Dans le cadre d’une série de manifestations internationales contre un an de génocide du peuple palestinien par l’État israélien, des milliers de personnes ont marché samedi dernier à Montréal, suivis le lendemain de plusieurs centaines d’autres.
Ces actions prenaient place alors que le régime de Netanyahou, avec le plein appui de Washington et Ottawa, lance de nouvelles attaques meurtrières en Cisjordanie et au Liban et provoque l’Iran dans ce qui devient une guerre régionale dans tout le Moyen-Orient.
Les centaines de milliers de personnes qui sont descendues dans les rues à travers le monde démontrent qu’il existe une immense colère sociale contre le génocide perpétré par le régime sioniste israélien et qui a fait plus de 186.000 victimes selon la revue médicale The Lancet.
Plusieurs des manifestations, y compris celles de Montréal, étaient organisées par des groupes militants propalestiniens, dont Palestinian Youth Movement (PYM). Ce dernier a mis de l’avant des slogans tels que «Israël terroriste, Canada complice», qui pointent du doigt la complicité des grandes puissances impérialistes.
Effectivement, Israël n’est pas un acteur indépendant. Comme le notait le World Socialist Web Site dans un article distribué aux manifestants à Montréal, «la fonction première d'Israël est de servir de chien de garde et d'instrument pour la défense des intérêts de l'impérialisme américain dans toute la région».
Mais il serait illusoire de penser qu’un appel moral adressé au gouvernement libéral de Justin Trudeau au Canada – ou en l’occurrence à celui de Joe Biden aux États-Unis – pourrait forcer l’un ou l’autre à changer sa politique d’appui inconditionnel à Israël.
Le génocide en cours à Gaza doit être vu comme un des fronts militaires de l’impérialisme américain, avec ses alliés canadien et européens, pour imposer sa domination sur tout le Moyen-Orient et l’Asie centrale.
Concrètement, Washington veut la guerre avec l'Iran pour assurer sa domination sur cette région géostratégique riche en ressources qui servirait de fer-de-lance pour des opérations militaires contre la Chine et la Russie.
Pour avoir sa part du butin, le Canada, puissance impérialiste de second rang, est profondément impliqué dans les plans militaires de ses alliés américains. Faisant fi des manifestations de masse depuis un an, Washington et Ottawa continuent d’envoyer des milliards de dollars en financement et en armement à Israël pour tuer les Palestiniens innocents et mettre la région à feu et à sang.
Lorsque l’Iran a répliqué aux provocations de longue date d’Israël par des tirs de missile ciblés contre des infrastructures militaires, le Premier ministre canadien a suivi ses partenaires impérialistes et déclaré qu'Israël «a le droit de se défendre» contre les attaques du «régime terroriste» iranien.
Le ministre de la Défense, Bill Blair, a ensuite déclaré qu’il était «approprié» pour Israël de cibler les champs pétrolifères iraniens alors que le chef conservateur, Pierre Poilievre, est allé plus loin en proposant qu’Israël cible les «sites nucléaires iraniens».
Devant le carnage qui s’intensifie chaque jour et risque d’entraîner le monde dans le maelstrom de la guerre, certains slogans entendus à la manifestation de Montréal, tel que «la résistance ne sera jamais vaincue», trahissent une absence de véritable stratégie pour y faire face.
Cela vient du fait que les organisateurs ne s’orientent pas vers la classe ouvrière, la seule force sociale capable de mettre fin à la marche vers une troisième guerre mondiale où la survie de l’humanité serait en cause.
La tâche de l’heure est d'unir les luttes grandissantes des travailleurs contre l’assaut patronal sur les salaires, les emplois et les services publics à la lutte politique contre la guerre impérialiste. Ce qui exige de s’attaquer à leur cause commune: le système capitaliste, basé sur le profit privé et les intérêts géostratégiques des États-nations rivaux.
L’orientation politique des leaders actuels du mouvement anti-guerre est toute autre. Ils ne cherchent pas à mobiliser l’immense force sociale objective des travailleurs en tant que classe internationale. Ils se tournent plutôt vers l’appareil syndical qui étouffe depuis des décennies la résistance des membres de la base au nom de la «paix sociale», c’est-à-dire le maintien du statu quo capitaliste.
Des bureaucrates syndicaux ont été invités à prendre la parole samedi à la manifestation de Montréal, y compris François Enault, vice-président de la Confédération des syndicats nationaux (CSN). L’un des quatre dirigeants du « Front commun intersyndical», ce dernier a joué un rôle central l’an dernier dans la trahison des 500.000 travailleurs du secteur public du Québec qui luttaient pour de meilleures conditions de travail et de meilleurs services publics. Sans surprise, Enault n’avait rien d’autre à offrir aux manifestants que des appels vagues au «cessez-le-feu», qui servent à camoufler le soutien réel des grandes puissances à la politique génocidaire d’Israël.
Sur la scène politique canadienne, la bureaucratie syndicale a été un pilier de l'entente libérale-NPD (à laquelle le NPD a mis fin le mois dernier pour des raisons opportunistes) qui a permis au gouvernement libéral minoritaire de Justin Trudeau de poursuivre librement son assaut contre les travailleurs au pays et sa politique d’agression à l’étranger – y compris son intégration à la guerre par procuration menée par Washington et l'OTAN contre la Russie en Ukraine et leur encerclement diplomatique et militaire de la Chine.
Pour sa part, Québec solidaire, un parti de la pseudo-gauche, adopte une position tout aussi réactionnaire. QS boycotte de manière générale les manifestations propalestiniennes et soutient pleinement (derrière ses critiques creuses d’Israël) la politique pro-impérialiste de l'élite dirigeante canadienne et québécoise. Sous un masque de «neutralité», le parti refuse de dénoncer le régime Netanyahou et trace un signe d’égalité entre le génocide à Gaza et les «attaques terroristes du Hamas».
Devant l’absence de stratégie viable des organisations propalestiniennes et le rôle pro-impérialiste des appareils syndicaux et de la «gauche» officielle, plusieurs manifestants interviewés par le WSWS se demandaient, avec raison, comment aller de l’avant.
Rose, une jeune femme qui participe aux manifestations depuis le mois de janvier a affirmé qu’une «solution diplomatique ne semble pas du tout possible» et que «tous ces efforts ont été vains», ajoutant que «les Palestiniens et les Libanais sont laissés à eux-mêmes» par la diplomatie internationale.
Fatima, son amie a renchéri: «On pourrait arrêter les ventes et l’envoi d’armes à Israël, mais il faut reconnaître qu’Israël est un pion rattaché à l’impérialisme américain. Il faut être réaliste, la seule solution est la résistance».
Les reporters du WSWS ont placé le génocide à Gaza dans le contexte d’une escalade des puissances impérialistes vers la guerre mondiale et la nécessité de s’orienter vers la classe ouvrière internationale pour s’y opposer. La discussion a ensuite porté sur la grève des débardeurs aux États-Unis.
Rose a dit qu’elle venait de Charleston en Caroline du Sud, où se trouve un des plus importants ports aux États-Unis. «J’aimerais voir, comme on l’a vu, des grèves pour de meilleures conditions et oui, que les travailleurs refusent de transporter ces armes sur les cargos».
Holly, une autre participante a abondé dans le même sens. «Si nous pouvions faire une pression économique comme une grève, ce serait efficace, car c’est notre argent qui finance ce génocide au fond. J’aimerais participer dans une telle action».
Fouad est un jeune homme de 29 ans d’origine palestinienne qui vit au Canada depuis 2001. Ses grands-parents sont des réfugiés qui ont dû quitter leur ville natale lors de la Nakba de 1948.
«Les bombes ne se lancent pas toutes seules», a-t-il dit d’entrée de jeu, «ça prend des milliards de dollars et ce sont nos gouvernements qui en sont complices».
Il a ajouté: «C’est l’hypocrisie pure! Les États-Unis, le Canada et Israël sont indissociables et font partie d’un même complot. Juste aujourd’hui, on apprenait que des avions américains et britanniques étaient utilisés pour bombarder la population palestinienne».
Il a lancé cet avertissement: «Si on ne les arrête pas, ce sera le Moyen-Orient et le reste du monde. Ils s’enlignent vers une guerre mondiale».
Fouad a conclu que «si 50 pour cent, même 20 pour cent, de la population se dit, on ne travaille pas et on s’oppose à la guerre, ce serait puissant. On serait une force majeure et ce serait historique».