Volkswagen veut baisser les salaires de ses 120 000 salariés en Allemagne de près de 20 pour cent, ce qui permettrait au groupe d'économiser 2 milliards d'euros par an. C'est ce qu'on a appris mercredi 30 octobre au soir à l'issue du deuxième tour de négociations sur l'accord salarial du groupe.
Le quotidien financier Handelsblatt avait déjà annoncé à l'avance les coupes des dépenses exigées:
Les salaires seront réduits de 10 pour cent (au lieu des 7 pour cent d'augmentation réclamés) et gelés pour les années 2025 et 2026.
Les paiements supplémentaires, primes et avantages en nature seront annulés indéfiniment.
Les travailleurs plus âgés qui pouvaient réduire leur temps de travail hebdomadaire à entre 25 et 33 heures (à la chaîne) ou 26 et 34 heures (dans l'administration) depuis l’accord «Pacte d'avenir» de 2005 devront à nouveau travailler 35 heures complètes.
Les travailleurs temporaires ne seront plus payés selon les échelles salariales propres à VW, mais plutôt selon les échelles salariales, inférieures, de la branche.
Le nombre d’apprentis, jusque là de 1400 par an, sera réduit.
En plus de cette proposition provocante, la menace des licenciements collectifs et de fermetures d'usines entières reste à l’ordre du jour. Volkswagen souhaite économiser au total près de 4 milliards d'euros par an. Mais la direction a indiqué qu'elle était prête à discuter du maintien de sites de production si le syndicat IG Metall et le comité d'entreprise acceptaient des réductions de salaires massives, sachant que le maintien d'un site ne signifie pas que tous les emplois seront maintenus.
Une baisse des salaires comme celle réclamée de manière provocatrice par la direction de VW, est une première dans l’histoire allemande d’après-guerre. Pour de nombreux salariés de VW qui ont une famille, un prêt de logement à rembourser et d’autres obligations, cela serait financièrement dévastateur. Malgré tout, l’IG Metall et le comité d’entreprise ont déjà fait savoir qu’ils étaient prêts à se montrer arrangeants.
Depuis que la présidente du comité d'entreprise Daniela Cavallo a annoncé lundi que VW comptait fermer trois usines et licencier des dizaines de milliers de salariés, toutes les déclarations du comité d'entreprise et des responsables d'IG Metall se sont axées sur la revendication du maintien de tous les sites. Elles n'ont pas remis en cause les objectifs de réduction des coûts de l'entreprise, ni appelé à les combattre.
Au lieu de cela, ils ont exigé que la direction collabore étroitement avec eux sur les coupes et les suppressions d’emplois, comme ce fut le cas par le passé. Le négociateur d’IG Metall, Thorsten Gröger, a ainsi déclaré qu’un «concept d’avenir viable pour tous les sites» était le «billet d’entrée» pour de nouvelles négociations.
Par «concept d’avenir viable», Gröger entend – tout comme le patron de VW, Oliver Blume, et les familles actionnaires Porsche et Piëch – un plan qui génère un rendement d’au moins 6,5 pour cent.
Stephan Weil (social-démocrate, SPD), ministre-président du Land de Basse-Saxe, où se trouvent le siège social et l'usine principale du groupe VW et qui détient une participation de 20 pour cent, a également déclaré qu'il était essentiel de «maintenir la substance industrielle de l'industrie automobile en Basse-Saxe» et que toutes les parties devaient y contribuer.
Juste au moment où a lieu la deuxième ronde des négociations contractuelles, Volkswagen a annoncé une baisse de 64 pour cent de ses bénéfices au troisième trimestre par rapport à la même période de l'année dernière. Mais si l'on examine les chiffres de plus près, on constate que les actionnaires et les dirigeants continuent d’empocher d’énormes bénéfices.
En 2023, le groupe, qui comprend également des marques telles que Škoda, Seat, Audi et Porsche, a enregistré un chiffre d'affaires record de 332 milliards d'euros et un bénéfice de 22,6 milliards d'euros. Il a versé 4,5 milliards d'euros de dividendes, soit plus que ce que la marque VW devrait économiser en un an.
Le groupe VW a ainsi suivi la tendance. Les 40 entreprises allemandes les plus valorisées cotées à l’indice boursier DAX ont distribué un total de 54 milliards d’euros de dividendes en 2023, ce qui constitue également un record historique. En tête se trouve le constructeur automobile Mercedes-Benz, qui a versé 5,5 milliards d’euros à ses actionnaires.
La marque Volkswagen, qui présente le plus faible retour sur investissement du groupe, reste dans le vert malgré la chute de ses bénéfices. Elle a dégagé un excédent de 1,6 milliard d'euros au troisième trimestre 2024.
Le programme d’austérité, que les travailleurs de VW doivent payer de leur emploi et de leurs revenus, est une conséquence de la lutte mondiale acharnée pour les parts de marché et les profits, qui se déroule aux dépens de la classe ouvrière internationale et prend de plus en plus la forme de guerres commerciales et de guerres ouvertes.
Volkswagen perd rapidement des parts de marché, notamment en Chine, où il vendait jusqu’à récemment une voiture sur trois. Au printemps dernier, Volkswagen a perdu sa position de leader du marché au profit du constructeur chinois de voitures électriques BYD. BYD vend désormais plus de voitures en Chine que toutes les marques VW réunies – Volkswagen, Audi, Porsche, Skoda, Jetta et Sehol.
Les attaques contre les emplois et les salaires ne pourront être repoussées que si les travailleurs s’unissent au niveau international et font passer leurs droits sociaux avant les exigences de profit des entreprises. Cela nécessite de rompre avec les syndicats et leurs représentants des comités d’entreprise, qui prennent le parti de «leurs» entreprises nationales respectives, tant dans la guerre commerciale internationale que dans les attaques contre les travailleurs.
Pour repousser les attaques planifiées et défendre toutes les usines et tous les lieux de travail, des comités d’action indépendants doivent être constitués et reliés dans le monde entier au sein de l’ Alliance ouvrière internationale des comités de base (acronyme anglais, IWA-RFC).
(Article paru en anglais le 1er novembre 2024)