La semaine dernière, des responsables russes et de l'OTAN ont menacé d'utiliser des armes nucléaires stratégiques qui pourraient faire des centaines de millions de victimes en Europe. Pendant ce temps, la France et l'Europe se trouvent au bord d'une crise économique et sociale majeure, avec d'importantes pénuries d'énergie et de nourriture probables dans les mois à venir.
Au milieu de cette crise, cependant, les médias français se sont obnubilés, au cours des deux dernières semaines, sur la vie personnelle du député Adrien Quatennens, ex-dirigeant de la France insoumise (LFI). Ce scandale a déclenché une crise au sein de la coalition Nouvelle Union Populaire Ecologique et Sociale (NUPES), dans laquelle LFI de Jean-Luc Mélenchon est le parti le plus important.
Le 12 septembre, l'hebdomadaire Le Canard Enchaîné a publié une fuite de la plainte déposée contre Quatennens par sa femme Céline, avec laquelle il est en instance de divorce. Dans une déclaration faite le 18 septembre, Quatennens a reconnu avoir arraché le téléphone des mains de sa femme et l'avoir giflée une fois «dans un contexte de tension extrême et d'agression mutuelle.» La plainte privée semble avoir été divulguée illégalement par la police.
La plainte, déposée par Céline Quatennens pour rendre compte de la détérioration de sa relation avec son mari, est de nature non pénale. Aucune accusation d'agression physique ou de tout autre crime n'a été portée contre Adrien Quatennens. Tout au long du scandale, les médias n'ont pas tenu compte du souhait exprimé par sa femme que l'affaire reste privée.
En réponse, Quatennens a annoncé son retrait de la direction de LFI dans une déclaration du 18°septembre. Avant sa démission, il était largement considéré comme le successeur potentiel du dirigeant de LFI, Jean-Luc Mélenchon. Malgré sa démission, la campagne se poursuit, les militants exigeant qu'il démissionne également de son siège à l'Assemblée nationale, auquel il a été réélu plus tôt cette année.
Le WSWS n'a pas d'estime particulière pour Quatennens, un militant dont le bilan reflète la faillite de la politique de la pseudo-gauche de LFI. Il a soutenu de manière constante l'intervention française au Mali et s'est exprimé avec sympathie sur les manifestations d'extrême-droite des policiers en 2019.
Il est toutefois évident que les médias français et les forces féministes de droite autour du mouvement #MeToo concoctent un scandale massif à partir de rien. Leur cible est le parti qui a représenté les quartiers ouvriers de la plupart des principales villes de France lors des élections présidentielles de cette année. Les appels à l'expulsion des Quatennens de l'Assemblée nationale, c'est-à-dire à l'annulation d'une élection sur la base d'une frénésie médiatique initiée par la police, sont profondément anti-démocratiques.
Le but de cette opération n'est pas de protéger les victimes de violence domestique. Elle vise à détourner l'attention de l'inquiétude croissante des travailleurs face à la guerre et à la question de savoir s'ils pourront acheter de la nourriture et chauffer leur maison cet hiver, tout en renforçant l'influence médiatique des agents de #MeToo en France.
Le 20 septembre, 500 'féministes militantes' du collectif #RelèveFeministe, dont de nombreux membres de LFI et de la coalition NUPES, ont publié une lettre dans le quotidien Libération, estimant que le retrait de Quatennens de la vie du parti LFI était insuffisant. Même s'il «ne fait pas l'objet à ce stade d'une condamnation judiciaire», il devrait également être contraint de démissionner de son poste de député à l'Assemblée nationale. Elle a affirmé que les «aveux de Quatennens le rendent politiquement responsable. ... Les agresseurs et les auteurs de violences ne peuvent représenter nos combats politiques.»
De hauts responsables de LFI ont dénoncé Quatennens pour violence domestique, malgré la nature non criminelle de la plainte de sa femme. Après la déclaration de Quatennens, la députée LFI Danièle Obono a tweeté une déclaration intitulée «une gifle est un acte violent». Elle a ajouté : «Nous voyons un monde fracturé par ces actes violents. La lutte des classes est pleine de ces actes violents. ... Nos amis, nos pères, nos amants, nos frères commettent ces actes de violence.»
La campagne de presse a également visé Mélenchon. Après la démission de Quatennens, il a tweeté: «Adrien a décidé de tout prendre sur lui. Je salue sa dignité et son courage. Je lui exprime ma confiance et mon affection.» Il a également dénoncé les «bavures policières» et le «voyeurisme médiatique».
Caroline De Haas, militante de #NousToutes et membre du Parti socialiste (PS), qui fait également partie de la coalition NUPES, a dénoncé le tweet de Mélenchon comme «une catastrophe». Le Premier ministre français Elizabeth Borne, membre du parti Renaissance du président Macron (anciennement La République En Marche!), a déclaré que la réponse «extrêmement choquante» de Mélenchon «banalisait la violence intrafamiliale».
Révolution Permanente (RP), un site web publié par les morénistes français de la pseudo-gauche, s'est joint à l'indignation de cette campagne réactionnaire. Un article a attaqué les propos de Mélenchon en les qualifiant de «largement choquants» et en les accusant d'avoir provoqué un «tollé légitime.»
Les «féministes militantes» de LFI, de la NUPES, de RP et du gouvernement de Macron ont trouvé des alliés à l'extrême droite. Jordan Bardella, président par intérim du Front national (RN) d'extrême droite de Marine Le Pen, a qualifié l'incident de «naufrage moral de la gauche» et s'est plaint que Mélenchon «défendait l'agresseur.»
On pourrait conclure de cette vague d'hypocrisie que les 35 millions de femmes françaises sont plus menacées par la main droite d'Adrien Quatennens que par les menaces de guerre nucléaire, de pénurie alimentaire et de coupure d'énergie en Europe.
En réalité, pas un seul de ces commentaires officiels d'indignation face à la violence prétendument intolérable de Quatennens n'a une once de crédibilité. Le gouvernement Macron et le PS ont mené une guerre de près de dix ans au Mali dans laquelle ils ont bombardé à plusieurs reprises des civils, tuant hommes, femmes et enfants. Quant à Bardella, qui dénonce la prétendue violence de la gauche, il dirige un parti dont le fondateur, Jean-Marie Le Pen, est surtout connu pour avoir torturé des civils algériens et nié l'Holocauste.
Une dernière question se pose cependant: Pourquoi LFI a-t-elle implosé face à la campagne médiatique contre Quatennens? Cela reflète l'énorme influence de la politique identitaire de la classe moyenne dans les partis de pseudo-gauche en faillite comme LFI.
Lors des élections présidentielles d'avril dernier, le parti de Mélenchon a obtenu près de 8°millions de voix, largement concentrées parmi les travailleurs urbains. Ayant manqué de peu la qualification pour le second tour, Mélenchon n'a pas essayé de mobiliser la puissance de son électorat contre la guerre, l'austérité ou l'indifférence au COVID-19 de Macron et de son adversaire, la néo-fasciste Marine Le Pen. Refusant d'appeler à des grèves ou à des manifestations, il s'est efforcé de désamorcer l'élan politique qu'il avait acquis grâce au vote. En effet, Mélenchon a annoncé qu'il pourrait être Premier ministre sous Macron ou Le Pen.
C'était un signe indubitable que LFI faisait tout ce qu'il pouvait pour étrangler le développement de l'opposition de la classe ouvrière aux élites dirigeantes françaises en faillite.
Aujourd'hui, alors que cet establishment se déchaîne contre Quatennens, LFI n'a à nouveau aucune opposition substantielle à proposer: Le parti a soutenu les guerres de l'OTAN et le sauvetage des banques qui provoquent la flambée des prix. Il est donc incapable de pointer l'hypocrisie des dénonciations de la violence de ses critiques de droite et il est, de plus, hostile à la mobilisation de la classe ouvrière pour que celle-ci assure sa propre défense.
L'affaire Quatennens montre à nouveau qu'un mouvement d'opposition à la guerre impérialiste et aux inégalités sociales doit être organisé par la classe ouvrière indépendamment du milieu de la pseudo-gauche de LFI et en opposition à l'ensemble de l'establishment dominant.
(Article paru en anglais le 28 septembre 2022)