Ceci est la sixième et dernière partie de la série.[Première partie][Deuxième partie][Troisième partie][Quatrième partie][Cinquième partie]
Durant la dernière année de sa vie, Trotsky a été confronté à des questions cruciales de perspective historique soulevées par le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale. Pourquoi la révolution de 1917 en Russie – qui avait été proclamée par les bolcheviks comme le coup d’envoi de la révolution socialiste mondiale – avait-elle été suivie par les défaites de la classe ouvrière en Italie, en Chine, en Allemagne et en Espagne, pour ne citer que les plus importantes des catastrophes politiques? Pourquoi la Grande Dépression – la plus grande crise économique de l'histoire du capitalisme – n'a-t-elle pas conduit au socialisme, mais plutôt au fascisme et à la guerre? Et, enfin, pourquoi l'État ouvrier fondé sur la base de la révolution d'Octobre avait-il dégénéré en un monstrueux régime totalitaire?
La réponse donnée par des légions d'intellectuels petits-bourgeois et de radicaux d'antan était que les défaites prouvaient la faillite du marxisme et toute la perspective de la révolution socialiste. Trotsky, dans un article écrit en mars 1939, avait décrit la psychologie politique et les perspectives de ces couches sociales:
«Non seulement la force conquiert, mais, à sa manière, elle «convainc». Le déclenchement de la réaction non seulement détruit physiquement les partis, mais aussi décompose moralement les gens. Beaucoup de messieurs radicaux ont le coeur dans leurs chaussures. Leur peur face à la réaction, ils la traduisent dans le langage de la critique immatérielle et universelle. «Quelque chose doit clocher avec les anciennes théories et méthodes!» «Marx s'est trompé...» «Lénine n'a pas su prévoir...» Certains vont même plus loin. «La méthode révolutionnaire a fait faillite».» [1]
La plus grande erreur du marxisme, ont conclu les intellectuels démoralisés, est d'avoir attribué à la classe ouvrière une mission révolutionnaire qu'elle ne pouvait pas remplir. La cause essentielle de tous les désastres des années 20 et 30 se trouvait dans le caractère non révolutionnaire de la classe ouvrière.
Le document fondateur de la Quatrième Internationale a commencé par une répudiation explicite de la perspective défaitiste et anhistorique des antimarxistes. Le problème fondamental de l'époque de l'agonie du capitalisme n'était pas l'absence d'une classe révolutionnaire, mais plutôt l'absence d'une direction révolutionnaire capable de conduire la classe ouvrière à la conquête du pouvoir.
«La situation politique mondiale dans son ensemble», a écrit Trotsky, «est principalement caractérisée par une crise historique de la direction du prolétariat». [2]
Cette déclaration bien connue est souvent lue comme une simple exhortation, destinée à inspirer les cadres de la Quatrième Internationale avec une déclaration rhétorique grandiloquente de la mission politique du parti. Une telle interprétation passe à côté de la véritable signification de la déclaration, qui est un résumé concis de la leçon essentielle à tirer des défaites de la classe ouvrière.
Dans les deuxièmes Thèses sur Feuerbach, Marx écrit en 1845: «La dispute sur la réalité ou la non-réalité de la pensée qui s'isole de la pratique est une question purement scolastique». En reprenant ce concept fondamental du matérialisme philosophique dans le contexte du destin de la révolution socialiste, la formulation employée par Trotsky dans l'ouverture du document fondateur de la Quatrième Internationale affirme, en substance, que toutes les discussions sur le caractère révolutionnaire ou non de la classe ouvrière, à l'exception de l'examen de la pratique de ses partis et organisations dirigeants, sont abstraites, dénuées de contenu politique et fausses.
L'essai sur lequel Trotsky travaillait au moment de sa mort était consacré à la justification de sa conception de la crise de la direction. Il était intitulé «La classe, le parti et la direction: Pourquoi le prolétariat espagnol a-t-il été vaincu? (Questions de la théorie marxiste)» L'article, qui se termine brusquement par une petite phrase, a été publié dans le numéro de décembre 1940 de la Quatrième Internationale, quatre mois après la mort de Trotsky. Bien qu'incomplet, l'essai – considéré d'un point de vue à la fois philosophique, théorique et politique – se classe parmi les expositions les plus profondes de la relation dialectique entre les facteurs objectifs et subjectifs du processus révolutionnaire à l'époque de l'agonie du capitalisme.
L'essai de Trotsky a été écrit en réponse à une critique hostile, publiée dans le journal radical français Que Faire, d'un pamphlet intitulé L'Espagne trahie. L'auteur de ce pamphlet était Mieczyslaw Bortenstein, membre de la Quatrième Internationale, qui écrivait sous le pseudonyme M. Casanova. Bortenstein avait combattu en Espagne, où il avait été témoin du sabotage de la révolution par les staliniens. Le pamphlet, bien que fondamentalement influencé par les enseignements de Trotsky sur le Front populaire et ses critiques de la politique centriste du POUM, s'inspire des expériences personnelles de l'auteur en Espagne. En dehors de ce pamphlet, il y a relativement peu d'informations disponibles sur les activités politiques de Bortenstein. Cependant, on sait que sa vie s'est terminée tragiquement à l'âge de 35 ans. Après la prise de la France par les nazis, Bortenstein a été arrêté par le gouvernement de Vichy et finalement déporté au camp d'extermination d'Auschwitz, où il a été assassiné en 1942.
Bortenstein a écrit son pamphlet après la reddition de Barcelone par le gouvernement du Front populaire dominé par les staliniens, sans résistance, à l'armée fasciste dirigée par Franco. La reddition de ce qui avait été la citadelle de la révolution ouvrière a été le point culminant de la trahison du Front populaire. Dans l'introduction du pamphlet, Casanova-Bortenstein écrit:
«Je dois expliquer ce qui vient de se passer en me basant sur ma propre expérience. Je dois rapporter les faits. Je décrirai comment des positions stratégiques d'importance cruciale ont été abandonnées sans combat, comment des plans de défense ont été remis à l'ennemi par un état-major traître, comment l'industrie de guerre a été sabotée et l'économie désorganisée, comment les meilleurs militants de la classe ouvrière ont été assassinés et comment les espions fascistes ont été protégés par la police «républicaine», afin d'expliquer comment la lutte révolutionnaire du prolétariat contre le fascisme a été trahie et l'Espagne livrée à Franco.
Mon analyse et les faits que je vais décrire renvoient tous à un seul et même thème: la politique criminelle du Front populaire. Seule la révolution ouvrière aurait pu vaincre le fascisme. Toute la politique des dirigeants républicains, socialistes, communistes et anarchistes a travaillé à détruire l'énergie révolutionnaire de la classe ouvrière. «Gagnez d'abord la guerre et faites la révolution ensuite»: ce slogan réactionnaire était de tuer la révolution pour ensuite perdre la guerre.» [4]
Il est essentiel de tirer les leçons de la catastrophe espagnole, a déclaré Casanova-Bortenstein. «Ni le socialisme ni le marxisme n'ont échoué en Espagne, mais ceux qui l'ont si criminellement trahi». [5]
La critique hostile du pamphlet de Bortenstein publié dans Que Faire, une revue produite par d'anciens membres dissidents du Parti communiste en France, a illustré l'attitude cynique des centristes petits-bourgeois. Elle attaquait Bortenstein pour s'être concentré sur les partis et les politiques responsables de la défaite, au lieu de se concentrer sur les attributs de la classe ouvrière espagnole – avant tout, son «immaturité» – qui la rendaient incapable de vaincre le fascisme. «Nous sommes entrés, a déclaré Que Faire, dans le domaine de la pure démonologie; le criminel responsable de la défaite est le diable en chef, Staline, soutenu par les anarchistes et tous les autres petits diables; le Dieu des révolutionnaires n'a malheureusement pas envoyé un Lénine ou un Trotsky en Espagne comme il l'a fait en Russie en 1917». [6]
Trotsky a soumis l'attaque de Que Faire sur le pamphlet de Bortenstein à une critique cinglante. L'«arrogance théorique» de la revue de Que Faire, écrit-il, «est rendue d'autant plus magnifique qu'il est difficile d'imaginer comment un si grand nombre de banalités, de vulgarismes et d'erreurs tout à fait spécifiques de type philistin conservateur ont pu être comprimés en si peu de lignes». [7]
L'objectif principal de la révision de Que Faire étaitd'absoudre les partis, les organisations et les individus à la tête de la classe ouvrière de toute responsabilité dans la débâcle en Espagne. La responsabilité de la «fausse politique des masses» devait être imputée non pas à ses auteurs politiques, mais à la classe ouvrière qui, en raison de son «immaturité», était encline à suivre une ligne politique incorrecte. Cet argument élaboré par l'auteur de la revue Que Faire était une méprisable excuse pour les architectes de la défaite. Trotsky a écrit:
«Quiconque cherche des tautologies ne pourrait pas en trouver de plus plates en général. Une «fausse politique des masses» s'explique par «l'immaturité» des masses. Mais qu'est-ce que l'«immaturité» des masses? De toute évidence, leur prédisposition à la fausse politique. En quoi consistait la fausse politique et qui en étaient les initiateurs, les masses ou les dirigeants – cela est passé sous silence par notre auteur. Par le biais d'une tautologie, il se décharge de la responsabilité sur les masses. Cette ruse classique de tous les traîtres, déserteurs et leurs avocats est particulièrement révoltante en ce qui concerne le prolétariat espagnol.» [8]
Mais même si les dirigeants de la classe ouvrière espagnole étaient mauvais, ont soutenu les apologistes, n'était-ce pas la faute des masses si elles suivaient les mauvais dirigeants? En réponse à ce sophisme pernicieux, Trotsky – confirmant le récit du témoin Bortenstein – a souligné que la classe ouvrière cherchait sans cesse à briser les barricades politiques érigées par les staliniens, les sociaux-démocrates et les anarchistes; et que chaque fois que la classe ouvrière était sur le point de passer à l'offensive, ses dirigeants traîtres déployaient la force pour soutenir des politiques contre-révolutionnaires. Le soulèvement de la classe ouvrière à Barcelone en mai 1937 contre les politiques traîtresses du gouvernement du Front populaire a été impitoyablement réprimé. Trotsky a écrit:
«Il ne faut rien comprendre exactement dans le domaine des relations entre la classe et le parti, entre les masses et les dirigeants, pour répéter l'affirmation creuse selon laquelle les masses espagnoles n'ont fait que suivre leurs dirigeants. La seule chose que l'on peut dire est que pour les masses qui ont cherché à tout moment à se frayer un chemin sur la bonne voie, il était au-delà de leurs forces de produire dans le feu même de la bataille une nouvelle direction correspondant aux exigences de la révolution.» [9]
Trotsky a rappelé l'épigramme surutilisé selon lequel chaque peuple obtient le gouvernement qu'il mérite. Appliqué à la sphère de la lutte sociale, cet argument voudrait que chaque classe obtient la direction qu'elle mérite. Ainsi, si les travailleurs ont de mauvais dirigeants, c'est ce qu'ils méritent; car ils sont incapables d'en produire de meilleurs. Trotsky a répondu à cet argument formel et mécanique.
«En réalité, la direction n’est pas du tout le «simple reflet» d’une classe ou le produit de sa propre puissance créatrice. Une direction se constitue au travers des heurts entre les différentes classes ou des frictions entre les différentes couches au sein d’une classe donnée. Mais, aussitôt apparue, la direction s’élève inévitablement au-dessus de sa classe et risque de ce fait de subir la pression et l’influence d’autres classes. Le prolétariat peut «tolérer» pendant longtemps une direction qui a déjà subi une totale dégénérescence intérieure, mais qui n’a pas eu l’occasion de la manifester au cours de grands événements.
Il faut un grand choc historique pour révéler de façon aiguë la contradiction qui existe entre la direction et la classe. Les chocs historiques les plus puissants sont les guerres et les révolutions. C’est précisément pour cette raison que la classe ouvrière se trouve souvent prise au dépourvu par la guerre et la révolution. Mais, même quand l’ancienne direction a révélé sa propre corruption interne, la classe ne peut pas improviser immédiatement une direction nouvelle, surtout si elle n’a pas hérité de la période précédente des cadres révolutionnaires solides capables de mettre à profit l’écroulement du vieux parti dirigeant. L’interprétation marxiste, entre une classe et sa direction, ne laisse pas pierre sur pierre des sophismes légalistes de notre auteur.» [10]
La critique bourgeoise du marxisme – en particulier telle qu'elle est propagée dans les milieux universitaires – prétend généralement que le matérialisme philosophique déterministe ne prête pas suffisamment attention au «facteur subjectif» de l'histoire. Le marxisme, préoccupé par la structure socio-économique et de classe de la société, ne tient pas compte de l'influence de la conscience, en particulier dans ses manifestations suprahistoriques et irrationnelles, dans le développement chaotique de la société. Cette critique, qui attribue au marxisme une séparation rigide des facteurs objectifs et subjectifs, combine l'ignorance avec la distorsion et la falsification pure et simple. Un thème central des écrits de Trotsky pendant de nombreuses années a été le rôle crucial du facteur subjectif – attribuant une importance particulière au rôle des dirigeants politiques – dans la détermination de l'issue des luttes révolutionnaires. Plus célèbre encore, dans une entrée d'un journal qu'il tenait en 1935, Trotsky avait souligné le rôle crucial que Lénine avait joué dans la victoire de la révolution d'Octobre. «Si je n'avais pas été présent en 1917 à Pétersbourg, la révolution d'octobre aurait quand même eu lieu: à condition que Lénine soit présent et aux commandes». [11]
Dans sa réfutation de Que Faire, Trotsky reprend le rôle de Lénine dans la révolution d'Octobre. Il a rejeté la substitution par la revue du «déterminisme mécaniste pour le conditionnement dialectique du processus historique» et «les railleries sur le rôle des individus, bons et mauvais». La lutte des classes ne se déroule pas comme un processus supra-humain. Des êtres humains réels sont impliqués, et leurs actions jouent un rôle – parfois décisif – dans la détermination du succès ou de l'échec de l'insurrection révolutionnaire, ou même dans sa réalisation. «L'arrivée de Lénine à Petrograd, le 3 avril 1917, a transformé le parti bolchevique à temps et lui a permis de mener la révolution à la victoire». [12] Trotsky continua:
«Nos sages pourraient dire que, si Lénine était mort à l’étranger au début 1917, la révolution d’Octobre aurait eu lieu «de la même façon». Mais ce n’est pas vrai. Lénine constituait un des éléments vivants du processus historique. Il incarnait l’expérience et la perspicacité de la section la plus active du prolétariat. Son apparition au bon moment dans l’arène de la révolution était nécessaire afin de mobiliser l’avant-garde et de lui offrir la possibilité de conquérir la classe ouvrière et les masses paysannes. Dans les moments cruciaux de tournants historiques, la direction politique peut devenir un facteur aussi décisif que l’est celui du commandant en chef aux moments critiques de la guerre. L’histoire n’est pas un processus automatique. Autrement, pourquoi des dirigeants? Pourquoi des partis? Pourquoi des programmes? Pourquoi des luttes théoriques?» [13]
Dans son pamphlet, Bortenstein note amèrement que tous les partis et individus dont les erreurs politiques et même la trahison pure et simple ont assuré la défaite de la Révolution espagnole ont affirmé dans la foulée qu'aucune autre issue n'était possible. «Si nous écoutons les explications des dirigeants du Front populaire, y compris des anarchistes, et si nous prenons ces explications au sérieux, tout ce que nous pouvons faire, c'est désespérer de tout et perdre espoir dans les capacités révolutionnaires du prolétariat, dans son avenir et même dans sa mission historique». [14] Les excuses ne manquaient pas pour justifier la défaite.
«Selon nos démocrates du Front populaire petit-bourgeois, tout était inévitable. Les républicains et les socialistes ont justifié la défaite par la supériorité militaire des fascistes, et les communistes par l'existence d'une bourgeoisie profasciste (une découverte, ça!) qui, par sa politique de non-intervention, a favorisé Franco. Ils ont oublié d'ajouter qu'ils ont soutenu le gouvernement Blum, qui a inauguré cette politique. Les anarchistes justifiaient leurs capitulations et leurs trahisons répétées par le chantage exercé par les Russes au moyen des armes qu'ils envoyaient aux républicains. Quant au POUM, il s'est lui aussi joint au chœur fataliste et a déclaré «Nous étions trop faibles, et nous devions suivre les autres, et surtout nous ne pouvions pas briser l'unité.» Tout était donc inévitable. Ce qui est arrivé devait arriver, et c'était écrit à l'avance dans le Coran ...» [15]
Trotsky, dans un magnifique passage, a soutenu sans réserve l'accusation de Bortenstein contre le fatalisme autojustifié de ceux qui ont conduit les travailleurs espagnols à la défaite:
«Cette philosophie impuissante, qui cherche à concilier les défaites comme un maillon nécessaire de la chaîne des développements cosmiques, est totalement incapable de poser et refuse de poser la question de facteurs concrets tels que les programmes, les partis et les personnalités qui ont été les organisateurs de la défaite. Cette philosophie du fatalisme et de la prostration est diamétralement opposée au marxisme en tant que théorie de l'action révolutionnaire.» [16]
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Trotsky continue à travailler sur sa biographie de Staline. Le dernier chapitre du volume inachevé est intitulé «La réaction thermidorienne», dans lequel il présente un portrait et une évaluation dévastateurs de Staline et de son entourage.
«En général, dans le camp du stalinisme, vous ne trouverez pas un seul écrivain, historien ou critique doué. C'est un royaume de médiocrités arrogantes. D'où la facilité avec laquelle des marxistes hautement qualifiés ont commencé à être remplacés par des gens accidentels et de second ordre qui ont maîtrisé l'art de la manœuvre bureaucratique. Staline est la médiocrité la plus remarquable de la bureaucratie soviétique. Je ne trouve pas d'autre définition que celle-ci.» [17]
La transformation de Staline en «génie» a été l'œuvre de la bureaucratie, qui a trouvé en lui un instrument brutal de sa lutte pour les privilèges. Le mythe de Staline, développé à partir de mensonges, était la création de la bureaucratie. «Ce caractère massif, organique et incontrôlable du mensonge», a observé Trotsky, «est la preuve indéniable qu'il ne s'agit pas seulement des ambitions personnelles d'un individu, mais de quelque chose d'incommensurablement plus grand: la nouvelle caste des privilégiés débutants devait avoir sa propre mythologie». [18]
Tout le développement culturel de l'Union soviétique était étouffé par le régime bureaucratique. «La littérature et l'art de l'époque stalinienne», écrivait Trotsky, «resteront dans l'histoire comme des exemples du byzantinisme le plus absurde et le plus servile». Même les artistes les plus doués étaient obligés de se prostituer au service de Staline. Trotsky a cité un poème d'Alexis Tolstoï dans lequel Staline est représenté comme une divinité: «Tu es le soleil brillant des nations, /Le soleil implacable de notre temps,» etc. Commentant ces lignes, Trotsky a écrit: «Pour appeler les choses par leur nom, cette poésie rappelle davantage le grognement d'un cochon». [20]
Même l'architecture soviétique a été déformée et dégradée par Staline. La Maison des Soviétiques, construite selon les spécifications de Staline, était «un bâtiment monstrueux qui, avec son imposante inutilité et sa grandeur brute, fournit l'expression concrète d'un régime brutal dépourvu de toute idée ou perspective». Quant aux films, leurs réalisateurs et acteurs étaient obligés de suivre les instructions de Staline. Leur seul but était la glorification du dictateur. «De cette façon, le cinéma soviétique, qui a connu un début si prometteur, a été tué dans l'œuf.» [22]
Quant à l'homme de Staline, dans la mesure où la personne vivante pouvait être séparée du mythe dans lequel elle était enfermée, sa caractéristique essentielle, soulignait Trotsky, «est la cruauté personnelle, physique, qui est généralement appelée sadisme». [23]
«Incapable de faire appel aux meilleurs instincts des masses, Staline fait appel à leurs instincts les plus bas: l'ignorance, l'intolérance, l'étroitesse d'esprit, le caractère primitif. Il cherche à entrer en contact avec eux par des expressions grossières. Mais cette grossièreté sert aussi de camouflage à sa ruse. Il met toute sa passion dans des projets soigneusement élaborés, auxquels tout le reste est subordonné. Comme il déteste l'autorité! Et comme il aime l'imposer!» [24]
De sa propre attitude subjective envers Staline, Trotsky a écrit à l'avant-dernière page de la biographie:
«La situation dans laquelle je me trouve maintenant est unique. Je pense donc avoir le droit de dire que je n'ai jamais éprouvé de haine envers Staline. Il y a beaucoup de choses qui ont été dites et écrites sur ma soi-disant haine de Staline qui me remplit apparemment de jugements sombres et troublés. Je ne peux que hausser les épaules face à tout cela. Nos chemins se sont séparés il y a si longtemps que toute relation personnelle entre nous s'est éteinte depuis longtemps. Pour ma part, et dans la mesure où je suis un instrument des forces historiques, qui me sont étrangères et hostiles, mes sentiments personnels envers Staline sont indissociables de mes sentiments envers Hitler ou le Mikado japonais. [25]
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Le monde de 1940 semblait vivre un cauchemar. Quelle civilisation fragile et impuissante face à la barbarie croissante! Sous la pression de la réaction, même les représentants les plus intelligents et les plus sensibles de l'intelligentsia européenne ont abandonné tout espoir. Walter Benjamin, vivant dans un exil précaire, a traduit son désespoir personnel en un «Sur le concept de l'histoire» morbidement démoralisé. L'hitlérisme n'était pas la négation de la civilisation, mais sa véritable essence. «Il n'y a pas de document de culture,» a-t-il opté, «qui ne soit en même temps un document de barbarie. Et tout comme un tel document n'est jamais exempt de barbarie, la barbarie entache la manière dont elle a été transmise d'une main à l'autre». [26]
Benjamin a attiré l'attention sur le tableau Angelus Novus de l'artiste Paul Klee. Dans cette œuvre, la nature réelle du processus historique est représentée: «Son visage est tourné vers le passé. Là où une chaîne d'événements apparaît devant nous, il voit une seule catastrophe, qui continue d'empiler les débris les uns sur les autres, et les jette à ses pieds». Le désespoir de Benjamin l'a conduit au cynisme, qu'il a dirigé contre la perspective de la révolution socialiste. «Les épigones de Marx», écrit-il avec amertume, «ont dérivé (entre autres choses) la notion de ‘situation révolutionnaire’ qui, comme nous le savons, a toujours refusé d'arriver». [28]
Quelle ligne de conduite a donc été laissée à Walter Benjamin, si ce n'est celle de s’enlever la vie? Fuyant la France de Vichy, et en vue de la frontière espagnole, Benjamin – convaincu du désespoir de sa situation – se suicide le soir du 26 septembre 1940. S'il n'avait attendu qu'un jour de plus, l'écrivain aurait passé la frontière en toute sécurité.
Trotsky aurait sans doute ressenti une grande empathie pour Benjamin. Mais le sentiment de désespoir était étranger au révolutionnaire. Son sens aigu de l'histoire lui permettait de replacer les bestialités de son temps dans leur contexte. Dans une section de la biographie de Staline qui porte le titre «Un parallèle historique», Trotsky a observé «En cette période de déclin capitaliste, la régression de l'Europe produit de nombreux traits de l'enfance du capitalisme. L'Europe actuelle ressemble fortement à l'Italie du XVe siècle». [29] Bien sûr, c'était une époque où les petits États «représentaient les petits pas d'un capitalisme infantile». Mais la période de la Renaissance ressemblait à l'ère moderne sur un point important: «C'était une époque de transition entre les anciennes et les nouvelles normes – une période amorale et, en soi, immorale.» [30] Les cardinaux «écrivaient des comédies pornographiques et les papes les produisaient dans leurs cours.» [31]
«La corruption était le thème central de la politique italienne. L'art de gouverner était pratiqué en cliques et consistait en l'art doux du mensonge, de la trahison et du crime. Remplir un contrat et tenir une promesse étaient considérés comme le comble de la stupidité. La sournoiserie allait de pair avec la violence. La superstition et le manque de confiance empoisonnaient toutes les relations entre les chefs d'État. C'était l'époque des Sforza, des Médicis, des Borgia. Mais ce n'était pas seulement la période de la trahison et de la falsification, du poison et de la ruse. C'était aussi la période de la Renaissance.» [32]
Comme à l'époque de la Renaissance, l'homme moderne se trouve
«à la frontière de deux mondes: le monde bourgeois-capitaliste, qui souffre de l'agonie et ce monde nouveau qui est destiné à le remplacer. Aujourd'hui, une fois de plus, nous vivons la transition d'un système social à un autre, à l'époque de la plus grande crise sociale qui, comme toujours, s'accompagne d'une crise de la morale. L'ancien a été ébranlé jusqu'à ses fondements. Le nouveau a à peine commencé à émerger. Les contradictions sociales ont une fois de plus atteint une acuité exceptionnelle.» [33]
De telles périodes imposent une pression immense sur les individus.
«Lorsque le toit s'est effondré et que les portes et les fenêtres sont tombées de leurs charnières, la maison est sombre et difficile à vivre. Aujourd'hui, des vents violents soufflent sur toute notre planète.» [34]
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Trotsky considérait sa survie à l'agression du 24 mai comme un simple sursis. Il savait que la GPU allait tenter à nouveau de le tuer. Harold Robins, lors d'une discussion avec cet écrivain, a rappelé que Trotsky avait demandé à rencontrer les gardes au début du mois d'août. L'actualité mondiale était dominée par les attaques aériennes lancées par l'Allemagne nazie contre la Grande-Bretagne. Trotsky a dit aux gardes qu'il s'attendait à ce que Staline cherche à profiter de la distraction du public en tentant le plus tôt possible un autre assassinat. Un journaliste bien connu de Mexico, Eduardo Tellez Vargas, qui écrivait pour El Universal, a rencontré Trotsky à plusieurs reprises après le raid du 24 mai. Dans une interview réalisée avec le Comité international en décembre 1976, Tellez Vargas a rappelé sa dernière rencontre avec Trotsky, qui a eu lieu le 17 août 1940, juste trois jours avant l'assassinat. Ressentant une admiration sincère pour le grand révolutionnaire, Tellez Vargas a été profondément troublé par ce que Trotsky lui a dit.
«Il est arrivé un moment où Trotsky ne faisait confiance à absolument personne. Il ne faisait confiance à personne. Il n'a pas précisé ou nommé de noms, mais il m'a dit «Je serai tué soit par l'un d'entre eux ici, soit par un de mes amis à l'extérieur, par quelqu'un qui a accès à la maison. Parce que Staline ne peut pas me laisser en vie».» [35]
Le jour de la dernière interview de Tellez Vargas avec Trotsky, un autre visiteur s'est rendu à la villa sur l'Avenida Viena. Jacques Mornard, cette fois sans Sylvia Ageloff, a été admis dans l'enceinte. Mornard a affirmé avoir écrit un article qu'il voulait faire lire à Trotsky. Trotsky, qui avait eu plusieurs brèves rencontres avec Mornard, avait déjà indiqué qu'il n'aimait pas cet homme. Mornard s'était mis à parler en présence de Trotsky de son «patron» qui s'était enrichi grâce à des spéculations commerciales. Dans son récit autobiographique de sa vie avec Trotsky, Natalia Sedova a rappelé qu'il était «totalement indifférent» aux propos de Mornard sur les exploits de son patron. «Ces courtes conversations m'irritaient», écrit Sedova, «et Leon Davidovich les détestait aussi. Qui est ce patron fabuleusement riche, me demandait-il. Nous devrions le découvrir. Après tout, il pourrait être un profiteur aux tendances fascistes et il serait peut-être préférable de ne plus voir le mari de Sylvia...» [36]
La rencontre avec Mornard le 17 août a rendu Trotsky encore plus inquiet. Trotsky est sorti de son bureau après seulement dix minutes. Il était perturbé par le comportement de Mornard. Trotsky a noté que Mornard n'avait pas enlevé son chapeau en entrant dans le bureau et s’était ensuite assis sur le coin du bureau de Trotsky. C'était un comportement étrangement inapproprié pour un homme qui prétendait être belge et avoir été élevé en France. Trotsky, après seulement quelques minutes avec Mornard, a eu des doutes sur la nationalité du visiteur. Comme l'a raconté Isaac Deutscher:
«Qui était-il [Mornard-Jacson] en réalité? Ils devraient le découvrir. Natalya était stupéfaite; il lui semblait que Trotsky «avait perçu quelque chose de nouveau chez ‘Jacson’, mais n'avait pas encore tiré de conclusions, ou plutôt n'était pas pressé de le faire». Pourtant, les implications de ses propos étaient alarmantes: si ‘Jacson’ les trompait sur sa nationalité, pourquoi le faisait-il? Et ne les trompait-il pas également sur d'autres points? À propos de quoi? Trotsky a dû avoir ces questions à l'esprit, car deux jours plus tard, il a répété ses observations à Hansen, comme pour vérifier si des doutes similaires avaient été exprimés par quelqu'un d'autre que lui.» [37]
Le fait que Trotsky, après seulement quelques minutes de solitude avec Mornard, ait développé des doutes sur sa nationalité et soupçonné qu'il puisse être un imposteur, amène à se demander pourquoi Alfred et Maguerite Rosmer, tous deux français, n'ont jamais développé de soupçons similaires – même s'ils ont passé beaucoup plus de temps avec l'homme qui allait être l'assassin de Trotsky.
En fin d'après-midi du mardi 20 août, Mornard, sans rendez-vous, est de nouveau venu voir Trotsky. Malgré les inquiétudes que Trotsky lui avait directement transmises, Joseph Hansen – dont les connexions avec la GPU allaient être révélées près de quarante ans plus tard – approuva l'entrée de Mornard dans l'enceinte. Bien que le temps fût chaud et le ciel sans nuages, Mornard portait un chapeau et un imperméable. Un couteau, un pistolet automatique et un alpenstock étaient dissimulés dans son manteau. Mornard n'a pas été fouillé. Il a été autorisé à accompagner Trotsky dans son bureau. Il a donné à Trotsky ce qu'il prétendait être une nouvelle version de l'article qu'il avait présenté le 17 août. Alors que Trotsky lisait l'article, Mornard retira l'alpenstock de son manteau et l’asséna sur le crâne de Trotsky. Bien que mortellement blessé, Trotsky s'est levé de sa chaise et a repoussé l'assaillant. Harold Robins, ayant entendu Trotsky crier, se précipita dans le bureau et maîtrisa l'assassin.
En route vers l'hôpital de Mexico, Trotsky a perdu connaissance. Il est mort, avec Natalia à ses côtés, le soir suivant.
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Six mois avant son assassinat, le 27 février 1940, Trotsky avait écrit son Testament. Son intention était qu’il soit publié après sa mort. Bien que sa capacité de travail ne fût pas diminuée, Trotsky pensait qu'il n'avait plus beaucoup de temps à vivre. En plus de la menace permanente d'assassinat, il souffrait d'hypertension artérielle, pour laquelle il n'existait, à l'époque, aucun traitement efficace. Le Testament a rejeté «la calomnie stupide et vile de Staline et de ses agents: il n'y a pas une seule tache sur mon honneur révolutionnaire». [38] Il exprimait sa conviction que les générations révolutionnaires futures réhabiliteraient l'honneur des victimes de Staline «et traiteraient les bourreaux du Kremlin selon ce qu’ils méritaient». Avec une émotion évidente, Trotsky a rendu hommage à Natalia Sedova: «En plus du bonheur d'être un combattant pour la cause du socialisme, le destin m'a donné le bonheur d'être son mari». [39] Trotsky a ensuite réaffirmé pour la postérité le but, les principes et la philosophie qui avaient guidé l'œuvre de sa vie:
«Pendant quarante-trois ans de ma vie consciente, je suis resté un révolutionnaire; pendant quarante-deux d'entre eux, j'ai combattu sous la bannière du marxisme. Si je devais tout recommencer, j'essaierais bien sûr d'éviter telle ou telle erreur, mais le cours principal de ma vie resterait inchangé. Je mourrai révolutionnaire prolétarien, marxiste, matérialiste dialectique et, par conséquent, athée irréconciliable. Ma foi dans l'avenir communiste de l'humanité n'est pas moins ardente, elle est même plus ferme aujourd'hui, qu'elle ne l'était au temps de ma jeunesse.» [40]
L'humanité et la largeur de vue de Trotsky ont trouvé leur expression parfaite dans la conclusion du Testament:
«Natacha vient de monter à la fenêtre de la cour et l'a ouverte plus largement pour que l'air puisse entrer plus librement dans ma chambre. Je peux voir la bande d'herbe lumineuse sous le mur, et le ciel bleu clair au-dessus du mur, et la lumière du soleil partout. La vie est belle. Que les générations futures la purifient de tout mal, de toute oppression et de toute violence et qu'elles en profitent pleinement.» [41]
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Quatre-vingts ans se sont écoulés depuis l'assassinat de Trotsky. Et pourtant, le temps n'a pas diminué sa stature. L'ombre projetée par ce géant politique du XXe siècle est encore plus grande au XXIe siècle.
L'histoire a donné raison à Trotsky et a vaincu ses ennemis. L'édifice du stalinisme a été réduit en miettes. Le nom de Staline est maintenant et sera toujours associé à des trahisons criminelles. Les dommages que ses crimes ont causés à l'Union soviétique – politiquement, économiquement et culturellement – sont irréparables. On ne se souviendra de Staline que comme de l'une des deux figures les plus monstrueuses du XXe siècle, un tueur en série contre-révolutionnaire des socialistes, surpassé dans le mal seulement par Hitler. Trotsky avait raison: «La vengeance de l'histoire est bien plus terrible que la vengeance du secrétaire général le plus puissant». [42]
La place de Trotsky dans l'histoire perdure et s'élargit encore parce que les tendances et les caractéristiques fondamentales du capitalisme et de l'impérialisme contemporains correspondent à son analyse de la dynamique de la crise capitaliste mondiale et de la logique de la lutte des classes à l'échelle mondiale. Ses écrits – indispensables pour comprendre le monde contemporain – restent aussi frais que le jour où ils ont été écrits. La vie et les luttes de Trotsky, son dévouement indéfectible à la libération de l'humanité, resteront dans l'histoire.
Le monde n'a pas dépassé Lev Davidovich Trotsky. Nous vivons toujours à l'époque qu'il a définie comme l'agonie du capitalisme. La solution qu'il a apportée à la crise du capitalisme – la révolution socialiste mondiale – est la seule voie historiquement progressiste pour sortir de la crise existentielle du système capitaliste.
Mais cette solution exige la résolution de la crise de la direction révolutionnaire. C'est la tâche à laquelle le Comité international de la Quatrième Internationale se consacre à nouveau alors qu'il commémore le quatre-vingtième anniversaire de la mort de Trotsky.
Fin
[1] “Once Again on the ‘Crisis of Marxism,” in Writings of Leon Trotsky 1938–39 (New York: 1974), p. 205
[2] The Death Agony of Capitalism and the Tasks of the Fourth International (New York: 1981), p. 1
[3] Marx-Engels Collected Works Volume 5 (New York: 1976), p. 6
[4] Mieczyslaw Bortenstein (M. Casanova), Spain Betrayed: How the Popular Front Opened the Gate to Franco, Introduction at https://marxists.architexturez.net/history/etol/document/spain2/index.htm
[5] Ibid
[6] Citation by Trotsky from Que Faire article in “The Class, The Party, and the Leadership,” The Spanish Revolution 1931–39 (New York, 1973), p. 355
[7] Ibid, p. 355
[8] Ibid, pp. 355–56
[9] Ibid, p. 357
[10] “The Class, the Party, and the Leadership,” in The Spanish Revolution 1931–39 (New York: 1973), p.358
[11] Trotsky’s Diary in Exile 1935 (New York: 1963), p. 46, Emphasis in the original
[12] “The Class, the Party, the Leadership,” p. 361
[13] Ibid, p. 361–62
[14] Spain Betrayed, Chapter 21, at https://marxists.architexturez.net/history/etol/document/spain2/index.htm
[15] Ibid, Chapter 21 at https://marxists.architexturez.net/history/etol/document/spain2/index.htm
[16] “The Class, the Party, the Leadership”, p. 364
[17] Stalin: An Appraisal of the Man and His Influence, translated by Alan Woods (London: 2016), p. 663
[18] Ibid, p. 671
[19] Ibid, p. 671
[20] Ibid, p. 671
[21] Ibid, p. 671
[22] Ibid, p. 671
[23] Ibid, p. 667
[24] Ibid, p. 667
[25] Ibid, p. 689
[26] Walter Benjamin Selected Writings, Volume 4: 1938–1940 (Cambridge and London, 2003), p. 392
[27] Ibid, p. 392
[28] Ibid, pp. 402–03
[29] Stalin, op. cit., p. 682
[30] Ibid, p. 682
[31] Ibid, p. 683
[32] Ibid, p. 682
[33] Ibid, p. 689
[34] Ibid, p. 689
[35] International Committee of the Fourth International, Trotsky’s Assassin At Large (Labor Publications, 1977), p. 16
[36] Victor Serge and Natalia Sedova Trotsky, The Life and Death of Leon Trotsky (New York, 1975), p. 265
[37] The Prophet Outcast, Trotsky: 1929–1940 (New York: 1965), pp. 498–99
[38] Writings of Leon Trotsky 1939–40, p. 158
[39] Ibid, p. 158
[40] Ibid, pp. 158–59
[41] Ibid, p. 159
[42] Stalin, op. cit., p. 689
(Article paru en anglais le 8 septembre 2020)