Jeudi était le premier jour d’action organisé par les centrales syndicales en France après le recours de Macron au 49.3 pour imposer sa réforme des retraites sans vote parlementaire. Macron a piétiné l’opposition des trois-quarts des Français hostiles à sa réforme. 3,5 millions de personnes se sont mobilisées en France hier, alors que la colère ouvrière explose contre cet action dictatoriale.
Il n’y a aucune voie «démocratique» pour les travailleurs dans le cadre de l’État capitaliste, et il n’y a rien à négocier avec Macron. Sachant que le 49.3 ferait exploser la colère, il a mis en place le plus gros dispositif policier jusqu’à présent pour attaquer les manifestants. 5.000 flics lourdement armés étaient mobilisés à Paris et des dizaines de milliers dans toute la France; des échauffourées et des incendies ont éclaté à travers le pays.
Il y a eu une mobilisation record à Marseille (245.000 manifestants), Toulouse (120.000), Bordeaux et Lille (100.000), et Lyon (50.000), selon les syndicats. Plusieurs villes moyennes ont aussi vu des records dont Brest, Caen et Nice (40.000), Saint-Etienne (35.000), et Rouen (23.000). A Paris, les syndicats ont avancé le chiffre de 800.000 manifestants.
Les forces de l’ordre avaient manifestement l’ordre d’attaquer les cortèges même plus brutalement qu’auparavant. Ils ont systématiquement bloqué les parcours des mobilisations et chargé des parties des cortèges, provoquant des affrontements qui se sont intensifiés pendant la journée. Ce matin, le ministre de l’Intérieur a fait état de 457 interpellations et de 441 policiers blessés dans tout le pays.
A Bordeaux, les flics ont fait usage de lacrymogènes et chargé le cortège vers le début de la manifestations, et des affrontements ont eu lieu à travers le centre-ville. Au soir, un groupe de manifestants a incendié l’entrée de l’Hôtel de ville.
Les grévistes qui avaient participé à la mobilisation sur Marseille se sont ensuite rendus au dépôt pétrolier de Fos-sur-Mer pour soutenir les grévistes réquisitionnés. Un important dispositif policier a été déployé. Pour enrayer la pénurie de pétrole causée par la grève des raffineries, l’État réprime les travailleurs des raffineries, en tentant de les réquisitionner pour les forcer à reprendre le travail, sous peine de 6 mois de prison et de 10.000 euros d’amende.
En Normandie, pour essayer d’aider les grévistes au dépôt pétrolier CIM, les dockers du Havre ont placé des conteneurs pour bloquer l’entrée au site. A Rouen, une grenade de désencerclement lancée par la police a partiellement arraché la main d’une enseignante.
A Rennes, les flics ont utilisé deux canons à eau et des lacrymogènes dans plusieurs places de la ville. Nathalie Appéré, la maire PS de Rennes, a envoyé une lettre ouverte à Macron qui témoigne de la crainte dans les milieux dirigeants qu’il ne perde le contrôle de la situation. Elle a dit: «Jour après jour, les violences se répètent dans nos rues. Les scènes de chaos se succèdent Jour après jour les forces de polices sont mobilisées en nombre. Cela ne suffit plus à protéger notre ville. … J’en appelle au Président de la République : vous avez le pouvoir d’arrêter cette spirale.»
Le chef de La France insoumise, Jean-Luc Mélenchon s’est fait l’écho de cet argument hier soir sur TF1. Il a imploré Macron d’essayer de rétablir l’ordre et de gagner du temps en donnant à l’appareil l’État le temps d’étudier sa réforme.: «M. Macron, retirez votre réforme et donnez le dossier au conseil d'administration de la sécurité sociale. Entre 2027 et 2029, l'ensemble des caisses de la sécurité sociale seront à l'équilibre, c'est donc une affaire de répartition. Pas besoin de 2 ans de plus.»
Quoi qu’en dise Mélenchon, le conflit explosif entre la classe ouvrière et l’État capitaliste ne sera pas résolu par les manœuvres de l’administration française. Des forces de classe bien plus larges entrent en lutte. Macron, ayant proclamé mercredi lors de son entrevue télévisée qu’il assume son impopularité, dirige une guerre de classe de l’oligarchie financière et des forces de l’ordre contre les travailleurs. Et les travailleurs, s’étant mobilisés contre les mesures dictatoriales sur les retraites, ont lancé une confrontation bien plus large avec l’État capitaliste.
A Paris, les forces de l’ordre ont chargé le cortège tôt dans l’après-midi. Des affrontement se sont poursuivis à travers la ville; pendant un temps les flics ont nassé un grand nombre de manifestants place de l’Opéra. Des gendarmes mobiles sont arrivés des stations de métro pour tirer des lacrymogènes sur la foule, qui scandait: «Tout le monde déteste la police.»
Pour la première fois dans cette mobilisation contre Macron, les forces de l’ordre ont aussi mobilisé des chiens contre les manifestants.
La police elle-même est surmenée par l’intensité de la répression qu’elle organise. On voit des policiers se reposer dans les rues, ou d’unités de police désorientées qui se tirent des lacrymogènes dessus.
A Paris, le WSWS a interviewé Maïa, une lycéenne, sur le recours au 49.3. Elle a dit: «On n’est pas dans une démocratie. C’est plusieurs manifestations qu’on a faites depuis le début. Du coup, ça veut dire que s’ils imposent chaque fois leur loi et ils n’ont pas peur de se faire virer après, ils vont imposer toutes leurs lois. Ce sera facile.»
Deux étudiantes, Fanny et Ninon, ont également dénoncé le 49.3: «Cest honteux, c’est une entrave à la démocratie… A aucun moment le peuple s’est-il senti écouté, il s’est même senti méprisé. On avait l’impression que la chose qui les gênait le plus, c’était que les poubelles ne soient pas ramassées. Les Français étaient quand même favorables à 71 pour cent contre la motion de censure (visant le gouvernement après le recours au 49.3), donc ça en dit beaucoup ».
Ninon a souligné la colère qui monte parmi les jeunes, alors que l’État capitaliste bloque toute avenue à l’intérieur du système politique actuel permettant aux masses de faire entendre leurs opinions et leurs intérêts.
Ninon a dit: «Nous ça fait plusieurs années qu’on va manifester et on sent que c’est nécessaire. Chaque fois, on a eu la même impression de mépris de cette colère qui existe depuis longtemps. On a employé tous les moyens démocratiques et ça ne marche pas, les questions se posent. Nous on a joué le jeu de la démocratie mais eux, ils ne le jouent pas en face.»
Fanny a pointé le lien entre la politique antidémocratique de Macron et les énormes fortunes accumulées par les milliardaires en France. Elle a dit: «Pour moi ça devrait être illégal. C’est impossible de gagner autant d’argent sas avoir un certain moment exploité des gens, c’est sûr. Ce sont des sommes astronomiques, c’est aberrant.»
Hier soir, l’intersyndicale a annoncé une autre mobilisation d’un jour, pour le 28 mars. Ces appareils, dont les dirigeants discutent à la fois de la réforme et de l’organisation des manifestations avec Macron, craignent de perdre totalement le contrôle du mouvement. Ils n’ont aucune intention de lutter pour faire chuter Macron, mais s’activent surtout afin d’essayer d’empêcher les travailleurs de les déborder.
Les travailleurs et les jeunes ne peuvent pas lutter contre Macron dans le cadre étriqué que tentent d’imposer ces organisations. Il faut organiser les travailleurs dans des comités de la base, indépendants des appareils syndicaux, pour coordonner grèves, luttes et actions de défense des travailleurs vis-à-vis la répression policière, et cela non seulement en France mais à l’échelle européenne et internationale. C’est directement lié à la question de la perspective et de la stratégie à développer contre l’État policier de Macron.
Il n’y a rien à négocier avec Macron, il faut faire chuter son régime. La voie pour aller de l’avant est de transférer le pouvoir des institutions discréditées de l’État capitaliste aux organisations de lutte indépendantes construites par les travailleurs en une révolution socialiste visant à construire les Etats-unis socialistes d’Europe.