Les événements récents ont clairement montré que les membres de la base des Travailleurs unis de l’automobile (UAW) doivent demander de nouvelles élections pour se débarrasser de l’administration discréditée de Shawn Fain et opérer un changement de cap radical afin de défendre leurs emplois, leur niveau de vie et leurs droits démocratiques fondamentaux.
Huit mois après que les dirigeants de l’UAW ont fait passer à toute vapeur leurs prétendues conventions collectives «record», les travailleurs de l’automobile paient un prix dévastateur pour la grève «debout» bidon et la trahison de leur lutte contractuelle. Des milliers de travailleurs à temps partiel à qui Fain & cie avaient promis qu’ils seraient convertis en postes à temps plein une fois le contrat ratifié ont été sommairement licenciés.
Des milliers d’autres ont été licenciés dans le Michigan, l’Ohio et l’Indiana, et les suppressions d’emplois se multiplient. Pendant ce temps, ceux qui restent sont contraints de travailler 10 à 12 heures par jour, six ou sept jours par semaine, et sont punis lorsqu’ils prennent des congés pour des rendez-vous médicaux ou des urgences familiales.
Toutes les affirmations de Fain et du groupe «Unite All Workers for Democracy» concernant la fin de la corruption, qui a envoyé une douzaine de dirigeants de l’UAW, dont deux anciens présidents, en prison, se sont également révélées être un tissu de mensonges. Le 9 juin, le contrôleur de l’UAW nommé par le tribunal a annoncé qu’il enquêtait sur la corruption persistante au sein de la direction, y compris sur des allégations de détournement de fonds syndicaux par Fain personnellement et par un directeur régional anonyme.
Selon le contrôleur, les dirigeants syndicaux font obstruction à l’enquête en refusant de communiquer des dizaines de milliers de documents demandés. Selon le Detroit Free Press, si cette situation persistait, «il n’est pas impossible que le contrôleur demande la révocation de Fain».
Plus important encore, le 25 juin, un juge fédéral du Michigan a rendu une décision reconnaissant essentiellement que l’élection de l’UAW, qui a porté Fain à la présidence du syndicat avec les voix d’à peine 6 pour cent de la base, était totalement illégitime. Le juge David Lawson, du district Est du Michigan, a dénoncé le ministère du Travail de Joe Biden pour avoir agi de manière «arbitraire et capricieuse» en rejetant les plaintes déposées par Will Lehman, ouvrier de la base de l’industrie automobile, qui dénonçait le musèlement des votes et d’autres violations lors du tout premier vote des membres pour élire les principaux dirigeants de l’UAW en 2022.
Cette décision est d’autant plus importante que le même juge avait rejeté la demande de Lehman, en novembre 2022, de prolonger d’un mois la date limite des élections à l’UAW et de garantir le droit de vote à tous les membres. À l’époque, Lehman avait présenté des preuves détaillées de la façon dont la bureaucratie de l’UAW refusait de mettre à jour les adresses postales et de prendre des mesures significatives pour s’assurer que tous ses membres soient informés de l’élection. Ce musèlement délibéré des votes s’est traduit par la participation de seulement 9 pour cent des 1,1 million de membres actifs et retraités qui avaient le droit de voter, soit le pourcentage le plus bas de toutes les élections syndicales nationales de l’histoire des États-Unis.
La décision du juge prouve que Lehman et l’Alliance ouvrière internationale des comités de base (IWA-RFC) avaient entièrement raison. Les travailleurs ont été victimes d’une immense supercherie, approuvée par le gouvernement Biden, qui était déterminé à placer son homme au poste de président de l’UAW, sans tenir compte des désirs de la base. Depuis qu’il a été couronné, Fain a agi comme le caniche de Biden en soutenant les contrats de capitulation et les politiques bellicistes du président.
Depuis la décision du juge, de nombreux travailleurs s’interrogent: quelle est la voie à suivre?
La révélation de la fraude électorale, combinée à l’abandon continu des intérêts des travailleurs et à la corruption, plaide indiscutablement en faveur de l’organisation d’une nouvelle élection au sein de l’UAW.
Mais les travailleurs ne peuvent pas compter sur le ministère du Travail, le contrôleur de l’UAW ou les tribunaux pour défendre leurs droits. Si des élections véritablement démocratiques doivent avoir lieu, les travailleurs de la base doivent se battre pour les obtenir et les superviser.
L’Alliance ouvrière internationale des comités de base appelle les travailleurs de chaque usine et de chaque lieu de travail à constituer des comités électoraux de la base afin d’exiger la tenue de nouvelles élections et de mettre en place les structures garantissant leur légitimité. Cela signifie qu’il faut organiser des réunions de masse pour nommer les travailleurs les plus fiables et les plus militants, organiser des comités électoraux pour assurer la diffusion de l’information et garantir le droit de vote de chaque membre de l’UAW, et exercer un contrôle de la base sur le dépouillement des bulletins de vote.
Au cours de sa campagne électorale, Will Lehman a prévenu que le remplacement d’un bureaucrate par un autre ne contribuerait en rien à renforcer le pouvoir de la base. Au lieu de réformer la bureaucratie, les travailleurs doivent l’abolir et transférer le pouvoir et la prise de décision de l’appareil de l’UAW aux travailleurs de l’atelier.
Le seul moyen pour qu’un nouveau vote ne produise pas un autre larbin du patronat et du gouvernement est que ce processus soit lié à la lutte pour la construction de nouveaux organes d’autodétermination dirigés par les travailleurs eux-mêmes de manière indépendante.
La demande de nouvelles élections doit être liée à la lutte pour l’annulation des contrats de trahison et la lutte contre tous les licenciements et les fermetures d’usines. Les comités de base doivent lutter pour la réembauche de tous les travailleurs à temps partiel et à temps plein, l’arrêt des heures supplémentaires obligatoires et du travail le week-end, davantage de congés payés et la fin des politiques punitives en matière d’assiduité.
Face aux menaces des patrons de l’automobile, notamment celles du PDG de Stellantis, Carlos Tavares, de délocaliser la production vers les «pays où les coûts sont les plus bas» et de monter les travailleurs les uns contre les autres dans une course vers le bas, le réseau des comités de base des travailleurs de l’automobile aux États-Unis doit coordonner la lutte pour la défense de l’emploi et du niveau de vie avec les travailleurs du monde entier, sous la direction de l’IWA-RFC.
Cette lutte bénéficiera d’un soutien puissant. La campagne de Will Lehman l’a démontré. Se présentant en tant que socialiste et combattant pour l’unité internationale de la classe ouvrière, Lehman a remporté près de 5.000 voix dans les usines, les universités et les lieux de travail à travers le pays, malgré le fait que 90 pour cent des membres de l’UAW aient été privés de leur droit de vote.
Un puissant mouvement d’en bas est apparu ces dernières années, dans lequel les travailleurs les plus politiquement conscients qui se battent pour construire ce mouvement de base jouent un rôle décisif. Cela inclut les grèves conjointes des travailleurs américains et mexicains de GM en 2019, la vague de grèves sauvages contre la propagation du COVID-19 qui a mis l’industrie automobile à l’arrêt en mars 2020, la grève de Volvo Trucks en 2021, la propagation des comités des travailleurs de base chez Caterpillar, Dana, Clarios, GM, Ford et Stellantis depuis 2022.
La grève de dizaines de milliers de travailleurs de l’Université de Californie au début de cette année a exprimé l’entrée de la classe ouvrière en tant que force politique centrale pour s’opposer à la guerre et à la répression de l’État. La grève, qui s’opposait au génocide à Gaza et à la répression des manifestations sur les campus, a fait craindre aux cercles dirigeants que la bureaucratie de l’UAW ne soit pas en mesure de contenir la large opposition à la guerre au sein de la classe ouvrière.
La demande de nouvelles élections à l’UAW renforcera le mouvement pour le pouvoir de la base et donnera une impulsion à la construction de structures alternatives aux bureaucraties procapitalistes et proguerre.
Comme le montrent la course à la présidence des États-Unis et l’approbation par l’État des élections truquées de l’UAW, la classe dirigeante est totalement hostile aux droits démocratiques de la classe ouvrière. Le fossé grandissant entre les riches et les pauvres et l’escalade de guerres impérialistes profondément impopulaires exigent la mise en place des formes de gouvernement les plus autoritaires, comme le montre l’arrêt de la Cour suprême sanctionnant une dictature présidentielle. C’est pourquoi la lutte pour les droits fondamentaux est aujourd’hui indissociable de l’extension de la démocratie ouvrière et de la lutte pour le socialisme.
(Article paru en anglais le 5 juillet 2024)