires. Ces décisions sont prises dans le dos et contre la volonté de la population canadienne, et tout cela pour servir les intérêts géopolitiques de l'élite dirigeante.

L'incapacité d'un nombre grandissant de travailleurs à payer les produits de première nécessité est le résultat direct de la trahison d'innombrables luttes ouvrières au cours des dernières décennies, sous la supervision de la bureaucratie syndicale et de ses alliés du NPD. Dans le cadre de l'alliance corporatiste entre les libéraux, le NPD et les syndicats, ces derniers débitent des slogans «progressistes» vides de sens, tout en trahissant les travailleurs en lutte et en soutenant le bellicisme de l'impérialisme canadien. Le résultat net est une répression de la lutte des classes qui dure depuis des décennies et une augmentation des inégalités et de la pauvreté.

Les bureaucrates syndicaux pro-capitalistes et le NPD, avec leurs partisans dans les partis de la pseudo-gauche de la classe moyenne, désarment politiquement toute opposition au sein de la classe ouvrière qui pourrait poser un défi direct au système capitaliste. Lorsque les libéraux décident de criminaliser les grèves ou les manifestations qui pourraient se transformer en un mouvement de masse contre le capitalisme, ces organisations feignent la sympathie pour la classe ouvrière, tout en lui ordonnant de reculer et de faire confiance aux tribunaux et aux autres institutions de l'État capitaliste utilisées pour l'opprimer. Cela a été mis en évidence au début de l'année, lorsque les syndicats ont soutenu un projet de loi «anti-scab» libéral et néo-démocrate qui, en réalité, impose des restrictions de plus en plus importantes au droit de grève des travailleurs.

Le NPD a réussi à prendre une pose particulièrement cynique en réponse au dernier rapport sur la pauvreté. Alistair MacGregor, porte-parole du NPD en matière d'inflation des prix alimentaires, a déclaré : «Les choses sont devenues très décourageantes pour les Canadiens – les coûts augmentent et nous avons un gouvernement libéral qui préfère protéger les profits des PDG plutôt que les gens. Et Pierre Poilievre et ses conservateurs, qui veulent faciliter la tâche des PDG des riches épiceries qui s'enrichissent à vos dépens.»

Personne ne peut prendre ces fanfaronnades au sérieux, puisqu'elles sont dirigées contre le même gouvernement que celui soutenu par MacGregor et ses collègues députés néo-démocrates. L'accord dit de «confiance et d'approvisionnement» en vigueur depuis 2022 garantit le soutien du NPD aux augmentations massives des dépenses militaires des libéraux, à leurs attaques contre les dépenses publiques et à leurs cadeaux aux entreprises.

Le soutien du NPD aux libéraux au parlement et l'étouffement de la lutte des classes par les syndicats dans tout le pays ont créé une ouverture pour Poilievre et ses conservateurs de droite dure, qui se présentent comme la véritable opposition à l'establishment politique. Cela explique pourquoi tous les sondages indiquent que Poilievre deviendrait Premier ministre si des élections avaient lieu aujourd'hui.

(Article paru en anglais le 10 juillet 2024)

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