16 novembre, 2016
Le Comité international de la Quatrième internationale (CIQI) fonde actuellement sa section française, le Parti de l’égalité socialiste (PES). Celui-ci lutte pour gagner les travailleurs en France au programme de la révolution socialiste mondiale avancé par le CIQI, sur la base de la continuité ininterrompue de la défense du trotskysme et de l’héritage du marxisme classique par le CIQI. Alors que la crise mondiale du capitalisme discrédite l’établissement politique français, le CIQI est confiant que ce programme obtiendra un soutien grandissant.
Il y a 25 ans, quand la bureaucratie stalinienne a dissous l’URSS, les apologistes du capitalisme ont dit que la prétendue fin du « danger communiste » garantirait la paix, la prospérité et la démocratie. Mais ce que le capitalisme a réellement accompli en un quart de siècle, c’est qu’il a rappelé aux travailleurs du monde entier pourquoi leurs frères et sœurs de classe russes s’étaient vus obligés, il y a un siècle, de renverser le capitalisme par la révolution d’Octobre 1917 sous la direction du Parti bolchévique.
La crise économique mondiale déclenchée par le krach de Wall Street en 2008 et la première riposte révolutionnaire du prolétariat qui l’a suivi, les soulèvements d’Egypte et de Tunisie en 2011, ont accéléré la poussée des puissances impérialistes vers un nouveau partage du monde entre elles. Les guerre impérialistes s’étendent autour de l’Europe, depuis le Moyen Orient et l’Afrique jusqu’à l’Europe de l’est et à l’Asie, risquant de provoquer une nouvelle guerre mondiale. La bourgeoisie européenne a abandonné les dehors pacifistes et réformistes qu’elle s’était donnés pendant la Guerre froide pour contrer le défi idéologique posé par l’existence de l’URSS. L’Union européenne (UE) impose brutalement un diktat d’austérité à tout le continent, sabre les acquis sociaux tout en donnant des milliers de milliards d’euros aux banques, et met en place l’infrastructure légale et sécuritaire d’un Etat policier. L’objectif premier de l’infrastructure de surveillance policière est la répression violente de l’opposition ouvrière à l’austérité.
La situation politique en France est marquée par une vaste contradiction. La tradition révolutionnaire du prolétariat français a été une composante essentielle de la naissance et du développement du socialisme marxiste il y a un peu moins de deux siècles. La révolution d’Octobre a été puissamment soutenue par la classe ouvrière française et les principales luttes révolutionnaires en France au 20e siècle représentent de grandes expériences stratégiques du prolétariat international. Mais alors que le capitalisme mondial est déchiré par la montée de la guerre et la crise économique la plus profonde depuis les années 1930, aucune tendance politique en France ne lutte pour un renversement révolutionnaire du capitalisme par les travailleurs ni pour la construction du socialisme.
Les forces qui ont dominé la politique « de gauche » depuis 1968 sont profondément hostiles au socialisme et à la classe ouvrière. La colère de la population éclate face à la politique réactionnaire de guerre, d’austérité et d’attaques des droits démocratiques qui a été poursuivie par le Parti socialiste (PS) et ses satellites durant toute une période historique. Il est de plus en plus clair que la fondation du Parti socialiste (PS) en 1969, la longue désintégration du Parti communiste français (PCF) stalinien, et la domination de la politique d’« extrême gauche » officielle par la petite bourgeoisie post-soixante-huitarde a laissé les travailleurs sans représentation politique aucune.
Hollande lui-même a expliqué à des banquiers de Londres pendant la campagne électorale de 2012 que, « De nos jours, il n’y a plus de communistes en France. La gauche a libéralisé l’économie et ouvert les marchés à la finance et à la privatisation. Il n’y a rien à craindre ».
Pendant des décennies, le PS et ses alliés ont cherché a redéfinir la politique « de gauche » selon les préoccupations de sections aisées de la classe moyenne. Ils ont promu le soutien aux guerres « humanitaires » de l’impérialisme au lieu de l’opposition à l’impérialisme, le « dialogue social » entre les bureaucraties syndicales et la grande entreprise au lieu de la lutte des classes, l’islamophobie et le nationalisme au lieu de la solidarité ouvrière. Dans la mesure où ces forces peuvent prétendre représenter le socialisme, elles ne font que pousser des électeurs excédés vers le Front national néo-fasciste.
La lutte de classes ne connaît pas de trêve. Les partis existants étant des instruments de la classe dirigeante, la tâche essentielle est de construire une alternative révolutionnaire pour la classe ouvrière. Le PES lutte pour devenir un parti d’avant-garde de masse de la classe ouvrière et se fonde sur la continuité internationale ininterrompue de la lutte du CIQI pour le trotskysme contre la social-démocratie, le stalinisme, et l’anti-marxisme petit-bourgeois.
La classe dirigeante n’a pu éliminer complètement le souvenir de Trotsky et du trotskysme en France. Ceux-ci sont associés à jamais à l’opposition à la trahison par le stalinisme des opportunités révolutionnaires du 20e siècle en France : la grève générale de 1936, la Libération de l’occupation nazie en 1944 et la grève générale de 1968.
Le PES sait, toutefois, que le seul fait de se déclarer trotskyste ne fera pas rejoindre ses rangs à des masses de travailleurs ou de jeunes et ne clarifiera pas le contenu politique de son programme. Depuis 45 ans, le trotskysme a été associé faussement aux descendants de renégats petit-bourgeois du trotskysme opérant autour du PS ou en son sein. Le CIQI n’a pas eu de section française depuis 1971, année où l’Organisation Communiste Internationaliste (OCI) de Pierre Lambert (aujourd’hui le Parti ouvrier indépendant démocratique, POID) a rompu avec la Socialist Labour League (SLL) britannique, la section dirigeante du CIQI à l’époque. L’OCI a rejoint un milieu international de groupes petit-bourgeois – dont, en France, la Ligue communiste révolutionnaire (LCR, aujourd’hui Nouveau parti anticapitaliste, NPA) et Lutte ouvrière (LO) – contre lesquels le CIQI avait été fondé en 1953. Ces partis n’offrent aucune alternative au PS, comme l’a récemment démontré leur allié grec Syriza qui, après avoir pris le pouvoir l’an dernier, a servilement imposé le diktat d’austérité de l’UE.
Le PES lutte pour démontrer aux travailleurs avancés l’opposition irréconciliable entre la lutte trotskyste du CIQI pour l’internationalisme prolétarien et cette pseudo gauche réactionnaire. Le PES leur est implacablement hostile. Il ne considère aucune de ces organisations comme trotskyste ou comme une organisation à laquelle on puisse faire adopter une politique trotskyste en faisant pression sur elle. Il rejette avec mépris leurs accusations de « sectarisme », par lesquelles elles désignent toute lutte politique principielle. Le PES fonde son opposition envers elles sur les leçons historiques et politiques de décennies de lutte révolutionnaire par le CIQI et ses prédécesseurs politiques.
Depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale jusqu’à Mai-juin 1968, le principal parti de la classe ouvrière française a été le Parti communiste français (PCF). Il a utilisé ses liens étroits avec le Kremlin et le fait qu’il se soit trouvé à la direction de la résistance armée à l’occupation nazie pour se prétendre l’héritier en France de la révolution d’Octobre. Il a exploité ce prestige pour promouvoir le nationalisme et trahir en France les grandes luttes révolutionnaires du 20e siècle. Au cours du dernier demi-siècle, sa trahison de la grève générale de 1968, sa participation à des gouvernements PS réactionnaires et son soutien à la restauration par le Kremlin du capitalisme en URSS l’ont discrédité. Sa trajectoire confirme la critique du stalinisme par Trotsky : qu’il est une réaction contre-révolutionnaire et antimarxiste contre la perspective de la révolution socialiste mondiale.
En 1935, le mouvement stalinien a adopté une stratégie d’alliances avec des partis bourgeois dans des ‘Fronts populaires’, abandonnant délibérément la lutte pour la révolution socialiste hors de l’URSS. Cette stratégie, qui découlait de la répudiation par la bureaucratie soviétique de la révolution mondiale et de sa théorie du « socialisme dans un seul pays », violait directement un principe central du marxisme : la nécessité d’établir l’indépendance politique de la classe ouvrière par rapport à la bourgeoisie. Elle a produit de terribles défaites au plan international. En Espagne, le Front populaire a étranglé des soulèvements ouvriers et mené la République espagnole à la défaite face à la rébellion fasciste de Franco. Le Front populaire en France, resté au pouvoir durant la grève générale de 1936 que les staliniens ont trahie en échange de concessions négociées avec les fédérations patronales, a écrasé la vague de grèves qui s’est poursuivie jusqu’en 1938.
Peu après la grève générale de 1936, Staline a lancé les Procès de Moscou où il a liquidé les Vieux bolchéviks qui avaient dirigé la révolution d’Octobre, sur des accusations de terrorisme et de fascisme fabriquées de toute pièce. Cela a préparé le terrain pour les Grandes purges et le génocide politique des marxistes au sein de l’Internationale communiste, qui s’est achevé par l’assassinat de Trotsky. En France, tout en isolant les grèves à la suite de la grève générale de 1936 et en permettant à l’Etat de les écraser, le Parti communiste dénonça violemment Trotsky et attaqua ses partisans. La direction du PCF publia des calomnies contre Trotsky et les Vieux bolchéviks dans L’Humanité et aida la GPU à assassiner les trotskystes dans le monde entier.
Le stalinisme a privé le prolétariat européen de sa dernière chance d’éviter le carnage de la Deuxième Guerre mondiale par une révolution sociale. En France, où la bourgeoisie a adopté une attitude défaitiste envers l’invasion nazie de 1940 suite aux grandes luttes sociales des années 1930, il a préparé l’arrivée au pouvoir du régime fasciste de Vichy. L’Assemblée nationale vota les pleins pouvoirs à Pétain, qui dirigea la collaboration. Le PCF avait été interdit en 1939, après avoir approuvé le pacte de non-agression entre Staline et Hitler.
Dans la ligne de la politique contre-révolutionnaire de Moscou de se diviser le monde en sphères d’influence avec l’impérialisme anglo-américain après la Deuxième Guerre mondiale, le PCF a trahi la situation révolutionnaire à la Libération. Il a utilisé sa position dominante dans la Résistance afin d’aider le général de Gaulle et les autorités américaines et britanniques à fonder une Quatrième République capitaliste en France et à couvrir les crimes du fascisme. Adoptant le mot d’ordre trompeur de de Gaulle, « la France a résisté ! », il a bloqué l’épuration des collaborateurs, transformé les comités d’usine en organes de cogestion contrôlés par le patronat, dissous les milices de la Résistance dans l’armée bourgeoise et permis à la classe dirigeante de lancer des guerres coloniales, notamment en Indochine et en Algérie. Le PCF a d’abord rejoint le gouvernement de Gaulle et s’est avéré être un pilier d’ordre et de stabilité, trahissant les grèves insurrectionnelles de 1947 et la grève générale de 1953. Il a pour cette raison joui d’un large soutien parmi les intellectuels qui cherchaient à donner à leurs théories une coloration « de gauche » ou même marxiste, mais s’opposaient à une révolution socialiste.
La fausse assimilation du PCF à la révolution d’Octobre s’est avérée fatale pour le mouvement ouvrier français tel qu’il sortait de la Libération. Des millions de travailleurs ont adhéré aux syndicats et au PCF car le capitalisme avait été profondément discrédité par les crimes du fascisme. Mais ils rejoignaient des organisations empoisonnées par le nationalisme et dont la prétention à représenter la révolution était fondée sur des mensonges historiques : la couverture des crimes du fascisme en France, la défense inflexible des Procès de Moscou et la suppression du rôle du trotskysme en tant que continuateur de la révolution d’Octobre.
La guerre d’Algérie de 1954-1962 a rapidement révélé le rôle réactionnaire de l’élite politique de la Quatrième République, dont le PCF était partie intégrante. Quand Guy Mollet, de la SFIO social-démocrate (Section française de l’Internationale ouvrière), a demandé les crédits de guerre et les pouvoirs spéciaux, le PCF les a votés. Ensuite, le PCF ne s’est pas opposé au coup d’Etat avorté contre Mollet qui a permis à de Gaulle de reprendre le pouvoir en 1958 et de fonder la Cinquième république. La torture et le meurtre de masse pendant la guerre Algérie ont dévoilé le caractère réactionnaire du régime d’après-guerre. Les méthodes des paras français en Algérie rappelaient celles des autorités fascistes en France quinze ans auparavant. En France même, où une répression sanglante frappait les manifestations anti-guerre, le préfet de Paris et ancien vichyste Maurice Papon a supervisé un massacre le 17 octobre 1961, lors d’une manifestation du Front de libération nationale (FLN) algérien.
L’éruption de la grève générale de Mai-juin 1968 fut le point culminant d’une série de luttes ouvrières internationales qui ont miné l’ordre capitaliste d’après-guerre, y compris le régime gaulliste et le PCF en France. Un assaut sanglant de la police contre des manifestants à la Sorbonne déclencha une réaction de masse du prolétariat. Plus de 10 millions d’ouvriers firent grève, le drapeau rouge flotta sur les usines de toute la France, et l’économie française s’est arrêtée. Quand de Gaulle est allé d’urgence à Baden-Baden pour consulter ses généraux, il découvrit qu’il était impossible de compter sur leurs troupes pour marcher sur Paris et écraser le mouvement.
Le prolétariat international démontra son énorme potentiel révolutionnaire. De 1968 à 1975, les luttes ouvrières, les guerres anticoloniales et les manifestations de jeunes se sont répandues sur tous les continents. La chute des dictatures espagnole, portugaise et grecque, la démission du président américain Richard Nixon, la défaite américaine au Vietnam et des grèves de masse aux Etats-Unis secouèrent le capitalisme mondial dans ses fondements.
Le principal obstacle à la révolution socialiste était la crise de la direction révolutionnaire de la classe ouvrière. En France, le PCF et la CGT ont à nouveau bloqué une prise du pouvoir par les travailleurs, soutenu le régime gaulliste et négocié les Accords de Grenelle afin d’organiser sur plusieurs semaines le retour au travail. Mai si le PCF a pu bloquer une révolution, il a aussi détruit les illusions restantes qu’il était un parti révolutionnaire.
Le discrédit du PCF après 1968 n’ont cependant pas conduit à l’avènement d’un parti révolutionnaire ouvrier de masse, mais à celui du PS. Fondé lors de congrès à Alfortville et Epinay en 1969 et 1971, ce fut dès le départ non pas un parti socialiste, mais un parti du capital financier. Ce n’était pas non plus une réédition de la vieille SFIO. La construction d’un tel parti aurait été en soi une initiative réactionnaire car la SFIO était un instrument du capital : elle avait soutenu la Première Guerre mondiale, s’était opposée à la révolution d’Octobre, avait voté dans sa majorité pour Pétain en 1940 et mené la guerre d’Algérie. Mais le PS incluait des forces plus à droite encore.
Le PS a été conçu comme l’outil électoral de François Mitterrand, ex-responsable de Vichy et garde des Sceaux sous Guy Mollet, étroitement lié aux dirigeants de la police vichyste, comme René Bousquet, qui avaient organisé la Shoah en France. Le PS regroupait les restes de la SFIO, la Convention des institutions républicaines de Mitterrand qui abritait des forces du vieux Parti radical liées à Vichy, des forces sociales-catholiques telles de les partisans de la revue Esprit, et des intellectuels de « gauche », des ex-staliniens et des ex-trotskystes du Parti socialiste unifié (PSU). C’était un parti bourgeois recruté surtout dans l’appareil d’Etat, les médias et le corps enseignant. Le PS devait toutefois se faire passer pour « socialiste », alors qu’un puissant mouvement d’opposition se développait parmi les travailleurs et les jeunes, où le PCF et le mouvement trotskyste conservaient une influence substantielle.
Le but du PS, comme l’expliqua Mitterrand plus tard à des responsables américains, était de détruire la base électorale du PCF, devenir le principal parti « de gauche » et prendre le pouvoir. Il se présentait comme socialiste en critiquant le PCF et les crimes historiques du stalinisme révélés dans les années 1960 et 1970. Mais cette critique ne se faisait pas du point de vue de la classe ouvrière, en se fondant sur la défense par Trotsky de la démocratie soviétique contre la bureaucratie stalinienne ou sur une critique trotskyste du rôle contre-révolutionnaire du PCF. Le PS attisait l’anticommunisme et des illusions dans la démocratie bourgeoise.
Il a exploité le virement à droite d’un PCF assommé par la grève générale de 1968. Le PCF a réagi aux luttes révolutionnaires de 1968-1975 en signant un Programme Commun avec le PS et le bourgeois Mouvement radical de Gauche en 1972 et en répudiant la dictature du prolétariat lors du tournant « eurocommuniste » de 1976. Le Programme Commun qui tentait de se draper dans les acquis négociés par le Front populaire en 1936, a ouvert le chemin non à des avancées sociales, mais à toute une époque de guerre sociale contre les travailleurs.
Le PS s’est surtout appuyé sur la guerre faite au marxisme en France par de larges secteurs de l’intelligentsia. Les intellectuels « de gauche » qui s’étaient surtout déplacés du PCF vers le maoïsme après la guerre d’Algérie et le discours secret de Khroutchev avouant les crimes de Staline, sont allés encore plus à droite après 1968. Terrifiés d’avoir frôlé une révolution sociale, ils ont abandonné le flirt avec le marxisme qu’ils avaient mené sous l’égide du PCF, pour monter une campagne médiatico-politique en faveur du PS.
Diverses forces, des « nouveaux philosophes » comme Bernard Henri-Lévy au poststructuraliste Michel Foucault en passant par l’historien de la révolution de 1789 François Furet, ont attaqué le « totalitarisme » présenté comme le produit inévitable de toute révolution. Le concept du « totalitarisme » établissait un amalgame entre communisme, stalinisme et fascisme, mais ses adeptes ne visaient ni le fascisme ni les crimes de Staline. Ils n’attaquaient ni les ex-vichystes comme Mitterrand ou Bousquet, ni le génocide politique du Kremlin contre le marxisme. Ils attaquaient le communisme et le marxisme en avançant une critique droitière de la politique antidémocratique du Kremlin. Ils firent la promotion de dissidents libéraux russes réprimés par le Kremlin tels Alexandre Soljénitsyne. Passant sous silence les crimes de l’impérialisme, hostiles à une lutte des travailleurs soviétiques contre la bureaucratie stalinienne, ils jetèrent les bases théoriques d’un soutien « de gauche » à l’anticommunisme, à la restauration capitaliste en URSS et, plus tard, aux guerres « humanitaires » contre des pays ex-coloniaux dont on dénonça également les dirigeants comme « totalitaires ».
Ils attaquaient aussi la lutte pour le pouvoir, à laquelle ils préféraient « l’autogestion ». Les appels à l’autogestion, associés au départ à une tentative infructueuse des travailleurs de gérer eux-mêmes l’usine Lip en faillite, avaient un caractère vague mais toujours antimarxiste. Le dirigeant du PSU Michel Rocard avouait que le concept était « ambigu », mais qu’il facilitait « un rejet du genre de régime qu’impose l’URSS ». Plus crûment, Esprit avertissait que des luttes fondées sur « les principes ... du socialisme produisent un Etat totalitaire » et applaudissait l’autogestion comme une « castration du désir de pouvoir ».
Cela a préparé le terrain pour l’arrivée au pouvoir de Mitterrand en 1981, avec le soutien du PCF. Exploitant le mécontentement social dû à l’impact de la crise économique des années 1970 et à la politique d’austérité de Valéry Giscard d’Estaing, Mitterrand a promis de nationaliser de grandes entreprises et d’augmenter le pouvoir d’achat. Mais une fois au pouvoir, il a vite répudié son programme. Face à une fuite totalement prévisible des capitaux, il a refusé d’imposer des contrôles financiers et a proclamé un « tournant de la rigueur », attaquant les emplois et les prestations sociales.
La trahison par Mitterrand des promesses du PS a provoqué la colère et la désillusion parmi les travailleurs. Mais aucun parti ne luttait pour une politique révolutionnaire indépendante du PS, et cette opposition ne put finalement s’exprimer de manière organisée. Dans cette situation surréelle, où la séparation de classe entre les travailleurs et les forces privilégiées du mouvement étudiant et de l’appareil d’Etat devenait un gouffre, le mouvement ouvrier a commencé à péricliter. Les syndicats se sont effondrés, tout comme le nombre de leurs adhérents et l’intensité des grèves, et ils sont devenus un appareil corporatiste presque exclusivement financé par le patronat. La petite bourgeoisie radicalisée a bâti une série d’organisations contrôlées par le PS et ses alliés politiques, tels que SOS Racisme et les syndicats étudiants. Celles-ci ont servi à surveiller la population et au besoin à organiser des mobilisations limitées servant de soupape pour le mécontentement social.
Si le PS, un parti qui attaquait le PCF depuis la droite, s’est établi comme force dominante « à gauche » en France après 1968, c’est avant tout à cause de la crise du mouvement trotskyste et de la trahison du trotskysme par l’OCI, qui ont bloqué l’émergence d’une alternative à gauche. L’OCI a rompu avec le CIQI et adopté la perspective de l’Union de la gauche, recherchant une alliance politique et électorale avec le PS et le PCF. L’OCI prétendait que cela produirait un front unique d’organisations ouvrières, mais le résultat a été en fait un regroupement antiouvrier dominé par le PS, un parti bourgeois.
C’était là une répudiation flagrante de la lutte pour l’indépendance politique de la classe ouvrière et contre les influences bourgeoises au sein du mouvement trotskyste qui était au cœur de la lutte de Trotsky et de celle du CIQI. En adoptant la perspective de l’Union de la gauche, l’OCI a contribué à créer le cadre politique de tous les gouvernements bourgeois « de gauche » d’après 1968, rejoignant un large milieu petit-bourgeois orienté vers le PS.
Dans ce milieu, on retrouvait LO et le NPA/LCR. LO avait été fondé en tant qu’organisation syndicaliste en 1956 sous le nom de Voix ouvrière et modifia son nom en 1968. Il regroupait les membres d’un groupe actif dans les années 1930 et 1940 et dirigé par David Barta. Ce groupe s’est réclamé du trotskysme mais a refusé de rejoindre la Quatrième internationale (QI) sous le prétexte réactionnaire que la classe ouvrière luttait sur le sol national et que la QI était donc une organisation petite-bourgeoise. Le groupe Barta a organisé des actions communes avec la QI, dont la grève à Renault qui a déclenché les grèves insurrectionnelles de 1947, tout en gardant des liens étroits avec l’anarcho-syndicalisme. Les médias et l’élite politique qualifient LO de trotskyste notamment lors des campagnes présidentielles, mais c’est un allié fiable du PS. Son orientation nationaliste et anarcho-syndicaliste sous-tend sa couverture des trahisons des luttes ouvrières par les syndicats, son incitation de la haine islamophobe par son soutien à l’interdiction du voile et de la burqa et son soutien tacite à la politique étrangère de l’impérialisme français.
Le CIQI a été fondé en 1953 dans une lutte directe contre la tendance révisionniste pabliste au sein de la QI, dont descend le NPA/LCR. Cette tendance est née au sein du secrétariat international de la QI à Paris, dirigé par Michel Pablo et Ernest Mandel, qui avaient tout d’abord expulsé la majorité de la section française parce qu’elle s’opposait à leur ligne politique. Le CIQI est intervenu pour défendre le trotskysme contre Pablo et Mandel qui insistaient pour dire que la QI devait se liquider dans les partis staliniens et nationalistes bourgeois qui s’étaient retrouvés à la direction de mouvements ouvriers et de soulèvements anticoloniaux de masse après la Deuxième Guerre mondiale. Les pablistes prédisaient qu’une « guerre-révolution » entre les staliniens et l’impérialisme remplacerait la révolution menée par la mobilisation indépendante de la classe ouvrière, comme en Russie en 1917; des « guerres-révolutions » victorieuses produiraient des dictatures comme les régimes staliniens en Chine et en Europe de l’est qui dureraient des siècles, et desquelles le socialisme émergerait dans un avenir lointain.
L’histoire eut tôt fait de réfuter les prophéties de Pablo et Mandel. Moins de 40 ans plus tard, les régimes staliniens en URSS, en Europe de l’est et en Chine avaient restauré le capitalisme et les régimes nationalistes des pays ex-coloniaux s’étaient ouverts au capital financier impérialiste.
L’histoire avait démontré le rôle contre-révolutionnaire du pablisme bien avant. La scission du CIQI avec le pablisme s’est produite quelques mois seulement après la trahison par le PCF de la grève générale de 1953, à laquelle les pablistes se sont adaptés. La banqueroute du régime bourgeois algérien qui prit le pouvoir en 1962 a elle aussi dévoilé la faillite de l’orientation pabliste vers la bourgeoisie des pays ex-coloniaux. A la différence de l’OCI, qui a tenté sans succès de développer un mouvement trotskyste algérien via des discussions avec le Mouvement national algérien de Messali Hadj, les pablistes n’ont même pas tenté de construire un mouvement en Algérie. Ils ont fabriqué des faux billets et aidé à armer le FLN, que Pablo a brièvement conseillé avant de quitter l’Algérie après le coup d’Etat de Boumediene.
Le CIQI s’est opposé au pablisme qui s’adaptait aux staliniens et aux nationalistes prévalant à l’époque et expliqua que c’était un assaut petit-bourgeois contre le marxisme. En réduisant la politique à un conflit entre les gouvernements impérialistes et staliniens, le pablisme réduisait le prolétariat international, la force centrale dans marxisme classique, à l’insignifiance. De plus, il adoptait des conceptions très répandues au sein de la bourgeoisie française. Son opposition virulente à l’existence indépendante continue du mouvement trotskyste répondait aux préjugés petit-bourgeois bien connus vis-à-vis de l’instrument politique central du marxisme : le parti révolutionnaire prolétarien.
La majorité de la section française s’est opposée au pablisme, mais elle est devenue de plus en plus sceptique vis-à-vis de l’histoire du CIQI et du mouvement trotskyste. Au Troisième congrès du CIQI en 1966, l’OCI a amené une délégation de LO et commença à proposer une « reconstruction » de la QI. La proposition d’une « reconstruction » signifiait une réorientation centriste qui abandonnait l’intransigeance originelle de la lutte du CIQI contre le pablisme et un rapprochement avec la large couche de satellites petit-bourgeois des sociaux-démocrates et du PCF.
En 1968, l’OCI a tenté d’orienter les étudiants en lutte vers la classe ouvrière et a organisé une grève cruciale à l’usine Sud-aviation de Nantes qui a aidé à déclencher la grève générale. Mais elle a adopté une position syndicaliste, proposant seulement de former un comité central de grève avec tous les syndicats et les partis ouvriers. La SLL britannique a correctement critiqué l’OCI pour n’avoir pas appelé le PCF et la CGT à prendre le pouvoir afin de soulever la question du pouvoir d’Etat parmi les ouvriers, démasquer le rôle contre-révolutionnaire du PCF et lutter pour prendre la direction politique du prolétariat. L’orientation toujours plus centriste et sceptique de l’OCI a eu des conséquences fatales quand la montée du radicalisme après 1968 a produit un afflux de nouveaux membres à l’OCI, surtout tirés de la jeunesse étudiante.
En 1971, la SLL et la majorité des sections du CIQI ont annoncé une scission avec l’OCI. La critique de l’opportunisme de l’OCI par la SLL était largement justifiée. La carrière de Lionel Jospin, devenu d’abord secrètement membre simultané de l’OCI et du PS, puis conseiller de Mitterrand et finalement premier ministre en est un bon exemple. Mais la SLL n’a pas mené la scission en apportant la clarification nécessaire des questions politiques. Elle n’a pas non plus tenté de recruter des forces au sein de l’OCI ou de construire un parti en France. Cette scission prématurée, qui bloquait la discussion de questions politiques essentielles, a eu pour effet de liquider le trotskysme en France pendant toute une période historique en tant que tendance politique organisée et allait s’avérer avoir des conséquences politiques sérieuses pour la SLL en Grande-Bretagne.
Pendant la scission de 1971, l’OCI a défendu sa ligne syndicaliste de 1968 et son orientation vers le PS. Selon elle, l’appel de la SLL à un gouvernement PCF-CGT en 1968 aurait divisé la classe ouvrière, isolé les syndicats sociaux-démocrates où l’OCI avait du soutien, et bloqué la formation d’un front unique ouvrier. Cela n’ignorait pas seulement le fait que la vaste majorité des travailleurs attendaient une politique révolutionnaire du PCF et non pas de syndicats sociaux-démocrates, cette position falsifiait également le caractère de classe du PS, qui est un parti bourgeois.
L’entrée de l’OCI dans une alliance politique durable avec le PS était une répudiation fondamentale de la perspective du CIQI. Abandonnant la lutte pour le trotskysme et l’indépendance politique de la classe ouvrière, l’OCI s’est convertie en parti bourgeois. Elle a adopté la perspective d’une Union de la gauche qui s’est avérée être le cadre politique dans lequel le PS a exercé son rôle dominant à partir de la présidence de Mitterrand en 1981. L’OCI a envoyé ses membres dans le PS et a fonctionné en tant que fraction du PS et des bureaucraties syndicales. Elle a non seulement joué ce rôle en France, elle a encore utilisé son influence pour établir des partis anti-classe ouvrière au plan international, notamment en Amérique latine, où elle aida à construire le Parti des travailleurs (PT) brésilien. En se dissolvant politiquement dans de tels partis bourgeois, les lambertistes n’essayaient pas de gagner des forces au trotskysme, mais de se mettre à la disposition des bourgeoisies française, brésilienne et internationale pour couvrir leurs politiques réactionnaires.
Après la scission non clarifiée avec l’OCI, la SLL a commencé à adopter une politique similaire en Grande Bretagne. Prenant le nom de Parti ouvrier révolutionnaire (WRP), elle a profité d’une vague d’opposition au gouvernement conservateur d’Edward Heath mais a commencé à minimiser la lutte contre le pablisme. Quand les travaillistes ont pris le pouvoir en 1974 et que le WRP eut du mal à continuer de recruter des travailleurs, il a cherché un soutien ailleurs – chez les nationalistes du Tiers monde, des factions de la bureaucratie syndicale et de la classe politique britannique – derrière le dos des autres sections du CIQI.
L’opposition au sein du CIQI à la dégénérescence du WRP a culminé dans la formulation en 1982 de critiques politiques et théoriques du WRP par David North, le secrétaire de la Ligue ouvrière (WL), le parti en solidarité avec le CIQI aux Etats-Unis. En 1985, quand une crise factionnelle a éclaté dans le WRP, le CIQI l’a suspendu en tant que section britannique et n’a réintégré que les membres acceptant l’autorité et la perspective internationale du CIQI. Le CIQI a publié une analyse détaillée du WRP, intitulée Comment le WRP a trahi le trotskyisme, ainsi que L’Héritage que nous défendons par David North, qui défendait la continuité de la lutte du CIQI pour le trotskysme contre une attaque virulente menée par le secrétaire général du WRP, Michael Banda. Ces documents établissaient comment le CIQI a défendu le trotskysme contre l’adaptation du WRP aux bureaucraties travaillistes et syndicales et contre son adoption du nationalisme bourgeois.
Le CIQI a développé une puissante offensive politique contre le révisionnisme petit bourgeois, alors que le conflit objectif entre la classe ouvrière et les vieilles bureaucraties ouvrières à perspective nationale et les partis petit-bourgeois qui les défendaient atteignait une intensité jamais vue. On assista à la trahison par les syndicats de grandes luttes au plan international, comme la grève de PATCO aux Etats-Unis en 1981 et la grève des mineurs en Grande-Bretagne en 1984-1985, et surtout à l’annonce des réformes libérales de la perestroïka par le régime soviétique de Mikhail Gorbatchev.
La période précédant la restauration capitaliste en URSS a révélé le gouffre de classe qui séparait le CIQI des mouvements petit-bourgeois pro-capitalistes tels que la LCR et l’OCI. Comme les Etats impérialistes, ils ont applaudi la perestroïka comme une réforme démocratique de la bureaucratie. Seul le CIQI a repris l’avertissement de Trotsky que la bureaucratie stalinienne finirait par restaurer le capitalisme en URSS et a averti que les réformes de Gorbatchev produiraient une restauration du capitalisme si les travailleurs soviétiques ne renversaient pas la bureaucratie.
La restauration du capitalisme en Chine et en Europe de l’est, et la dissolution de l’URSS en 1991 ont marqué la fin d’une époque historique et politique. L’avertissement de Trotsky quant à la nature contre-révolutionnaire du stalinisme était entièrement confirmé. Les partis staliniens européens, qui étaient en déclin depuis 1968, se sont effondrés. Passant sous silence la désintégration industrielle et économique des républiques post-soviétiques et la montée d’une oligarchie criminelle, des idéologues réactionnaires ont proclamé la fin de l’histoire et le triomphe du capitalisme.
Contre ces forces, le CIQI a insisté sur le fait que la restauration du capitalisme, si c’était une défaite du prolétariat mondial, ne mettait pas fin à l’ère historique des guerres impérialistes et de la révolution socialiste mondiale inaugurée par la Première Guerre mondiale et la révolution d’Octobre. La dissolution de l’URSS n’avait pas résolu les contradictions fondamentales du capitalisme identifiées par le marxisme. En fait, les mêmes conflits économiques et géostratégiques qui avaient poussé la bureaucratie stalinienne à restaurer le capitalisme en URSS minaient aussi l’impérialisme mondial.
Le CIQI a souligné l’importance de la mondialisation et des sociétés transnationales qui organisent des chaînes d’approvisionnement internationales dans une lutte acharnée pour maximiser les profits. Ces processus rendaient impossible toute poursuite d’une politique économique ou toute négociation des salaires et des conditions de travail à l’échelle nationale. Les stratégies de « développement national » des bourgeoisies ex-coloniales, les luttes syndicales sur le terrain national et l’orientation autarcique du stalinisme étaient toutes devenues obsolètes. Ces forces ont toutes commencé à attaquer les salaires et les acquis afin d’offrir le maximum de profit au capital financier mondial.
La crise sociale s’intensifiait parallèlement à une crise géostratégique montante de l’ordre impérialiste mondial. Les processus de la mondialisation et la redistribution du pouvoir économique qui en résultait minait non seulement les salaires, mais aussi les bases objectives de l’hégémonie mondiale des Etats-Unis. Washington, possédé par l’espoir fou que la disparition de son rival soviétique lui permettrait de compenser son déclin économique par le recours à la force militaire, s’est empêtré dans des tentatives de dominer le Moyen-Orient et l’Asie centrale qui ont produit des désastres. Il était impossible de revenir en arrière et de ressusciter les vieilles formes nationales de la vie économique; la mondialisation chauffait à blanc toutes les contradictions qui, au siècle précédent, avaient explosé en guerres mondiales et en révolutions. Cela était et reste la base objective de la révolution socialiste mondiale.
La grande question posée au prolétariat international toutefois, était la crise de direction révolutionnaire et de perspective historique. Le CIQI a lutté pour articuler les bases d’une conscience socialiste dans l’époque nouvelle et pour la présenter aux travailleurs. Il a travaillé sans relâche pour réfuter les représentants universitaires de l’école de falsification historique post-soviétique, qui dénonçaient Trotsky et déclaraient qu’il n’y avait aucune alternative socialiste au stalinisme et à la dissolution de l’URSS.
En 1995, les sections nationales du CIQI, organisées auparavant en ligues, se sont réorganisées en Partis de l’égalité socialiste. Cette initiative reflétait un changement de la conception des relations entre le CIQI et la classe ouvrière. L’adoption de politiques ouvertement anti-ouvrières par les vieilles organisations à perspective nationale, qui perdaient leurs bases ouvrières, rendait impossible toute lutte pour réorienter la classe ouvrière en posant des revendications à ces organisations et en recrutant les travailleurs qui y militaient. Le PES (Etats-Unis) expliqua : « A travers le monde, la classe ouvrière est confrontée au fait que les syndicats, les partis, et même les Etats qu’elle a créés auparavant ont été transformés en instruments directs de l’impérialisme. L’époque à laquelle les bureaucraties ouvrières ‘géraient’ la lutte des classes et servaient de pare-choc social entre les classes est révolue... Nous ne pouvons résoudre la crise de la direction révolutionnaire en ‘insistant’ pour que d’autres fournissent ce leadership. S’il va y avoir un nouveau parti, c’est à nous de le construire ».
En 1998, le CIQI a lancé le World Socialist Web Site en tant que quotidien sur Internet. Par le biais du WSWS, les sections du CIQI articulent collectivement une ligne politique unifiée et offrent des analyses, une perspective et une direction des luttes du prolétariat mondial. Au cours de ses 18 ans de publication ininterrompue, le WSWS s’est établi comme le site web socialiste le plus lu dans le monde.
L’intense travail politique et théorique du CIQI constitue le fondement de son intervention en France. Les années 1990 et 2000 ont vu des luttes de classe importantes en France : des grèves pour défendre les retraites comme la grève des cheminots de 1995 et la lutte des jeunes contre le Contrat Première Embauche (CPE). Face à la désintégration du PCF, des couches de travailleurs ont voulu s’orienter vers une alternative trotskyste. Mais le rôle réactionnaire de la LCR, de LO, et le PT lambertiste les en empêcha. Ayant défendu la restauration capitaliste en URSS, ces partis ont développé des liens plus étroits avec les partis staliniens et sociaux-démocrates moribonds de toute l’Europe, ainsi qu’avec les médias, les universités, et les appareils syndicaux. Tout en se prétendant « à gauche », ils soutenaient les guerres impérialistes, l’austérité sociale, et les attaques contre les droits démocratiques.
Leur faillite s’est illustrée tout au long de la période écoulée depuis la crise électorale de 2002. Cette année-là, le candidat présidentiel du PS, Lionel Jospin, a été éliminé au premier tour, et des manifestations ont éclaté contre un second tour entre le conservateur Jacques Chirac et Jean-Marie Le Pen du FN. La LCR, LO, et le Parti des travailleurs (l’ex-OCI) avaient reçu 3 millions de voix en tout. Cette même année, des manifestations anti-guerre éclataient contre la préparation de l’invasion illégale de l’Irak par Washington, qui eut finalement lieu en 2003. Mais la LCR, LO, et le PT n’ont rien su faire sauf gâcher cette occasion.
Le CIQI leur a envoyé une lettre ouverte qui proposait un boycott actif du second tour. Sans cacher ses différences politiques avec ces trois partis, le CIQI a expliqué qu’un boycott actif, mobilisant les travailleurs en lutte, les préparerait au mieux à lutter contre la politique que mènerait Chirac. Sans prendre même la peine de répondre, ces partis se sont alignés sur la campagne du PS pour un vote en faveur de Chirac, prétendument pour stopper une prise du pouvoir par le FN.
Pendant les quatorze années suivantes, ils ont suivi Chirac et le PS alors que l’élite dirigeante se tournait vers le néo-fascisme et la guerre. Et alors que l’Etat français abandonnait son opposition initiale à la guerre en Irak, ils ont applaudi les mesures racistes et islamophobes contre le port du voile et de la burqa. Ils sont allés encore plus à droite après le krach de 2008 et la première réponse du prolétariat international, les soulèvements révolutionnaires d’Egypte et en Tunisie en 2011. Quand leurs alliés grecs de Syriza sont arrivés au pouvoir l’an dernier, ils ont soutenu le premier ministre Alexis Tsipras alors qu’il continuait d’imposer l’austérité de l’UE contre le peuple grec. Ils ont soutenu comme des « révolutions démocratiques » non seulement les guerres de l’OTAN en Libye et en Syrie, mais un putsch fasciste à Kiev qui a installé un régime d’extrême-droite pro-OTAN en Ukraine, qui menace de déclencher une guerre totale avec la Russie. De telles politiques ont conduit le monde au bord d’une guerre nucléaire et de l’effondrement économique.
Le CIQI appelle ces forces la pseudo-gauche, une tendance qui a pour base des couches aisées des classes moyennes qui ressort de la dégénérescence du mouvement étudiant soixante-huitard. La pseudo gauche est antimarxiste, anti-ouvrière, hostile à la lutte des classes, et favorable à la guerre impérialiste, à l’austérité, et aux mesures d’Etat policier. Ces forces ne produiront que des désastres pour les travailleurs. En même temps, la colère explosive parmi les travailleurs envers le PS et ses alliés de pseudo gauche forme le fondement politique objectif du développement du PES en tant que parti trotskyste de masse.
Il y a 78 ans, la QI publiait son Programme de Transition fondateur qui avertissait, deux ans avant la Deuxième Guerre mondiale, de l’agonie du capitalisme. Le capitalisme est confronté à une nouvelle crise historique insoluble. Face à la crise de l’économie mondiale et de l’hégémonie américaine, les pays impérialistes se tournent à nouveau vers la guerre et la dictature. Le danger de guerre, les inégalités grotesques et les politiques antidémocratiques prédominent à travers le monde. Alors que l’austérité de l’UE révèle son caractère réactionnaire et que le néo-fascisme monte dans toute l’Europe, les guerres au Moyen Orient, les conflits de l’OTAN avec la Russie en Europe de l’est et le « pivot » des Etats-Unis « vers l’Asie » pour isoler la Chine menacent de déclencher une guerre mondiale. La tournant à réaliser, en 2016 comme en 1938, est vers le prolétariat international et la lutte pour le socialisme.
Dans sa résolution de 2014 intitulée « Le socialisme et la lutte contre la guerre impérialiste », le CIQI écrit : « Un nouveau bain de sang impérialiste n’est pas seulement possible, il est inévitable à moins que la classe ouvrière internationale n’intervienne sur la base d’un programme marxiste révolutionnaire.... Cependant, les mêmes contradictions qui poussent l’impérialisme au bord du précipice fournissent l’impulsion objective pour une révolution sociale ». La déclaration ajoute, « La construction de la Quatrième internationale, sous la direction du Comité international, est la question stratégique centrale. ... La tâche du CIQI est maintenant de travailler au développement de sections dans de nouveaux pays et régions du monde ».
Sur la base de cette perspective politique et historique, le PES (France) avance les principes suivants qui guideront son travail.
Acceptant l’autorité politique du CIQI, le PES tente de gagner les travailleurs en France au programme de la révolution socialiste mondiale sous la direction du CIQI. Cette révolution signifie que des masses de la population entrent dans une lutte politique consciente qui annonce la fin de l’organisation sociale de l’humanité en classes et ainsi, de l’exploitation de l’homme par l’homme. Sa tâche en France est de mobiliser la classe ouvrière pour prendre le pouvoir et instaurer un Etat ouvrier poursuivant une politique socialiste dans le cadre des Etats-unis socialistes d’Europe.
On ne peut instaurer le pouvoir ouvrier en élisant des socialistes aux structures de l’Etat bourgeois. Il faut développer comme base de l’Etat ouvrier de nouveaux organes de démocratie participative, créés lors de luttes révolutionnaires de masse, afin de représenter réellement les travailleurs, c’est-à-dire la vaste majorité de la population. Un tel Etat, introduisant des mesures essentielles pour la transformation socialiste de la société, veillerait à promouvoir une vaste extension du contrôle démocratique des décisions économiques par la classe ouvrière. De tels changements ne sont possibles que dans le contexte d’une mobilisation de masse des travailleurs, pénétrée de conscience socialiste. Cela crée les prémisses du développement d’une société véritablement démocratique, égalitaire et socialiste.
Cet objectif final ne peut être réalisé qu’à travers une lutte internationale pour unifier les travailleurs de tous les pays et créer une fédération mondiale d’Etats ouvriers organisant démocratiquement la mise en valeur et le développement des forces productive crées par le capitalisme mondialisé, afin de répondre aux besoins de l’humanité. Comme l’écrit Trotsky en exposant sa théorie de la Révolution permanente, « La révolution socialiste commence sur le terrain national, se développe sur l’arène internationale et s’achève sur l’arène mondiale. Ainsi, la révolution socialiste devient permanente au sens nouveau et le plus large du terme : elle ne s’achève que dans le triomphe définitif de la nouvelle société sur toute notre planète ».
Le PES lutte pour étendre l’horizon politique des travailleurs au-delà des frontières de la France, et pour expliquer que les luttes ouvrières en France sont inextricablement liées à un processus naissant de révolution socialiste mondiale nécessitant une stratégie et une perspective internationalistes. Le PES s’oppose à toute tentative de diviser les travailleurs sur des questions raciales, ethniques, linguistiques, religieuses, de genre ou d’orientation sexuelle. Le PES défend le droit de tous les réfugiés et immigrés de vivre, travailler, et étudier dans le pays de leur choix, avec tous les droits civiques dont jouissent les citoyens du pays. Il fonde sa politique sur l’unification du prolétariat international par la lutte révolutionnaire.
L’abolition des classes sociales est la tâche d’une époque historique. Les principes du PES se fondent donc sur l’histoire de toute cette époque : sur la lutte de Trotsky contre la trahison de la révolution russe par les staliniens, qui a ses racines dans la substitution par la bureaucratie soviétique du nationalisme à l’internationalisme, et sur la continuité internationale ininterrompue de la lutte du CIQI pour le trotskysme.
Le capitalisme et le système impérialiste mondial qui s’est développé sur ses fondations économiques sont les causes principales de la pauvreté, de la violence et de la souffrance humaine. L’histoire sanglante du 20e siècle – deux guerres mondiales, d’innombrables guerres « locales », et les dictatures fascistes en Europe – est une condamnation sans appel du capitalisme.
Les vastes forces productives et les avancées technologiques de la société moderne pourraient garantir un niveau de vie élevé à toute l’humanité. Mais la société capitaliste ne peut résoudre aucun de ses problèmes économiques, sociaux, écologiques ou culturels. Les conditions de vie des larges masses de la population s’effondrent au milieu la crise économique la plus intense depuis la Grande dépression. L’inégalité atteint des proportions grotesques : quelques dizaines de multimilliardaires détiennent plus de richesses que la moitié de l’humanité, et le 1 pour cent le plus riche autant que tout le reste.
La culture humaine, sans perspective ni espoir pour l’avenir, est à nouveau menacée par la guerre et le fascisme. La solution à cette crise n’est pas la réforme d’un capitalisme qui n’est pas réformable, mais son renversement. Comme le féodalisme a fait place au capitalisme, le capitalisme doit faire place au socialisme.
La manifestation la plus violente de la crise capitaliste est la montée des guerres impérialistes de pillage et des rivalités inter-impérialistes qui menacent l’humanité d’une nouvelle guerre mondiale. Ces conflits naissent des contradictions fondamentales du capitalisme analysées par Lénine et Trotsky il y a un siècle : celle entre l’économie mondiale et le système d’Etats-nations et celle entre le caractère international et social des processus de production et la propriété privée. Les moyens de production, contrôlés par des sociétés transnationales, opèrent au niveau mondial mais le capitalisme repose sur un système d’Etats-nations qui sert de base d’opération à chaque classe capitaliste dans la poursuite de ses intérêts mondiaux. La poussée incontrôlable des puissances impérialistes pour s’emparer des marchés, des ressources, de la main d’œuvre à bon marché, des sphères d’influence et des avantages géostratégiques conduit inévitablement à la guerre.
La France est une puissance impérialiste qui poursuit ses intérêts économiques et militaires au moyen de la guerre et d’interventions dans le monde entier. Au 19e siècle, elle a conquis un empire de dizaines de millions d’esclaves coloniaux en Afrique, au Moyen Orient et en Asie. Aujourd’hui, elle tente de reconquérir une zone d’influence en participant à une poussée guerrière impérialiste qui va du Moyen Orient et de l’Afrique à la périphérie de la Russie et de la Chine et menace de déclencher une nouvelle guerre mondiale.
Le PES condamne les guerres menées par la France et toutes les autres puissances impérialistes, et rejette les prétextes frauduleux, mis en avant par les impérialistes et leurs apologistes de pseudo gauche, que ces interventions défendent les droits de l’homme ou luttent contre le terrorisme. Il reconnaît le droit fondamental des peuples à se défendre contre des envahisseurs néo-coloniaux. Cette position principielle ne minimise en rien l’opposition du PES aux actes violents contre des civils innocents, dans des pays occupés ou ailleurs dans le monde. Ces actes réactionnaires, légitimement traités de terroristes, mettent en colère et désorientent la population, entretiennent les tensions ethniques et sectaires, et sapent la lutte pour l’unité internationale du prolétariat. Ils font le jeu d’éléments des classes dirigeantes impérialistes qui les exploitent afin de légitimer le recours à la guerre.
Le PES encourage et soutient les protestations les plus larges contre la guerre impérialiste. Il rappelle toutefois que puisque les causes de la guerre ont leur origine dans la structure du capitalisme et sa division politique en Etats-nations, la lutte contre la guerre impérialiste ne sera victorieuse que si elle mobilise la classe ouvrière sur la base d’une stratégie révolutionnaire internationale. Comme l’écrit le CIQI dans sa déclaration « Le socialisme et la lutte contre la guerre » :
La lutte contre la guerre doit se baser sur la classe ouvrière, la grande force révolutionnaire de la société, ralliant à elle tous les éléments progressistes de la population.
Le nouveau mouvement anti-guerre doit être anticapitaliste et socialiste, car il ne peut y avoir de véritable lutte contre la guerre sans une lutte qui vise à mettre fin à la dictature du capital financier et au système économique qui est la cause fondamentale du militarisme et de la guerre.
Le nouveau mouvement anti-guerre doit donc nécessairement garder une pleine et entière indépendance et hostilité envers tous les partis et organisations politiques de la classe capitaliste.
Le nouveau mouvement anti-guerre doit surtout être international et mobiliser toute la puissance de la classe ouvrière dans une lutte mondiale unifiée contre l’impérialisme. À la guerre permanente de la bourgeoisie, il faut opposer la perspective de la révolution permanente de la classe ouvrière, dont le but stratégique est d’abolir le système des États-nations et d’établir une fédération socialiste mondiale. Cela permettra le développement rationnel et planifié des ressources mondiales et, sur cette base, l’éradication de la pauvreté et l’expansion de la culture humaine vers de nouveaux sommets.
Le PES défend tous les droits démocratiques acquis durant plus de deux siècles de lutte contre les aristocraties françaises, d’abord féodale, puis capitaliste. Ces droits ont toutefois subi des attaques drastiques, notamment depuis la dissolution de l’URSS, la crise économique de 2008 et la décision de la France de rejoindre la prétendue « guerre contre le terrorisme ».
La réhabilitation de l’extrême-droite en Europe, les préparatifs pour utiliser l’armée en France contre l’opposition intérieure et la surveillance électronique de masse menée par les renseignements français et internationaux témoignent de la dégénérescence profonde de la démocratie bourgeoise. Le PS et la pseudo-gauche, qui ont dénoncé le marxisme et la révolution comme des dangers pour la démocratie, se sont avérés être les artisans et les défenseurs des mesures policières. Le danger qui menace la démocratie provient non du prolétariat mais de la bourgeoisie et de la crise du capitalisme, un système social condamné.
La défense des droits démocratiques est inséparable de la lutte pour le socialisme : tout comme il n’y aura pas de socialisme sans démocratie, il n’y aura pas de démocratie sans socialisme. Le déclin de la démocratie en France comme dans tous les pays à tradition démocratique bourgeoise, ne peut être combattu que par une lutte contre toute l’élite dirigeante, par la mobilisation politique indépendante de la classe ouvrière sur un programme socialiste.
La lutte pour le pouvoir nécessite l’indépendance politique totale de la classe ouvrière vis-à-vis des partis, représentants politiques, théoriciens et agents de la classe capitaliste. Les trahisons répétées d’occasions révolutionnaires par le stalinisme et la pseudo-gauche en France sont des exemples classiques des conséquences tragiques de l’emprisonnement du prolétariat dans des alliances débilitantes avec des partis représentant d’autres classes. En France cela signifie surtout une opposition inflexible au PS et à ses divers satellites staliniens et de la pseudo-gauche et le rejet du mensonge que ces forces seraient un moindre mal comparés aux autres partis bourgeois.
L’opposition du PES à cet établissement politique en faillite ne l’oblige aucunement à défendre des partis ou groupements, quels qu’ils soient, qui se développeraient en opposition à ce dernier. Le PES évalue de telles tendances non pas sur leurs positions épisodiques sur des questions spécifiques, mais sur leur histoire, leur programme, leur perspective, leur base sociale et leur orientation de classe.
La défense des intérêts fondamentaux de la classe ouvrière par le PES se fonde sur une compréhension scientifique, marxiste, de la nature du capitalisme et des lois qui la gouvernent, et de la dynamique politique de la société de classe. Cela oppose de façon irréductible le PES à la politique opportuniste qui sacrifie les intérêts à long terme du prolétariat à la poursuite de gains tactiques à court terme. L’opportunisme n’est cependant pas le simple produit d’erreurs théoriques ou intellectuelles. Il a sa source dans des forces matérielles de la société capitaliste et se développe au sein du mouvement ouvrier comme l’expression de forces de classe hostiles au prolétariat. Les tendances opportunistes comme celle dirigée par Staline au sein du Parti bolchévique dans les années 1920, par Pablo et Mandel au sein de la QI dans les années 1950 ou comme l’adaptation de l’OCI au PS dans les années 1970, représentent l’influence de forces bourgeoises et petites-bourgeoises sur les travailleurs. La lutte contre ces influences n’est pas une distraction de la construction du parti, mais l’expression la plus avancée de la lutte pour le marxisme dans la classe ouvrière.
Le PES défend la conception du marxisme classique, développée par Lénine avec la construction du Parti bolchévique et continuée par Trotsky avec la fondation de la QI, que la conscience socialiste révolutionnaire ne se développe pas spontanément dans la classe ouvrière. Cette conscience nécessite une compréhension scientifique des lois du développement historique et du capitalisme. Cette compréhension doit être introduite dans la classe ouvrière et c’est là la principale tâche du mouvement marxiste. Le dénigrement de la lutte pour la conscience révolutionnaire est le fonds de commerce des professeurs réactionnaires et des opportunistes de tous bords.
Le PES appelle les travailleurs à rompre avec les syndicats. Il insiste sur le fait que les luttes ouvrières ne seront victorieuses que si elles s’organisent indépendamment des syndicats sur la base d’une perspective révolutionnaire et socialiste pour une large mobilisation des travailleurs dans une lutte politique contre le capitalisme. Il encourage à tout moment la formation de nouvelles organisations indépendantes, telles que des comités d’usine ou du lieu de travail, qui représentent vraiment les intérêts des travailleurs de la base et sont soumises à leur contrôle démocratique.
Le PES lutte pour une compréhension scientifique du rôle des syndicats. Déjà dans les débuts du mouvement syndical en Angleterre, Marx les critiquait parce qu’ils négociaient les conditions de l’exploitation capitaliste des travailleurs dans un pays donné, plutôt que de lutter pour le renversement international du capitalisme. « Au lieu du mot d’ordre conservateur ‘Un salaire équitable pour une journée de travail équitable’, ils doivent inscrire sur leur drapeau le mot d’ordre révolutionnaire : ‘Abolition du salariat’ » écrivait Marx.
L’expérience du 20e siècle a confirmé le rôle généralement contre-révolutionnaire de la bureaucratie syndicale y compris en France où la Confédération générale du travail (CGT) a joué, avec le PCF, un rôle clé dans la trahison des opportunités révolutionnaires de 1936, 1944, 1953, et 1968. Néanmoins, comme de larges masses de travailleurs continuaient à lutter à travers les syndicats, le mouvement trotskyste a correctement cherché à intervenir dans les syndicats. Cela séparait le CIQI d’innombrables tendances petites-bourgeoises qui dénonçaient la politique des syndicats pour excuser leur décision de s’abstenir d’une lutte pour mobiliser les travailleurs.
Les syndicats ont été transformés par l’avènement de la mondialisation dans la période après 1968 et par l’effondrement de leur base ouvrière. D’organisations qui défendaient les intérêts immédiats des travailleurs par une négociation nationale des salaires et des acquis, ils sont devenus des appareils privilégiés qui défendent la compétitivité mondiale des entreprises sur le sol national en planifiant la réduction des salaires, des acquis, et des emplois. En France, tout en encadrant des manifestations symboliques en fonction des besoins politiques de l’élite dirigeante, ils ont organisé une réduction drastique du nombre des grèves. Mais malgré l’effondrement des cotisations de leur base, les coupes sociales, les licenciements en masse et les fermetures d’usines, leurs revenus ont continué de monter grâce aux milliards d’euros en subventions légales ou semi-légales du patronat et de l’Etat. Ce ne sont plus des organisations ouvrières mais des coquilles vides financées par la bourgeoisie où les travailleurs se trouvent contrôlés par des fonctionnaires petit-bourgeois liés aux services de police et de renseignement. Ils servent aujourd’hui de police industrielle dirigée contre les travailleurs.
Toute l’histoire du 20e siècle démontre que la révolution ne peut triompher si la classe ouvrière n’est pas guidée par un parti révolutionnaire. C’est ce qui sous-tend l’hostilité farouche du milieu petit bourgeois de pseudo-gauche à la construction d’un parti d’avant-garde marxiste dans la classe ouvrière. Le PES encourage des luttes larges de la part de la classe ouvrière et salue toute véritable victoire. Mais il est fondamentalement opposé à la conception syndicaliste que l’organisation de luttes puisse remplacer une stratégie révolutionnaire élaborée pour les travailleurs et dirigée par un parti marxiste.
Le PES défend ce principe socialiste révolutionnaire essentiel : dire la vérité aux travailleurs. Son programme et son travail se fondent sur une analyse scientifique et objective de la réalité politique, il lutte pour développer une conscience socialiste dans les masses en exposant une perspective marxiste aux travailleurs et aux jeunes les plus avancés. Le PES rejette l’argument insidieux qu’il faille partir du niveau de conscience prédominant dans les masses – ou plutôt de la conception qu’en ont les philistins petit-bourgeois. La première responsabilité du parti, comme l’a expliqué Trotsky, est de donner « une image claire, honnête de la situation objective, des tâches historiques qui découlent de cette situation, sans se demander si les travailleurs sont ou pas prêts à l’entendre. Nos tâches ne dépendent pas de la mentalité des travailleurs. La tâche est de développer la mentalité des travailleurs. C’est ce que le programme devrait formuler et présenter devant les travailleurs avancés. »
La lutte révolutionnaire du prolétariat exige de l’organisation et l’organisation est impossible sans discipline. La discipline nécessaire à la lutte révolutionnaire ne peut cependant pas être imposée d’en haut, mais doit se développer à partir d’un accord librement consenti sur les principes et le programme. Cette conception est reflétée dans la structure organisationnelle du PES, qui se fonde sur les principes du centralisme démocratique. Dans la formulation de la politique et de la tactique, il doit régner dans le parti la démocratie la plus complète. Aucune contrainte, à part celles indiquées dans la constitution du PES, n’est imposée à la discussion interne de la politique et de l’activité du PES. Les dirigeants sont élus démocratiquement par les membres, qui peuvent les critiquer et contrôler leurs activités. Mais si la formulation de la politique nécessite une discussion large et une critique ouverte et loyale, sa mise en œuvre nécessite la discipline la plus stricte. Les décisions prises démocratiquement au sein du parti engagent tous les membres. Ceux qui critiquent cet élément essentiel du centralisme, ou qui n’y voient qu’une enfreinte à leur liberté personnelle ne sont pas des révolutionnaires socialistes mais des individus anarchistes qui ne comprennent pas les nécessités de la lutte des classes.
Une tâche centrale du PES est la défense des traditions historiques et théoriques du marxisme. Il y a presque un siècle, pour le 50e anniversaire de la Commune, Trotsky écrivait, « Le prolétariat français, plus qu’aucun autre prolétariat, a fait des sacrifices à la Révolution. Mais plus qu’aucun autre aussi, il a été dupé. La bourgeoisie l’a plusieurs fois ébloui par toutes les couleurs du républicanisme, du radicalisme, du socialisme, pour lui mettre toujours des chaînes capitalistes. La bourgeoisie a avancé par ses agents, ses avocats et ses journalistes, toute une masse de formules démocratiques, parlementaires, autonomistes qui ne sont que des entraves aux pieds du prolétariat et qui gênent son mouvement en avant. » On pourrait ajouter que depuis 1921, ce travail de mystification politique et théorique a continué à une échelle plus massive encore.
Le PES fonde son activité sur une analyse des lois objectives de l’histoire et de la société. Ancré dans le matérialisme, le marxisme insiste sur la primauté de la matière sur la conscience. « L’idée n’est rien d’autre que le monde matériel » écrit Marx « reflété dans l’esprit humain et traduit en formes de la pensée ». Le matérialisme du marxisme est dialectique, dans le sens qu’il considère le monde matériel et ses reflets dans la pensée non comme une collection d’objets fixes et intérieurement indifférenciés, mais comme des complexes de processus en mouvement et en interaction constants, avec des tendances antagonistes et divergentes. Cette conception constituait la base théorique du développement par Karl Marx et Friedrich Engels du socialisme scientifique, fondé sur une compréhension objective du conflit de classe et de l’exploitation dans la société capitaliste, ainsi que du rôle révolutionnaire de la classe ouvrière.
Malgré les instincts socialistes qui ont animé des masses de travailleurs en France au 20e siècle, ce ne sont pas là les conceptions qui ont dominé chez les intellectuels petit-bourgeois qui se déclaraient marxistes. L’effondrement des partis de la pseudo gauche à l’actuelle époque de crise capitaliste, de guerre impérialiste et de luttes révolutionnaires de la classe ouvrière a démontré la banqueroute des théories anti-marxistes et des partis qui s’en sont inspirés. Le PES lutte pour une renaissance du marxisme classique pour jeter les bases du développement d’un mouvement trotskyste dans la classe ouvrière.
Le PES défend l’héritage historique de Léon Trotsky et du mouvement trotskyste contre les attaques et les falsifications de ses opposants bourgeois et petit-bourgeois. Ces attaques – qu’elles viennent des descendants des idéologues anticommunistes ou staliniens ou des forces de pseudo-gauche qui tentent de couvrir leur politiques anti-trotskystes en proclamant qu’il y a de « nombreux trotskysmes » – sont toutes destinées à bloquer le développement de la conscience socialiste parmi les travailleurs. Ils nient que la lutte de Trotsky, continuée par le CIQI, représente la continuité de la lutte du mouvement marxiste en tant qu’alternative révolutionnaire au capitalisme.