Les salles de cinéma des États-Unis projettent actuellement Nuremberg, un film du réalisateur James Vanderbilt consacré aux procès des dirigeants survivants de l’Allemagne nazie en 1945, pour « crimes contre la paix, crimes de guerre, crimes contre l’humanité et complot ou conspiration en vue de commettre ces crimes».
Le tribunal de Nuremberg a créé le cadre opérationnel actuel du droit international, en vertu duquel les politiciens et chefs militaires qui mènent une guerre d'agression et commettent des crimes de guerre sont considérés comme individuellement responsables.
Le sujet du film ne pouvait être plus d'actualité. Il sort alors que la crise autour de l'administration Trump s'aggrave suite à une série d'assassinats dans la mer des Caraïbes et l'océan Pacifique. Depuis le 2 septembre, cette administration a tué au moins 83 civils lors de 21 frappes de missiles sur 22 navires transportant des personnes non armées et sans défense, qu'elle a accusées, sans preuves, de transporter de la drogue.
Vendredi, le Washington Post a révélé que, lors du premier de ces massacres, perpétré par une frappe de missile le 2 septembre, le secrétaire à la Guerre Pete Hegseth avait donné l’ordre de «tuer tout le monde». Conformément à cet ordre, un second missile fut lancé, éliminant les survivants de la première attaque.
Ces révélations surviennent dans un contexte de crise aiguë au sein de l’État américain, aggravée le 18 novembre, lorsqu’un groupe de parlementaires démocrates a diffusé une vidéo rappelant aux soldats américains leur devoir d’obéir au droit international et de refuser les ordres illégaux.
Développant ce message, la sénatrice Elissa Slotkin a déclaré le 23 novembre dans l’émission This Week que la vidéo avait été motivée par les frappes de drones de Trump dans les Caraïbes et son déploiement de troupes dans les villes américaines. Rappelant qu’«il existe bel et bien des ordres illégaux», Slotkin a ajouté: «En revenant à Nuremberg, ‘Eh bien, on m’a dit de le faire, c’est pourquoi j’ai tué des gens’, n’est pas une excuse.»
La criminalité flagrante du gouvernement Trump a soulevé, presque par nécessité, la question des crimes de guerre et du droit international. Le degré du gangstérisme et de la saleté émanant de la Maison Blanche marque un changement qualitatif. Cependant, ni le Parti démocrate ni les médias ne discutent sérieusement du contexte politique et historique réel ni de ce qui a été à l’origine de Trump.
En fait, depuis plus de vingt ans, le World Socialist Web Site souligne l’importance du précédent de Nuremberg dans le contexte de l’éruption de l’impérialisme américain.
En 2004, lors d’un débat à la Société philosophique du Trinity College de Dublin, David North, président du World Socialist Web Site, insista sur la portée de la doctrine de «guerre préventive» proclamée par le gouvernement Bush. North rappela que les procès de Nuremberg avaient établi le principe selon lequel la guerre d’agression est «le crime international suprême».
Le tribunal déclara explicitement qu’il créait un précédent liant non seulement les puissances vaincues de l’Axe, mais aussi les puissances victorieuses alliées, y compris les États-Unis. North cita le juge de la Cour suprême Robert Jackson, chef de l’accusation américaine, qui affirma:
Si certains actes en violation des traités sont des crimes, ce sont des crimes que ce soit les États-Unis qui les commettent ou l’Allemagne, et nous ne sommes pas disposés à établir une règle de conduite criminelle contre d’autres que nous ne serions pas prêts à voir invoquée contre nous-mêmes.
Jackson ajouta: «Tendre à ces accusés une coupe empoisonnée, c’est aussi la porter à nos propres lèvres.»
North a fait remarquer que «beaucoup de choses ont changé depuis que ces mots ont été prononcés». Aujourd'hui, a-t-il écrit:
L’impérialisme américain, en quête d’hégémonie mondiale, est le principal instigateur de violence, d’exploitation et d’inhumanité dans le monde. Sa politique étrangère a pris le caractère d’une vaste entreprise criminelle internationale.
Cette analyse fut faite dans le contexte de l’invasion illégale de l’Irak en 2003 menée par le gouvernement Bush, qui suivait une série de guerres d’agression menées pendant et après la dissolution de l’Union soviétique: la première guerre du Golfe en 1991 par le gouvernement Bush-père et la guerre contre la Serbie en 1999 sous le mandat de Clinton.
La guerre contre l’Irak faisait partie de la «guerre contre le terrorisme» lancée en 2001, utilisée pour légitimer non seulement la guerre d’agression — d’abord contre l’Afghanistan puis contre l’Irak — mais aussi l’assassinat, la torture et la surveillance domestique de masse sans mandat. Le vice-président Dick Cheney déclara alors: «Nous devons travailler du côté obscur… Nous allons passer du temps dans l’ombre.»
Dans le cadre de la deuxième guerre du Golfe, l'administration Bush a mis en place une série de «sites noirs» à travers le monde dans lesquels elle a fait disparaître des milliers de personnes illégalement kidnappées en vertu d’une politique dite de «restitutions extraordinaires». La Maison-Blanche a instauré une politique de la torture, qualifiant de «techniques d'interrogatoire» des «tactiques» telles que le «waterboarding», le «walling» et la «réhydratation rectale».
Résumant les crimes de l’administration Bush, l’ancien président Barack Obama déclara avec désinvolture: «Nous avons torturé des gens.» Mais Obama introduisit ses propres innovations, notamment des centaines de frappes de drones qui tuèrent entre 2.500 et 4.000 personnes. La politique d’assassinat sans procès, y compris de citoyens américains, devint si systématique qu’un appareil bureaucratique complexe fut créé pour sélectionner les victimes lors de réunions hebdomadaires dites «terror Tuesday».
La première administration Trump, s’appuyant sur cet héritage criminel, gracia le Navy SEAL Eddie Gallagher, qui avait poignardé à mort un prisonnier adolescent avant de se photographier avec le cadavre. Elle intensifia l’agression américaine à l’étranger, notamment par l’assassinat du général iranien Qasem Soleimani à Bagdad.
Il revint à l’administration Biden de réintroduire le génocide — le crime le plus atroce et le plus caractéristique des dirigeants nazis. Biden finança, arma et défendit politiquement le génocide israélien de Gaza, fournissant à Israël des milliers de bombes de 900 kilos utilisées pour massacrer au moins 60.000 Palestiniens, que le ministre israélien de la Défense Yoav Gallant — inculpé cette année pour crimes de guerre — qualifia de «bêtes humaines».
La seconde administration Trump trône sur cet amas de cadavres. Trump, admirateur d’Adolf Hitler, défend ouvertement la torture, l’assassinat et le nettoyage ethnique à un degré sans précédent dans l’histoire américaine. Le fait qu'il ait été promu à la tête de l'État américain vient couronner tous les crimes ayant précédé son ascension.
Dans la mesure où le meurtre de civils désarmés dans les Caraïbes a provoqué une crise au sein de l’establishment politique américain, c’est parce que certaines fractions de l’armée considèrent qu’une criminalité aussi débridée discrédite totalement le projet de domination mondiale des États-Unis. Les secteurs les plus lucides de l’establishment estiment que, pour réussir à dominer le monde par la force militaire, l’impérialisme américain doit entretenir l’illusion qu’il défend le droit international.
Mais cette prétention est une imposture. Les moyens criminels utilisés par l'impérialisme américain pour asseoir sa domination mondiale sont le produit de ses fins criminelles. L'ensemble du projet stratégique de l'impérialisme américain, qui consiste à utiliser sa puissance militaire pour compenser le déclin de son hégémonie mondiale, est un complot visant à mener une guerre d'agression, ce que le tribunal de Nuremberg a défini comme «crime contre la paix». Et c’est ce projet qui a régurgité Donald Trump et sa coterie fasciste.
Les travailleurs des États-Unis et du monde entier doivent tirer les leçons de l'expérience de l'éruption de l'impérialisme américain. La lutte pour défendre les droits démocratiques, économiques et sociaux des travailleurs requiert la lutte contre la guerre impérialiste et la construction d'un mouvement mondial anti-guerre de la classe ouvrière.
