Un rapport récemment publié par Statistique Canada a révélé que plus d'un tiers des populations autochtones du Canada ont du mal à payer les produits de première nécessité pendant la pandémie. Le rapport, intitulé «Impact économique de la COVID-19 chez les populations autochtones», fait partie d'une série de quatre études publiées par Statscan ces derniers mois qui examinent comment les Canadiens autochtones ont été touchés par les crises sociales, économiques et sanitaires provoquées par la COVID-19.
Ces rapports cherchent à englober les éléments suivants: les effets sur la santé et les conditions sociales des peuples autochtones dans les communautés rurales; les vulnérabilités auxquelles ils sont confrontés dans les zones urbaines face aux impacts socio-économiques de la COVID-19; l'impact de la pandémie sur leur santé mentale; et l'étude susmentionnée de l'effet de la COVID-19 sur leur bien-être économique.
Publiés entre le 17 avril et le 14 juillet, les quatre rapports montrent que plus de 36 % des autochtones sondés ont déclaré que la pandémie avait eu un impact «fort ou modéré» sur leur capacité à payer les produits de première nécessité, contre 25 % des Canadiens non autochtones qui ont déclaré avoir été touchés de la même manière.
Les rapports ont également révélé que par rapport au reste de la population, des pourcentages plus élevés d'autochtones disent avoir des difficultés financières, se méfier des capacités décisionnelles du gouvernement fédéral et avoir demandé une aide fédérale au revenu.
Les résultats de récents sondages réalisés par d'autres groupes, comme l'Association des femmes autochtones du Canada, confirment cette évidence. Leurs conclusions suggèrent que les femmes autochtones, en particulier, connaissent de plus grandes difficultés financières que beaucoup d'autres Canadiens, ainsi qu'une augmentation des taux de violence domestique qui est directement liée à ces difficultés financières.
En fait, les chiffres présentés par Statistique Canada sous-estiment les horribles conditions sociales auxquelles est confrontée cette partie très opprimée de la population.
Les conclusions des rapports ont été recueillies à l'aide d'une méthode de collecte de données connue sous le nom de crowdsourcing. Le crowdsourcing est le processus qui consiste à obtenir des informations et des opinions d'un grand groupe de personnes qui soumettent leurs données via l'internet. Dans ce cas, Statscan a fait participer les personnes interrogées à un questionnaire en ligne. Cette méthode exclut automatiquement un grand nombre d'autochtones qui n'ont pas ou très peu accès à l'internet en raison de la pauvreté et de l’itinérance.
Une petite note de bas de page dans le dernier rapport de la série contient un avertissement à cet effet, déclarant: «Il est important de noter que les autochtones sont souvent surreprésentés parmi les personnes en situation de logement précaire ou d’itinérance. Ces populations peuvent ne pas être représentées par ces données.»
La méthode utilisée pour mesurer la pauvreté dans le rapport est également dépassée. Le seuil de pauvreté officiel du Canada, la MPC ou mesure du panier de consommation, est basé sur le coût d'un «panier» spécifique de biens et de services représentant un niveau de vie modeste et de base. Il comprend le coût de la nourriture, des vêtements, du logement et du transport, ainsi que d'autres articles considérés comme nécessaires pour qu'une famille puisse vivre dans le Canada d'aujourd'hui.
La dernière mise à jour de la MPC en vigueur au moment où ces études récentes ont été entreprises a eu lieu entre 2008 et 2010. Une mise à jour de cette MPC a été lancée en 2018, mais n'a pas été achevée avant juin 2020; les études récentes ont été publiées d'avril à juillet, et donc pour certains rapports, sinon tous, l'indicateur de pauvreté de référence utilisé était dépassé de plus d'une décennie. Le Canada a connu un taux d'inflation national de 19,89 % de 2008 à 2020, ce qui signifie que le coût de la vie est certainement beaucoup plus élevé qu'il y a 12 ans.
Le deuxième rapport de la série indique qu'environ 24 % des autochtones vivant dans les zones urbaines vivent dans la pauvreté; en comparaison, 13 % de la population non autochtone des zones urbaines vivent dans la pauvreté. Cependant, ces données excluent complètement ceux qui vivent dans les territoires et dans les communautés des réserves, même si ces dernières répondent absolument aux propres normes de classification géographique de Statistique Canada pour ce qui constitue une «zone urbaine»; un exemple frappant de désinformation.
Statistique Canada justifie cette exclusion en disant qu'elle est due à un «contexte différent». Pourtant, il est fort à parier que si les données recueillies auprès des peuples autochtones résidant dans les territoires et les réserves étaient incluses dans leurs rapports, les résultats mettraient en évidence une crise beaucoup plus aiguë.
Le Nunavut, par exemple, a le taux le plus élevé d'insécurité alimentaire au Canada, avec d'immenses inégalités de salaires et des prix alimentaires criminellement élevés qui font que 57 % de la population du territoire connaît une grave insécurité alimentaire. Le dernier recensement du Nunavut a montré que 83,8 % de la population s'identifie comme Inuit.
Il est particulièrement important de prendre en compte les communautés des réserves confrontées à la menace de la COVID-19 lorsqu'on tente de comprendre les effets de la pandémie sur les populations autochtones. Par exemple, 55 réserves des Premières Nations dans tout le pays ont des avis d'ébullition de l'eau, mais six autres ont des avis de «ne pas consommer». Toute personne vivant dans ce type d'environnement trouvera pratiquement impossible de respecter les recommandations en matière de lavage des mains et d'hygiène visant à limiter la propagation de la pandémie.
Si les chiffres officiels indiquent que les réserves des Premières Nations ont relativement bien réussi à empêcher la propagation de la COVID-19 jusqu'à présent, cela peut être largement attribué à leur isolement relatif et à la décision des autorités locales de les isoler en grande partie de la zone environnante. De plus, le manque d'infrastructures sanitaires fait qu'il est probable que les niveaux de dépistage soient plus faibles parmi les populations des réserves.
La pauvreté endémique et la misère sociale auxquelles est confrontée la grande majorité des peuples autochtones sont le produit direct du capitalisme canadien. Après avoir détruit les formes de propriété collective des peuples autochtones au cours du 19e siècle pour établir les bases de l'expansion capitaliste d'un océan à l'autre, l'élite dirigeante canadienne a chassé les autochtones dans des réserves, a cherché à éliminer leurs cultures et a fait mourir de faim des milliers de personnes. Plus récemment, la volonté de l'élite dirigeante d'accéder aux terres qui restent sous contrôle autochtone s'est intensifiée grâce à la dépendance du capitalisme canadien à l'égard des industries d'extraction des ressources, notamment le pétrole, le gaz et les pipelines nécessaires à l’exportation de ces produits sur le marché.
C'est dans la poursuite de cette politique que le gouvernement Trudeau a annoncé en grande pompe une politique de «réconciliation» de «nation à nation» avec la population autochtone du Canada. En réalité, cette politique équivaut à un effort pour «réconcilier» la population autochtone de plus en plus agitée avec l'exploitation capitaliste. À cette fin, les libéraux ont travaillé depuis leur retour au pouvoir en octobre 2015 à cultiver une élite autochtone restreinte mais privilégiée, représentée par l'Assemblée des Premières Nations et d'autres groupes avec lesquels elle peut faire des affaires. Le fait que les horribles niveaux de pauvreté et de misère sociale révélés dans les rapports de Statistique Canada persistent constitue une réfutation accablante de l'affirmation des libéraux selon laquelle ils travaillent à l'amélioration des conditions de vie de la majorité des autochtones.
Depuis le début de la pandémie, le gouvernement fédéral n'a fourni qu'une aide supplémentaire dérisoire aux autochtones canadiens: 303 millions de dollars pour aider les communautés autochtones à se préparer au virus en mars, et 285 millions de dollars supplémentaires en mai pour «soutenir la réponse de santé publique». C'est une goutte d'eau dans l’océan, étant donné que les gouvernements libéraux et conservateurs successifs ont systématiquement sous-financé les soins de santé et autres services sociaux essentiels pour les communautés autochtones, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur des réserves.
La classe ouvrière doit se mobiliser en tant que force politique indépendante dans la lutte pour l'égalité sociale et pour un gouvernement ouvrier qui réorganisera l'économie selon des bases socialistes pour répondre aux besoins sociaux de tous, mettant ainsi fin à l'oppression systématique des populations autochtones, à leurs mauvais traitements et à la violation de leurs droits.
(Article paru en anglais le 8 août 2020)
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