Des émeutes éclatent à travers la France après le meurtre d’un jeune de 17 ans par la police

Mardi matin un jeune homme de 17 ans a été assassiné par un policier après un refus d’obtempérer, provoquant des émeutes à travers la banlieue de Paris et dans des villes à travers la France.

Le parquet de Nanterre a indiqué en milieu d’après-midi avoir ouvert deux enquêtes, l’une pour «refus d’obtempérer» et «tentative d’homicide volontaire sur personne dépositaire de l’autorité publique», confiée au commissariat de Nanterre et à la Sûreté territoriale du 92, l’autre pour «homicide volontaire par personne dépositaire de l’autorité publique» confiée à l’IGPN (Inspection générale de la police nationale). Un passager arrière, « également mineur », a été interpellé et placé en garde à vue. Le troisième passager est parvenu à prendre la fuite.

Selon les premiers éléments de l’enquête rapportés par les sources policières, c’est entre 8 heures et 8h30 que le conducteur du véhicule, une Mercedes AMG qui avait été louée, a commis plusieurs infractions au code de la route. A la vue de motards de police, il s’est d’abord arrêté, avant d’accélérer dans leur direction. Un fonctionnaire a alors tiré au niveau du thorax du conducteur, selon les mêmes sources.

Cependant la version des policiers est contredite par une vidéo qui circule sur les réseaux sociaux. On y voit deux policiers contrôler une voiture jaune passage François-Arago. L’un d’entre eux, debout, accoudé sur le pare-brise, tient le conducteur en joue avec son pistolet. Quand le conducteur redémarre, le policier tire à bout portant depuis le côté du véhicule. La voiture a fini sa course quelques dizaines de mètres plus loin, encastrée dans un poteau.

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Selon certaines informations, les flics qui ont stoppé et assassiné Nahel auraient été des membres de l’unité BRAV-M qui a joué un rôle central dans la violente répression des manifestations contre la réforme des retraites impopulaire et illégitime d’Emmanuel Macron.

Après le drame, des habitants se sont réunis mardi soir devant le commissariat de Nanterre réclamant « Justice pour Nahel » et scandant « police partout, justice nulle part ». Interrogé par le journal Le Parisien, Yanis présent devant le commissariat a lancé: «On avait déjà une certaine haine de la police, ça ne fait que la renforcer. On ressent de la colère, de l’incompréhension, ce qui est arrivé à Nahel est disproportionné, ça me révolte».

Dans la nuit de mardi à mercredi, les émeutes ont secoué la région parisienne ainsi que de Toulouse, Lille et Colmar. Des jeunes se sont rassemblés dans des banlieues de Paris dont Nanterre, Clichy-sous-Bois, Asnières et Colombes et ont saccagé et brûlé des locaux des municipalités et de la police.

Hier, l’avocat de la famille de Nahel, Me Yassine Bouzrou, a annoncé des plaintes visant la police pour homicide volontaire et pour faux en écriture publique. Il a expliqué: «La première version (des faits du meurtre, NDLR) mentionnée était mensongère et a normalement été mentionnée sur un procès-verbal.»

Au départ, les autorités de police ont tenté de défendre sans vergogne leurs mensonges initiaux contre Nahel, malgré la montée de la colère publique contre ces mensonges d’État. Le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin a condamné mercredi matin ces « violences urbaines » dans les Hauts-de-Seine et ailleurs, et a appelé « au calme ». En plus des 31 interpellations, il a évoqué «24 policiers blessés» et d’une «quarantaine de véhicules brûlés», ainsi que d’une annexe de la mairie de Mantes-la-Jolie (Yvelines) incendiée.

La préfecture de Paris, bras droit du ministre de l’Intérieur Castaner pendant le mouvement des «gilets jaunes» a indiqué au départ son hostilité à l’inculpation du flic qui avait tué Nahel. «Ce geste m’interpelle, a dit le préfet de Paris Laurent Nuñez. Il y a un premier refus d’obtempérer puis un contrôle au cours duquel le coup de feu est tiré. L’enquête doit faire toute la lumière sur les circonstances de ce contrôle, sur ce qu’il s’est passé juste avant, ce qui s’est passé dans l’habitacle. Il faut respecter la présomption d’innocence. S’il y a faute, il y aura sanction».

Les milieux dirigeants ont dû changer d’approche, cependant, face à l’éruption de colère contre un meurtre policier visible en vidéo. L’acteur Omar Sy et les footballeurs Paul Pogba et Kylian Mbappé ont dénoncé le meurtre. Mbappé a tweeté: «J’ai mal à ma France. Une situation inacceptable. Tout mes pensées vont pour la famille et les proches de Naël, ce petit ange parti beaucoup trop tôt.»

La première ministre Elisabeth Borne et puis Macron lui-même se sont fendus de déclarations hypocrites pour essayer de prendre leurs distances du meurtre de Nahel. «Aujourd’hui, il y a un choc, un deuil, une colère. C’est à la justice d’y répondre», a dit Borne, avant d’ajouter: «Les images choquantes diffusées hier montrent une intervention qui ne semble manifestement pas conforme aux règles d’engagement de nos forces de l’ordre.»

Macron a aussi lancé un bref appel au calme. «Rien ne justifie la mort d’un jeune», a-t-il dit, déclarant que le meurtre était «inexplicable, inexcusable» et appelant au «calme partout» pour éviter «l’embrasement». Le ministère de l’Intérieur a ensuite annoncé que 2.000 policiers seraient mobilisés en région parisienne cette nuit.

Les émeutes se sont intensifiées la nuit passée, dans les métropoles de Paris, Lyon, Lille, Toulouse, Bordeaux et Rennes. En Ile-de-France, les flics étaient débordés par leurs émeutiers. Des jeunes ont fait face aux forces de l’ordre qui tiraient des lacrymogènes et des balles de LBD, réagissant avec des tirs de mortiers et selon certains reportages des cocktails Molotov.

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Des jeunes ont saccagé et brûlé des commissariats ou des locaux de police à Trappes, Neuilly-sur-Marne, et Dammarie-les-Lys. Des affrontements avec les forces de l’ordre ont aussi éclaté dans les 14e, 15e et 19e arrondissements de Paris intra muros.

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Des sirènes ont retenti quand des jeunes ont tenté de prendre d’assaut la prison de Fresnes et ont brûlé une des portes d’entrée de la prison.

L'explosion de colère contre ce meurtre reflète les tensions de classe explosives qui déchirent la société française et européenne, et le profond discrédit du gouvernement Macron après son passage en force sur la réforme des retraites malgré une opposition populaire écrasante. Des masses de Français sentent que Macron gouverne contre le peuple, sans légitimité démocratique aucune, foulant aux pieds des droits démocratiques et sociaux fondamentaux.

Quand Macron dit que le meurtre de Nahel est inexplicable”, il raconte un mensonge politique. Ce meurtre est le produit de sa défense brutale des intérêts capitalistes. Il a attisé les humeurs les plus réactionnaires parmi les flics fascistes, afin de les cultiver comme base sociale contre la classe ouvrière. Tout au long de sa présidence, les flics ont servi à réprimer brutalement les manifestations contre l’austérité et le détournement par Macron de milliards d’euros des dépenses sociales vers l’armée et la guerre de l’OTAN contre la Russie en Ukraine.

Le gouvernement Macron a décoré les unités de police qui ont commis le meurtre de Zineb Redouane, 80 ans, à sa fenêtre, en lui tirant au visage avec une bombe lacrymogène, ou l'agression violente de Geneviève Legay, 76 ans, lors des manifestations des gilets jaunes'. Cette promotion officielle constante, par le gouvernement lui-même, de violences policières contre le peuple a créé le climat dans les forces de l’ordre pour le meurtre de Nahel.

Comme pendant la lutte contre la réforme des retraites au printemps, la seule voie pour aller de l’avant est une lutte de la classe ouvrière pour faire chuter Macron.

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